1er février 1954. L’abbé Pierre lance à la radio un vibrant message de solidarité et de fraternité pour aider les sans-logis, victimes de températures extrêmement basses.
Même celles et ceux qui seraient nés bien après cet hiver glacial connaissent l’impact de cet appel, et l’aura de celui qui a fondé Emmaüs.
Ce que l’on sait moins, c’est que la veille, à Courbevoie, l’abbé Pierre avait donné 6 messes à l’élise Saint-Pierre-Saint-Paul pour parler de son combat et inviter les paroissiens à apporter tout ce qui pourrait être utile aux plus nécessiteux.
Le saviez-vous ?
Le vrai nom de l’abbé Pierre est Henri Grouès. Lorsqu’il prononce ses voeux en 1931, il prend le nom de Frère Philippe. C’est au cours de ses années dans la Résistance qu’il deviendra l’abbé Pierre, un pseudonyme utilisé afin de préserver son anonymat lors de ses missions.
Lorsque la seconde guerre mondiale éclate, Henri Grouès rejoint l’armée en tant que sous-officier. Démobilisé à l’Armistice, il rejoint la résistance en juillet 1943 et deviendra de plus en plus actif, notamment en aidant les passages clandestins vers la Suisse, à travers les montagnes. Il finira par rejoindre De Gaulle à Alger en 1944.
Après la guerre, il est élu député de Meurthe-et-Moselle, apparenté au Mouvement Républicain Populaire. Il quittera ses fonctions en 1950, après un désaccord avec les positions sociales et politiques du parti, notamment après la mort d’un ouvrier au cours d’une manifestation à Brest.
Sa rencontre avec Georges Legay, en 1949 est l’un des actes fondateurs majeurs d’Emmaüs. Cet ancien bagnard voulait se donner la mort quand l’abbé Pierre, appelé à son secours, lui demande de « l’aider à aider », à défaut d’avoir quelque chose à lui donner. Ce sera le premier compagnon de la communauté Emmaüs.
En mars 1952, il participe à un jeu radiophonique, « Quitte ou double », où il remportera plus de 250 000 francs. Cette notoriété médiatique lui sera particulièrement utile deux ans plus tard.
Parmi tous les dons qui suivirent l’appel de l’abbé Pierre du 1er février 1954, on peut noter celui de Charlie Chaplin. À la surprise générale, la légende d’Hollywood fit un chèque de 2 millions de francs, en disant : « Je ne les donne pas, je les rends. Ils appartiennent au vagabond que j’ai été et que j’ai incarné ». Au total, les 500 millions de francs récoltés permirent de bâtir des cités d’urgence et d’agir au mieux contre la misère.
La suite, on la connaît mieux, grâce aux combats d’Emmaüs partout dans le monde et surtout au charisme de l’abbé Pierre qui les a incarnés jusqu’à sa mort en 2007. Mais saviez-vous qu’en 1963, il fut victime d’un naufrage en Argentine, où on le crut mort pendant plusieurs jours ?
Pour terminer, voici une anecdote à l’image de ce prêtre aussi libre que sensible.
Par seize fois, l’abbé Pierre a tenu la première place du classement du JDD présentant les personnalités préférées des Français.
En 2004 pourtant, il demande à ne plus y apparaître, pour laisser la place « aux plus jeunes ». Une élégante façon de faire comprendre que son combat importait plus que tout…
"Mes amis, au secours... Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant hier, on l'avait expulsée... Chaque nuit, ils sont plus de deux mille recroquevillés sous le gel, sans toit, sans pain, plus d'un presque nu. Devant tant d'horreur, les cités d'urgence, ce n'est même plus assez urgent !
Écoutez-moi : en trois heures, deux premiers centres de dépannage viennent de se créer : l'un sous la tente au pied du Panthéon, rue de la Montagne Sainte Geneviève ; l'autre à Courbevoie. Ils regorgent déjà, il faut en ouvrir partout. Il faut que ce soir même, dans toutes les villes de France, dans chaque quartier de Paris, des pancartes s'accrochent sous une lumière dans la nuit, à la porte de lieux où il y ait couvertures, paille, soupe, et où l'on lise sous ce titre « centre fraternel de dépannage », ces simples mots : « Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici on t'aime »
La météo annonce un mois de gelées terribles. Tant que dure l'hiver, que ces centres subsistent, devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l'âme commune de la France. Merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux « sans abri ». Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : cinq mille couvertures, trois cents grandes tentes américaines, deux cents poêles catalytiques.
Déposez-les vite à l'hôtel Rochester, 92, rue de la Boétie. Rendez-vous des volontaires et des camions pour le ramassage, ce soir à 23 heures, devant la tente de la montagne Sainte Geneviève. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse ne couchera ce soir sur l'asphalte ou sur les quais de Paris.
Merci !"
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En 1954, un bébé puis une femme meurent de froid en janvier et en février. L'abbé Pierre lance alors un cri de détresse sur les ondes de Radio Luxembourg : c'est "l'insurrection de la bonté" à Paris et en province.
Lors de cet hiver de froid terrible, l'abbé Pierre demande au Parlement un milliard de francs, qui lui est d'abord refusé. Trois semaines plus tard, le Parlement adopte à l'unanimité non pas un, mais dix milliards de crédits pour réaliser immédiatement 12 000 logements d'urgence à travers toute la France, pour les plus défavorisés.
« Je voudrais à mon tour poser une question à ceux qui m'écoutent : qu'allez vous faire pour m'aider à bâtir des logis pour les sans-abri ? »
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