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19 décembre 2015 6 19 /12 /décembre /2015 23:26
Le mal existe et pourtant j'aime Dieu

Testament écrit par un juif polonais, Jossel Raschower, avant de mourir au cours de la révolte du ghetto de Varsovie en 1943, alors qu’il se prépare à verser sur ses habits, pour s’incendier complètement , les dernières bouteilles d’essence qu’il utilisait contre les assaillants.
Il avait déposé ce testament dans une bouteille, et nous avons trouvé ce texte admirable.
Cette profession de foi extraordinaire a été publiée sous le nom de « Testament dans la fournaise ».
En voici quelques extraits :

« Si quelqu’un le trouve plus tard, il saura peut-être saisir les sentiments d’un juif, d’un de ces millions de juifs qui sont morts ; un juif abandonné du Dieu auquel il croyait si intensément...

Lorsque je regarde les années passées, je puis dire, pour autant qu’un homme puisse témoigner de quelque chose avec certitude : j’ai eu une vie magnifique.

Ma vie fut autrefois bénie de bonheur. J’ouvrais ma porte à tout homme dans le besoin et je trouvais le bonheur lorsque je pouvais rendre service à mon prochain.

J’ai servi Dieu dans un ardent abandon, et ma seule prière vers Lui était de pouvoir le servir de tout mon cœur, de toute mon âme, de toutes mes forces.

Mais il se passe maintenant quelque chose de très surprenant dans le monde : c’est le temps où le Tout-Puissant détourne son visage des suppliants. Dieu a caché sa face au monde. Et c’est pourquoi les hommes sont abandonnés à leurs passions sauvages. Il est très naturel, aux temps où ces passions règnent sur le monde, que ceux-là soient les premières victimes en qui le divin et le pur sont demeurés vivants. 

Cela ne signifie pas qu’un juif pieux accepte simplement le jugement comme il vient, et dise : Dieu a raison, son jugement est juste. Non, je n’attends pas un miracle et je ne prie pas mon Dieu qu’Il ait pitié de moi.

Qu’Il me montre la même indifférence qu’Il a montrée à des millions d’autres de son peuple ; je ne suis pas une exception et je n’attends pas qu’Il m’accorde une attention. Je n’essaierai pas de me sauver moi-même ; je ne tenterai pas d’échapper d’ici.

Je crois au Dieu d’Israël, même s’Il a tout fait pour briser ma foi en Lui. Je crois à ses lois. Je me courbe devant sa grandeur, mais je n’embrasserai pas le bâton qui me châtie. Je l’aime mais j’aime encore plus sa loi. Et même si je m’étais trompé à son sujet, je continuerais à adorer sa loi.

Tu dis que nous avons péché. Je voudrais néanmoins que tu me dises s’il y a un péché sur terre qui mérite un tel châtiment. Je te dis tout cela, mon Dieu, parce que je crois en Toi, parce que je crois plus que jamais en Toi.

Mais je ne puis Te louer pour les actes que tu tolères. Je meurs paisiblement, mais non satisfait ; en croyant, mais non en suppliant.

J’ai suivi Dieu même quand Il m’a repoussé loin de lui.

J’ai accompli son commandement même lorsque, pour prix de cette observance, il me frappait.

Je l’ai aimé. J’étais et je suis encore épris de Lui, même lorsqu’Il m’a abaissé jusqu’à terre, m’a torturé jusqu’à la mort.

Tu peux me torturer, mais je croirai en Toi. Je t’aimerai toujours malgré toi.

Et ceci sont mes dernières paroles, mon Dieu de colère : tu ne réussiras pas à me faire te renier.

Tu as tout entrepris pour que je tombe dans le doute. Mais je meurs comme j’ai vécu, dans une foi inébranlable en Toi.

(Du livre de Marie Joseph Le Guillou : « Du scandale du mal à la rencontre de Dieu » Ed. St Paul 1991)

Je veux esquisser la démarche du Testament dans la fournaise de Jossel Rashower, mort en 1943 lors du soulèvement du ghetto de Varsovie, qui fait pendant à la tentative de Hans Jonas.

Il déclare avoir eu une vie magnifique et avoir servi Dieu de toutes ses forces.

Et voici qu'il se heurte à ce temps incompréhensible où "le Tout-Puissant" détourne son visage des suppliants.

Or il ne pense pas qu'aucun péché puisse mériter un tel châtiment. Il n'accepte donc pas le jugement de Dieu pour le reconnaître juste, il n'embrasse pas le bâton qui le punit, il ne loue pas Dieu pour les actes qu'il tolère.

Pourtant, il croit au Dieu d'Israël, d'une foi inébranlable, il s'incline devant sa grandeur, il l'aime toujours fût-ce malgré Lui. Mais -si j e comprends bien - il en appelle à la justice de la loi: "Je l'aime, mais j'aime encore plus sa loi. Et même si je m'étais trompé à son sujet, j e continuerai à adorer sa loi".

Tel est, ce me semble, le langage du croyant au sujet de l'excès du mal. Il naît de l'expérience ou d'une authentique participation. Il refuse toutes les explications, qui sont inopérantes et suscitent le plus souvent une révolte plus grande encore que celle que soulève le malheur même.

Il consent loyalement à s'affronter au scandale qui naît de l'injustifiable. Il demeure donc une question obstinée, qui ne cède pas aux "réponses" mais ne conclut pas non plus à l'"absurde". 

Dieu et le mal, après Auschwitz 

JEAN-PIERRE JOSSUA 

http://repositorio.ucp.pt/bitstream/10400.14/16971/1/V02401-087-093.pdf

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