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20 juillet 2016 3 20 /07 /juillet /2016 15:44
L'arianisme

Arius affirme que c'est à partir du néant que le Fils est venu à l'existence et par «participation » qu'il a été divinisé.

«  Contraintpar les besoins de la nature, il se retira, et soudain, pour employer les termes mêmes de l' Écriture, "il tomba la tête la première et éclata par le milieu", expirant aussitôt dans cette position, privé en même temps de la vie et de la communion. » 

Dans cette lettre à son collaborateur Sérapion, datée de 336, Athanase d'Alexandrie ne cache pas sa satisfaction.

Pour lui, la mort lamentable d'Arius, pris d'une crise de colique qu'il faut bien qualifier d'explosive, doit évidemment être interprétée comme un signe de la Providence : le vieil hérésiarque, qui venait de présenter une énième fois ses thèses devant un concile ad hoc et devant l'empereur, était en effet censé communier le lendemain à la cathédrale de Constantinople - au grand désespoir de l'évêque du lieu, tenant comme Athanase de l'orthodoxie -, ce qui aurait en quelque sorte officialisé sa victoire après des années de lutte, d'exils et d'anathèmes.

D'aucuns suggèrent qu'Arius aurait été empoisonné. Il est vrai qu'à l'époque on n'hésitait guère à employer les grands moyens. La théologie n'était pas comme aujourd'hui une affaire d'intellectuels, de pasteurs subtils ou de fidèles curieux. Il arrivait que les partisans des différentes écoles en vinssent aux mains dans de véritables batailles rangées, à coups de gourdin, voire de poignard. Chacun combattant l'hérésie professée par l'autre. Et l'on comptait les morts au petit matin...

Folie ? Cette rage théologique, selon certains his-toriens, s'expliquerait par des mobiles tout ce qu'il y a de plus terrestres, des luttes de pouvoir d'autant plus intenses que l'on se trouvait alors à une époque charnière où, sous l'action de l'empereur Constantin, premier souverain romain officiellement chrétien, l'Église prenait un ascendant non seulement spirituel mais aussi politique et économique sur la société.

Ces motifs ne doivent pas être négligés. Mais ils n'expliquent pas tout. À l'époque d'Arius et d'Athanase, la question du Salut était prise au sérieux. Les chré-tiens n'en étaient certes plus, comme aux premiers siècles, à attendre le retour imminent du Sauveur. Mais leur inquiétude restait intense. La profession de foi, c'est-à-dire le contenu précis de ce à quoi un chrétien se devait de croire afin d'avoir une chance d'être sauvé, était une affaire capitale.

Pas question de s'en tirer par une adhésion floue ou en se référant à quelques sympathiques « valeurs évangéliques ». Le risque était trop grand. Sans compter que le salut de l'Empire, qui commençait de devenir chrétien, était aussi enjeu. On savait ce qu'il était advenu d'Israël à chaque fois qu'il s'était montré infidèle à l'Alliance...

Un passage d'un sermon de Grégoire de Nysse (331-394), qui officiait quelques décennies après Athanase, donne une idée de l'ambiance de l'époque : « Dans cette ville (Constantinople, NDLR), si vous demandez de la monnaie à un boutiquier, il ne tardera pas à disputer avec vous de la question de savoir si le Fils est engendré ou incréé. Si vous interrogez le boulanger sur la qualité de son pain, il vous répondra que "le Père est supérieur au Fils". Et si vous demandez au garçon de bain défaire son office, il vous affirmera que le Fils a été créé ex nihilo. »

On l'aura compris : la question de savoir qui est vraiment Jésus est alors au centre des préoccupations.

Toutes les hérésies de l'époque ne sont pas de nature christologique. Au IVe siècle, période cruciale pour l'avenir du christianisme, l'hérésie arianiste avait ainsi été précédée par la donatiste. Les dona-tistes, essentiellement présents en Afrique du Nord, refusaient que les sacrements fussent dispensés par les prêtres qui avaient « failli » durant la grande per-sécution antichrétienne de Dioclétien (303-305).

Ce qui posait des questions de fond sur la nature même des sacrements, de ceux qui étaient chargés de les dispenser, et du sacerdoce en général. En pre-nant de l'ampleur, le schisme était devenu hérésie et il en avait résulté un désordre indescriptible dans l'Église.

Mais revenons à la christologie... Le Maître lui-même avait posé la question à ses disciples : « Et vous, que dites-vous ? Pour vous, qui suis-je ? » (Marc 8, 29).

On connaît la réponse officielle, récitée chaque dimanche (en solennité) dans le Credo. Jésus le Fils est à la fois « vrai Dieu, né du vrai Dieu », « né du Père avant tous les siècles », « engendré, nonpas créé », et « qui s'est fait homme » pour souffrir sa Passion puis ressusciter. Ne nous le cachons pas : tout cela est un peu compliqué.

C'est qu'il s'agit du résultat de quatre siècles d'interrogations, de disputes épiques et de quelques conciles. Chaque point du Credo porte une charge théologique d'un poids considérable. L'« affaire Arius » en témoigne.

 

 

L'arianisme

LES DÉBUTS DE L'HÉRÉSIE

Quand celui-ci intervient dans l'Histoire, vers 318, l'Empire romain est en train de tomber doucement sous la férule de Constantin, qui contrôle déjà la partie occidentale de l'Empire depuis la bataille du pont MiMus en 312. Son dernier rival, Licinius, sera défait en 324.Noussommes à Alexandrie, « comptoir du monde », une des capitales intellectuelles de l'Empire, mégalopole de langue grecque à laquelle sont déjà attachés les plus grands noms de la pensée chrétienne, tout particulièrement Origène (185-253).

L'évêque du lieu, Alexandre, a de plus en plus de mal à supporter l'attitude d'un de ses prêtres, Arius. Celui-ci, qui officie dans le quartier du port, lui tient tête dans une de ces querelles doctrinales qui, à l'époque, n'avaient rien de neuf. Il s'agissait en l'occur-rence de savoir quelles étaient les relations exactes entre le Père et le Fils. Origène avait déj à un peu dérapé sur le sujet, laissant entendre en son temps que le Fils, bien que Dieu, était peut-être un petit peu moins Dieu que le Père, puisque ce dernier l'avait tout de même engendré... Un exemple de ce qu'on appelle la tendance subordinatianiste de la christologie.

Arius, lui, semble aller encore plus loin, affirmant que le Fils n'existait pas avant d'avoir été engendré, que c'est à partir du néant qu'il est venu à l'existence et par « participation » qu'il a été divinisé. Il assure aussi que le Fils ne comprend pas complètement ni ne connaît parfaitement le Père. Ses thèses sont résumées dans une sorte de poème chanté, la Thalie, dont malheureusement n'ont été conservés que quelques passages. Certains historiens jugent que cette mise en forme musicale a sans doute contribué au succès de l'hérésie à ses débuts. On ne se méfie jamais assez des chanteurs...

La querelle entre Alexandre et Arius, d'abord locale, s'envenime. Un concile episcopal est convoqué par Alexandre lors duquel Arius et ses soutiens sont excommuniés et bannis. Mais le prêtre alexandrin a ses réseaux. Parmi ses contacts, quelques poids lourds de l'Église universelle, dont Eusèbe, un ancien condisciple, devenu évêque de Nicomédie, qui était alors la capitale impériale. Eusèbe accueille Arius, convoque un concile... lequel conclut à la parfaite orthodoxie des thèses d'Arius. Il enjoint donc à Alexandre d'admettre à nouveau le prêtre à la communion. En d'autres termes, les décisions d'un concile episcopal à propos d'un prêtre attaché au diocèse où a lieu ce concile sont « cassées » par un autre concile episco-pal où le prêtre en question n'a pas de véritable attache.

Il ne faut pas être grand canoniste - même si le droit canon n'existe pas encore à l'époque - pour comprendre que le chaos menace... D'autant plus qu'Arius va maintenant rendre visite à un autre Eusèbe, de Césarée, ancien conseiller de l'empereur, personna-lité de premier plan de l'Église d'Orient, qui convoque à son tour un concile qui tranche lui aussi en faveur d'Arius. Ce dernier, fort de ces soutiens en Orient, rentre alors à Alexandrie. La tension est à son comble.

URGENCE À RÉGLER LA QUESTION

C'est alors que l'empereur Constantin s'en mêle. Celui-ci commence à s'inquiéter de ces désordres dans une Église qu'il n'imagine pas autrement qu'unie. Le précédent donatiste, qui n'est d'ailleurs pas tout à fait réglé, a servi de leçon. Il envoie donc sur place l'évêque Ossius de Cordoue, un des rares théologiens occidentaux de l'époque, devenu conseiller spirituel de l'empereur quelques années plus tôt. Ossius, qui prend le temps d'enquêter, est alarmé. Il est convaincu qu'il faut très rapidement régler la question.

C'est sans aucun doute sur ses conseils que l'empereur décide de convoquer un grand concile œcu-ménique, le premier du genre, où sont invités tous les évêques de la chrétienté.

En attendant, un concile local se tient à Antioche, dont le but premier est de trouver un successeur au patriarche récemment décédé. Ossius y fait un saut, organise les débats, qui consista à élaborer une profession de foi commune. Petit à petit, une nette majorité se dégagea pour rejeter les thèses d'Arius.

On aboutit à proclamer le Fils « vrai Dieu issu du vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel à son Père ». Mis à part deux évêques, proches d'Arius, tous les dignitaires présents signent, y compris les deux Eusèbe... Constantin pouvait s'estimer satisfait;

L'APRÈS-CONCILE

Il déchantera vite. Rentrés chez eux, les évêques ariens reprennent du poil de la bête. Face à eux : Athanase, le successeur d'Alexandre à l'évêché d'Alexandrie, qui n'a de cesse de dénoncer Arius et la « puan-teur de sa déraison ». L'affaire est d'autant plus difficile que l'hérésie, comme l'écrit Athanase lui-même dans un de ses Discours contre les ariens, « s'enveloppe hypocritement des paroles des Écritures comme son père, le diable ».

De fait, les esprits les plus avertis se laissent parfois gagner (ou regagner), sinon à l'arianisme à proprement parler, du moins à des approches théo-logiques moins radicales que l'orthodoxie nicéenne. D'où une lutte et des intrigues incessantes dans les années qui suivent le concile de Nicée.

Athanase lui-même se voit déposé du siège d'Alexandrie en 335 et contraint à l'exil, tandis qu'Arius est reçu la même année avec tous les égards à la cour... Il devient très difficile, même pour les spécialistes, de suivre les rebondissements de l'af-faire.

Notons simplement qu'Athanase a dû partir en exil pas moins de cinq fois pour revenir autant de fois à Alexandrie. L'Empire s'étant même retrouvé quasi officiellement arien en 359, sous Constance II, le fils de Constantin...

Toujours est-il que ce n'est qu'en 381 avec le concile de Constantinople, sous l'empereur Théodose Ier, que la question de l'arianisme pourra être considérée comme définitivement réglée, même si l'hérésie persistera ici ou là, notam-ment parmi les différents peuples germaniques en passe de s'intégrer à l'Empire.

Le demi-siècle qui a suivi le concile de Nicée aura donc été décisif. L'élaboration doctrinale, devenue une véritable affaire d'État, aura pris dans ces années-là une dimension inédite qui se déploiera dans la théologie trinitaire d'un Grégoire de Nazianze qui, avec Basile de Césarée et Grégoire de Nysse, posera les fondements de l'orthodoxie telle que nous la connaissons.

Et si la question posée par Jésus conti-nue à travailler le christianisme aujourd'hui, c'est peut-être bien grâce à la controverse lancée par Arius qu'elle a commencé à recevoir un début de réponse. 


JEROME ANCIBERRO

 

 

L'arianisme aujourd'hui

Arius a-t-il gagné la partie ?

Pour que les dernières tribus ariennes d'Occident passent à l'orthodoxie, il a fallu attendre le VIème siècle.

En Orient, l'affaire est un peu plus compliquée. La question de la relation du Père et du Fils demeure à l'arrière-plan des préoccupations, à travers plusieurs controverses, telle celle du theotokos (« qui a enfanté Dieu »), titre populaire donné à Marie et contre lequel s'élève Nestorius après le concile de Constantinople, jusqu'à celle dufilioque, à partir du VHP siècle, qui aboutit à un véritable schisme entre l'Église d'Orient et l'Église d'Occident deux siècles plus tard.
La tentation arianiste renaîtra pourtant en Europe au XVIe siècle avec la théologie antitrinitaire de Michel Servet, lequel sera condamné aussi bien par les catholiques que par les protestants et brûlé vif à Genève en 1553. Le christianisme unitarien, qui se refuse à professer la divinité de Jésus, se réclame - entre autres - de cet héritage.

La question posée par Arius est simple : Jésus est-il vraiment Dieu ? Sa réponse, moins limpide, pourrait être celle-ci : pas exactement.

On pourrait donc considérer qu'un certain pan du christianisme, plutôt contemporain, qui insiste tout particulièrement sur l'humanité (ou la sagesse) de Jésus tout en se désintéressant, plus ou moins explicitement, de la question de sa divinité, verse vers une sorte de néoarianisme.

Un positionnement qui aurait paru étrange à Arius lui-même, qui n'interrogeait le statut du Fils que pour mieux affirmer la suprématie du Père...

S'il est en revanche aujourd'hui une religion qui insiste sur la toute-puissance de Dieu et veille à ne surtout pas lui « associer » quelque chose ou quelqu'un d'autre, c'est tout simplement l'islam.

Pour certains théologiens, l'affaire est entendue : le succès planétaire de ce dernier est bien le signe que l'arianisme n'est pas mort. 

 

Un peu de théologie

Homoousios : l'introduction de ce simple mot dans le credo de Nicée a été à l'origine de mémorables controverses. 

Construit à partir de deux mots, homos (pareil) et ousia (substance), on le traduit généralement en français par « consubstantiel ».

Il s'agit d'une création philosophique, déjà attestée chez quelques gnostiques. Une chose est sûre : il ne se trouve pas dans tes Écritures.

L'adoption de ce mot « marque une date mémorable dans l'histoiredoctrinale du christianisme », écrit l'historien Henri-lrénée Marrou.

« En insérant de la sorte dans la profession de foi un terme nouveau d'origine non plus scripturaire mais savante, le concile de Nicée reconnaissait la fécondité de l'effort proprement théologique d'élucidation du donné révélé. » En d'autres termes, l'autorité de l'Église dans son effort d'explicitation du contenu de la foi était clairement posée.

L'ère des définitions dogmatiques était ouverte.

 

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