Poussé par l’Esprit Jésus s’enfonce dans le désert, il jeûne quarante jours et quarante nuits, il a faim, il est tenté par le diable, il sort vainqueur de l’épreuve, le diable le quitte et les anges le servent.
En nous proposant ce texte de Matthieu le premier dimanche de la sainte quarantaine l’Eglise nous donne dans sa grande sagesse le programme à suivre pour nous préparer avant la montée du Christ à Jérusalem dans six semaines.
Nous sommes entrés dans le temps ecclésial du Grand Carême et il faut une grâce de l’Esprit pour entrer dans ce temps en conscience et décider d’en faire un désert volontaire. Le Christ nous appelle à le suivre et si nous l’entendons nous sentons comme une envie irrépressible de nous couper du monde, quoiqu’il nous en coûte sur le plan de nos relations sociales et de notre confort de vie.
Il y a en nous une résonnance de l’âme avec ce qu’une tradition millénaire nous propose : l’expérience de la solitude, de la faim, de la pauvreté au milieu du monde, là où nous sommes et sans que le monde le remarque pour rencontrer celui qui nous a appelé et qui nous attend.
N’est-il pas étonnant que nombre de nos contemporains en quête de sens en aient l’intuition et se précipitent pour faire des séjours couteux dans des déserts de sable ou de glace avec le secret espoir d’y découvrir le secret caché de leur vie.
Laissons-nous donc pousser par l’Esprit et faisons « désert » et jeûnons.
Mais pourquoi le désert ? Pourquoi le jeûne ? Nous nous doutons que si cela est nécessaire au Christ notre maître et notre guide c’est que cela est aussi nécessaire pour nous.
Notre environnement est le contraire du désert et du manque ; c’est un univers de profusion, d’information pléthorique et d’agitation. Et cet univers nous habite sans que nous en ayons vraiment conscience et il couvre en nous la voix de l’Esprit. Seule l’expérience du désert peut nous rendre sensible à ce qui nous coupe de Dieu et à nous en libérer.
Et pour en faire l’expérience nous avons deux possibilités : l’une radicale et somme toute plutôt facile parce que les tentations extérieures sont moindre, c’est de tout quitter pour faire une retraite le temps du carême par exemple dans un monastère ou un ermitage. L’autre plus ardue car nécessitant une volonté sans faille c’est de faire de notre quotidien le désert, le vide de nos sens qui nous recentre sur l’essentiel : la faim et la soif de Dieu.
La méthode passe donc par la privation. Pourquoi ?
D’abord parce que la solitude, le silence et la faim sont des révélateurs de l’état de notre âme. Sur un mur blanc la moindre poussière se voit. Face à nous-même nos passions ne peuvent plus se cacher. C’est le temps de la tentation.
Ensuite parce que le passage par l’épreuve du manque est un combat qui purifie et affermit la triple dimension de notre être : corps, âme et esprit. Le diable nous quitte.
Enfin parce que dans le vide ainsi créé en nous Dieu peut se reposer, nous emplir de sa grâce et nous spiritualiser. Les anges alors nous servent.
Comment donc faire ce désert et jeûner sans tomber dans les extrêmes, c’est-à-dire sans se trouver de bonnes raisons « raisonnables » pour en faire le minimum ou au contraire en faire trop au risque de la santé, d’une vaine gloire ou de ruptures sociales ou affectives ?
Il faut se fixer soi-même si l’on n’a pas de père spirituel une règle et décider de s’y tenir contre vents et marées. Et si l’on chute ou si l’on est obligé de rompre la règle, ce qui est humain, on se relève, on appelle Dieu à son secours et on reprend sa discipline, ce qui est divin.
Nous devons nous considérer comme des malades spirituels rongés par une maladie que nous ne voyons pas et qui nous fait croire que nous sommes en bonne santé. Le carême c’est la chambre de l’hôpital et la convalescence, la règle c’est l’ordonnance du médecin divin.
Je ne suis pas votre médecin et je ne sais pas quelle ordonnance vous prescrire par contre je vais vous donner la liste des médicaments que j’ai dans ma pharmacie et je dois vous avouer que j’augmente ma dose chaque année. C’est une des surprises de l’expérience carêmique : on y prend goût et on l’attend même avec impatience d’une année sur l’autre.
Voici mes remèdes : couper la télévision, la radio, ne pas lire de journaux, de revues, de romans, ne pas regarder de films, de spectacles, de documentaires sur quelque media que ce soit, éviter de bavarder plus que nécessaire sur les réseaux sociaux et par messagerie, arrêter de fumer ou tout autre addiction qui nous tient et sur le plan alimentaire éviter la viande, le lait, l’alcool, le café et le thé. Cela vous semble difficile ? Essayez et vous verrez.
Et c’est plus facile et plus efficace la aussi quand on est radical. Quand on est motivé et avec l’aide de Dieu ne peut-on pas faire aussi bien qu’un athée écolo et végétarien. Non ? Lui c’est pour sa santé physique et pour la Terre, nous c’est pour notre santé spirituelle et pour le Ciel avec en ligne de mire la vie éternelle !
Le désert ainsi créé et le jeûne ainsi vécu déstabilisent notre corps et notre âme. Nous vivons alors une désintoxication physique et psychique. Cela ne va pas forcément de soi et au début il n’est pas rare d’avoir à lutter contre les passions qui s’exacerbent en nous : la peur, la colère, l’irritation, la déprime et j’en passe. Mais avec le temps le corps et l’âme soumis à cette discipline s’allègent et deviennent sensibles à l’Esprit dont ils acceptent enfin la souveraineté.
A nous alors de nourrir en même temps l’esprit pour réorienter tout l’être vers Dieu qui est sa source car il est écrit « ce n’est pas de pain seul que vivra l’homme, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ».
La suite de la pharmacopée est donc la suivante : regarder la télévision, écouter la radio, voir des documentaires, lire des journaux, des revues et des livres oui mais seulement s’ils parlent de Dieu, du Christ, de Marie et des saints. Mieux, comme le propose Saint Benoit dans sa Règle, choisir un livre spirituel unique pour le carême qui soit un compagnon de route pendant quarante jours. Un livre à méditer lentement, chaque jour, jusqu’à Pâque.
Pendant ces jours notre vie, nos pensées devraient être orientées le plus possible vers Dieu. En voiture, à pied, dans les transports en commun nous pouvons écouter ou lire la Parole de Dieu ou des spirituels qui la portent et nous pouvons dire la prière de Jésus.
Que faisait donc Jésus dans le désert ? Sans aucun doute debout ou assis, en silence, il priait le Père. Ajoutons donc à notre règle chaque jour ou chaque nuit un temps de recueillement à l’écart pour méditer et prier son Père qui est notre Père.
Nous avons la chance de vivre collectivement ce temps de montée vers Paque et ce vécu collectif est une force spirituelle sur laquelle nous pouvons nous appuyer. Nous devons profiter de ce temps béni où toute l’Eglise, toute la communauté chrétienne nous porte avec la force du jeûne et de la prière.
En nous libérant de la dictature de la chair nous devenons comme une éponge s’imbibant de l’Esprit de Dieu, chaque cellule de notre corps devient pleine de la présence divine car dit Padre Pio, « Dieu enrichit l’âme qui se dépouille de tout ».
Et une âme pleine de Dieu ne peut que se donner. C’est ce que nous enseignent nos Pères qui ne séparent pas le jeûne et la prière du don au frère et plus particulièrement au pauvre. Ainsi nous dit Saint Augustin " jeûner et partager : la prière prend son envol, portée par ces deux ailes. Jeûne donc de sorte qu'un autre ayant mangé à ta place, tu te réjouisses d'avoir ainsi pris ton repas"
Faisons donc de notre Carême un sacrifice agréable à Dieu.
A Lui notre Seigneur, le Nouvel Adam, qui dans son humanité a vaincu les tentations de la chair et du démon soient l’honneur, la puissance et la gloire aux siècles des siècles.
Diacre Marc-Elie
http://www.seraphim-marc-elie.fr/
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