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13 février 2016 6 13 /02 /février /2016 23:25
Communion

Si le Feu est descendu au cœur du Monde, c’est finalement pour me prendre et pour m’absorber. Dès lors, il ne suffit pas que je le contemple, et que par une foi entretenue, j’intensifie sans cesse autour de moi son ardeur. Il faut qu’après avoir coopéré, de toutes mes forces, à la Consécration qui le fait jaillir, je consente enfin à la Communion qui lui donnera, en ma personne, l’aliment qu’il est venu finalement chercher.

Je me prosterne, mon Dieu, devant votre Présence dans l’Univers devenu ardent et, sous les traits de tout ce que je rencontrerai, et de tout ce qui m’arrivera, et de tout ce que je réaliserai en ce jour, je vous désire et je vous attends.

C’est une chose terrible d’être né, c’est-à-dire de se trouver irrévocablement emporté, sans l’avoir voulu, dans un torrent d’énergie formidable qui paraît vouloir détruire tout ce qu’il entraîne en lui.

Je veux, mon Dieu, que par un renversement de forces dont vous pouvez seul être l’auteur, l’effroi qui me saisit devant les altérations sans nom qui s’apprêtent à renouveler mon être se mue en une joie débordante d’être transformé en Vous.

Sans hésiter, d’abord, étendrai la main vers le pain brûlant que vous me présentez. Dans ce pain, où vous avez enfermé le germe de tout développement, je reconnais le principe et le secret de l’avenir que vous me réservez. Le prendre, c’est me livrer, je le sais, aux puissances qui m’arracheront douloureusement à moi-même pour me pousser au danger, au travail, à la rénovation continuelle des idées, au détachement austère dans les affections.

Le manger, c’est contracter, pour ce qui est en tout au-dessus de tout, un goût et une affinité qui me rendront désormais impossibles les joies où se réchauffait ma vie. Seigneur Jésus, j’accepte d’être possédé par Vous, et mené par l’inexprimable puissance de votre Corps auquel je serai lié, vers des solitudes où, seul, je n’aurais jamais osé monter. Instinctivement, comme tout Homme, j’aimerais dresser ici-bas ma tente sur un sommet choisi. J’ai peur, aussi, comme tous mes frères, de l’avenir trop mystérieux et trop nouveau vers lequel me chasse la durée. Et puis je me demande, anxieux avec eux, où va la vie …

Puisse cette Communion du pain avec le Christ revêtu des puissances qui dilatent le Monde me libérer de ma timidité et de ma nonchalance ! Je me jette, ô mon Dieu, sur votre parole, dans le tourbillon des luttes et des énergies où se développera mon pouvoir de saisir et d’éprouver votre Sainte Présence. Celui qui aimera passionnément Jésus caché dans les forces qui font grandir la Terre, la Terre, maternellement, le soulèvera dans ses bras géants, et elle lui fera contempler le visage de Dieu.

Si votre royaume, mon Dieu, était de ce Monde, ce serait assez, pour vous tenir, que je me confie aux puissances qui nous font souffrir et mourir en nous agrandissant palpablement, nous ou ce qui nous est plus cher que nous-mêmes. Mais, parce que le Terme vers lequel se meut la Terre est au-delà, non seulement de chaque chose individuelle, mais de l’ensemble des choses, – parce que le travail du Monde consiste, non pas à engendrer en lui-même quelque Réalité suprême, mais à se consommer par union dans un Être préexistant, il se trouve que, pour parvenir au centre flamboyant de l’Univers, ce n’est pas assez pour l’Homme de vivre de plus en plus pour soi, ni même de faire passer sa vie dans une cause terrestre, si grande soit-elle.

Le Monde ne peut vous rejoindre finalement, Seigneur, que par une sorte d’inversion, de retournement, d’excentration où sombre pour un temps, non seulement la réussite des individus, mais l’apparence même de tout avantage humain.

Pour que mon être soit décidément annexe au vôtre, il faut que meure en moi, non seulement la monade, mais le Monde, c’est-à-dire que je passe par la phase déchirante d’une diminution que rien de tangible ne viendra compenser. Voilà pourquoi, recueillant dans le calice l’amertume de toutes les séparations, de toutes les limitations, de toutes les déchéances stériles, vous me le tendez, « Buvez-en tous ».

Comment le refuserais-je ce calice, Seigneur, maintenant que par le pain auquel vous m’avez fait goûter a glissé dans la moelle de mon être l’inextinguible passion de vous rejoindre, plus loin que la vie, à travers la mort. La Consécration du Monde serait demeurée inachevée, tout à l’heure, si vous n’aviez pas animé avec prédilection, pour ceux-là qui croiraient, les forces qui tuent, après celles qui vivifient.

Ma Communion maintenant serait incomplète (elle ne serait pas chrétienne, tout simplement) si, avec les accroissements que m’apporte cette nouvelle journée,  je ne recevais pas, en mon nom et au nom du Monde, comme la plus directe participation à vous-même, le travail, sourd ou manifeste, d’affaiblissement, de vieillesse et de mort qui mine incessamment l’Univers, pour son salut ou sa condamnation.

Je m’abandonne éperdument, ô mon Dieu, aux actions redoutables de dissolution par lesquelles se substituera aujourd’hui, je veux le croire aveuglément, à mon étroite personnalité votre divine Présence. Celui qui aura aimé passionnément Jésus caché dans les forces qui font mourir la Terre, la Terre en défaillant le serrera dans ses bras géants, et avec elle, il se réveillera dans le sein de Dieu.
 

« LA MESSE SUR LE MONDE » – Teilhard de Chardin, 1923

http://www.seraphim-marc-elie.fr/

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