LES ANGES. – « Ô Christ tout-puissant ! quel voyage faites-vous ? Pourquoi cheminer pauvrement comme un pèlerin ? »
LE CHRIST. – « J’avais pris une épouse, à qui j’avais livré mon cœur. Je la parai de joyaux pour en tirer honneur : à ma honte, elle m’a quitté. C’est ce qui me fait aller triste et en peine. Je lui prêtai ma forme et ma ressemblance...
– Afin que toutes ses vertus trouvassent leur emploi, je voulus que l’âme eût le corps pour serviteur : c’était un bel instrument, si elle ne l’avait désaccordé !
– Afin qu’elle eût lieu d’exercer ses puissances, pour elle je formai toutes les créatures. Ces biens pour lesquels elle devait m’aimer, elle m’en a fait la guerre. »
LES ANGES. – « Seigneur, si nous la trouvons, et qu’elle veuille revenir, faut-il lui dire que vous pardonnez ? »
LE CHRIST. – « Dites à mon épouse qu’elle revienne, qu’elle ne me fasse point souffrir une mort si douloureuse. Pour elle je veux mourir, tant je suis épris d’amour.
– Avec grande joie je lui pardonne, je lui rends les ornements dont je l’avais parée... De toutes ses félonies je n’aurai plus souvenir. »
LES ANGES. – « Âme pécheresse, épouse du grand époux, comment ton beau visage est-il plongé dans cette fange ? et comment donc as-tu fui celui qui t’accorde tant d’amour ? »
L’ÂME. – « Quand je songe à son amour, je meurs de honte. Il m’avait mise en grand honneur : où suis-je tombée maintenant ? Ô mort douloureuse ! comment donc m’avez-vous environnée ? »
LES ANGES. – « Pécheresse ingrate, retourne à ton Seigneur. Ne désespère point : pour toi il meurt d’amour... Ne doute pas de son accueil, et ne tarde plus. »
L’ÂME. – « Ô Christ miséricordieux ! où vous trouverai-je, ô mon amour ? Ne vous cachez plus, car je meurs de douleur. Si quelqu’un a vu mon Seigneur, qu’il dise où il l’a trouvé. »
LES ANGES. – « Nous l’avons trouvé suspendu à la Croix, nous l’y avons laissé mort, tout brisé de coups. Pour toi il a voulu mourir. Il t’a achetée bien cher. »
L’ÂME. – « Et moi je commencerai les lamentations d’une cruelle douleur. C’est l’amour qui vous a tué, vous êtes mort pour mon amour. Ô amour en délire, à quel bois as-tu suspendu le Christ ! »
Jacopone da TODI.
Traduit par Frédéric OZANAM.
Jacopone da Todi (né vers 1230 à Todi, en Ombrie, et mort à Collazzone le 25 décembre 1306) est un poètefranciscain italien du xiiie siècle. Il est l'auteur d'une centaine de poèmes d'inspiration religieuse, tantôt empreints de ferveur, tantôt rédigés sur le mode de la polémique.
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