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13 décembre 2016 2 13 /12 /décembre /2016 23:44
Saint Jean Baptiste, témoin de la lumière
Saint Jean Baptiste, témoin de la lumière
Sa toute récente restauration met sous les feux de l’actualité ce tableau de Léonard de Vinci, qui figure un saint Jean Baptiste à la beauté ambiguë.

Sa façon d’émerger de l’ombre, mais aussi son type androgyne et son sourire directement adressé au spectateur – autant de traits étrangers à l’iconographie traditionnelle – confèrent à ce personnage une séduction troublante. C’est une œuvre des plus accomplies, où Léonard exprime pleinement sa conception de la peinture.

Elle fut conçue à Florence vers 1508 puis longuement travaillée, peut-être même terminée en France, au château de Cloux (ou du Clos Lucé), où le vieil artiste, invité par François Ier, termina son existence.

Elle trouve son origine dans une autre œuvre du peintre, un Ange de l’Annonciation, peint vers 1503, disparu mais connu par des copies anciennes, qui présente le même motif, si ce n’est que le bras levé est perpendiculaire au torse, donc dirigé vers le spectateur.

Dans notre tableau, ce bras est rabattu contre la poitrine, dans un sens contraire à celui du torse et du visage tournés vers nous ; cette attitude « tournante », crée l’effet d’un passage, parfaitement adapté à la figure du Précurseur : il ne fait que passer, en effet, annonçant la venue d’Un plus grand que lui.

Cette annonce est explicitée par le doigt pointé vers le Ciel.

Mais la position du bras dégage et met en valeur le visage, et par l’intensité de son expression, c’est ce visage qui semble avancer vers le spectateur, aller à lui, pour lui porter cette « bonne nouvelle » qui le remplit de joie ; c’est bien l’expression de cette joie, adressée au spectateur, qui constitue le « noyau » sensible, ou le « punctum », comme dirait Roland Barthes, du tableau.  

L’androgynie, condition fondamentale de la beauté

« Il y eut un homme, envoyé de Dieu ; son nom était Jean. Il vint en témoin, pour rendre témoignage de la lumière, afin que tous les hommes eussent la foi par lui. Il n’était pas la lumière, mais il vint pour rendre témoignage de la lumière » (Jean 1, 6).

Il est évident que la thématique de la lumière est ici essentielle : le personnage émerge d’une nuit qui est celle du monde ancien, pour entrer dans la lumière de Celui qu’il annonce.

Le tableau repose entièrement sur cette pensée de la lumière peinte qui obséda l’artiste, et qui se traduit dans sa technique exceptionnelle du « sfumato » : ces innombrables couches de peinture, transparentes et légères comme l’air, ces voiles d’ombre dont il aimait envelopper les formes, jusqu’à en dissoudre les contours, en dissoudre la matérialité, pour laisser percer, dans les yeux, dans le sourire, le plus secret, le plus lointain, la vérité invisible de la figure, sa vraie lumière.

Par cette science consommée de la lumière, Léonard proclame le triomphe de la peinture, sa supériorité sur les autres arts.

L’androgynie de ses figures, qui va de pair avec l’ambiguïté de la forme, ce flottement des genres et des apparences, participe de cette conception d’un art capable de refléter toute la beauté du monde, indice de son essence divine.

L’androgynie, chez Léonard, est plus qu’un « goût » (généralement relié à son homosexualité) ; elle semble être une condition fondamentale de la beauté, déduite de l’androgynie originelle de l’Homme et de son Créateur. Et la peinture, qui par la science de la lumière et des couleurs est capable de cristalliser cette beauté, la peinture, dans l’esprit de Léonard, est à même de rendre son spectateur amoureux.

Manuel Jover

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