Chers Amis,
Le 4 octobre nous fêtons saint François d'Assise. Or il se trouve que saint François est le saint occidental le plus populaire, le plus aimé dans l'Orthodoxie. Ce n'est pas moi qui le dit, mais le théologien orthodoxe Olivier Clément.
En effet, de grands intellectuels russes ont fait le pèlerinage d'Assise. Parmi eux, le philosophe Nicolas Berdaïev a écrit quelques années plus tard : « La vie de François représente le fait le plus important de l'histoire du christianisme après la vie même de Jésus Christ. »
Plus près de nous, Vladimir Lossky, le plus rigoureux des théologiens orthodoxes contemporains, vénérait saint François et le tenait comme l'un de ses intercesseurs et Nikita Struve, historien de l'Eglise russe au XXe siècle, réclamait, il y a quelques années, que la sainteté de François d'Assise soit « ouvertement » reconnue par l'Eglise orthodoxe.
Dans le monde grec, Nikos Kazantzakis lui consacra un beau livre : « Le Pauvre de Dieu », et du fait de l'occupation vénitienne en Crète on peut voir des représentations de saint François sur les fresques des églises au même plan que les saints grecs ! Aussi je me suis posé la question : qu'est-ce qui fait cette résonance, cette ouverture entre saint François, sa spiritualité, et l'orthodoxie ?
A la réflexion, on peut trouver, à distance dans l’espace et le temps bien sûr, une vraie parenté spirituelle et historique entre, par exemple saint Séraphim de Sarov et saint François. Historiquement, s’ils ont vécu pourtant à six siècles de distance, on remarque que chacun a vécu dans une société s'éveillant à une certaine modernité marchande.
Chacun est fils de marchand et exerce un temps la profession de son père. A l'horizon de grands bouleversements se profilent, en occident les hérésies et l'inquisition, la Renaissance et l'esprit des lumières qui débouchera sur un monde athée et en Russie, la révolution bolchevique.
Spirituellement, tous deux, ont pourtant témoigné contre l'argent roi et pour la pauvreté évangélique. Ils ont quitté leur milieu, l'un pour le monastère, l'autre pour l'errance, avant pour saint Séraphim de quitter le monastère pour s'enfoncer dans la solitude de la forêt de Sarov et pour saint François de partir dans la profonde forêt de l'Alverne. Par la suite ils reviendront vers le monde, mais alors dépossédés d'eux-mêmes, comme des Pères et des Frères universels.
Tous deux ont affirmé hautement la primauté de l'expérience spirituelle sur le pouvoir du mental, de la raison, de la théologie d'école.
Tous deux aussi ont mis l'accent sur l'humanité de Jésus pour rétablir un équilibre entre le divin et l'humain face à la perception d'un Dieu trop transcendant, trop éloigné de l'homme qu'avait l'Eglise de leur temps. Saint Séraphim recrée dans sa forêt la Terre Sainte en nommant chaque lieu : Nazareth, Bethléem, Gethsémani, Jérusalem etc.
François, lui, invente la crèche de Noël. C'est la même démarche amoureuse, qui cherche à réchauffer le cœur, qui cherche à entrer dans l'intimité de Jésus.
Tous deux ont aussi une relation rare avec tout le cosmos. Un ours pour saint Séraphim, un loup pour saint François, et n'oublions pas le Cantique des créatures et tant d'autres choses dans les détails de leurs vies, qui font d'eux des prêtres de la liturgie cosmique, de la grande célébration des êtres et des choses, qui font d'eux des contemplatifs de la nature, et des hommes de la Transfiguration.
Tous deux, aussi, sont des transfigurés. Il ne faut pas opposer les stigmates de François à la lumière thaborique de Séraphim, car les stigmates de saint François sont transfigurants, et je ne joue pas sur les mots, car c'est un séraphim crucifié avec six ailes de « feu », qui, dans un moment fulgurant, envoya cinq rayons de lumière et de feu sur François en prière.
Enfin, n'oublions pas, le crucifix de saint Damien, aujourd’hui si répandu, qui parla à François et lui dit : « Rebâtis mon Eglise », le mettant véritablement, en route sur son chemin.
Ce crucifix est, ni plus ni moins, une icône, avec un Christ en croix transfiguré, les yeux grands ouverts et dans une posture, non de condamné à mort, mais de célébrant de l'unique liturgie.
C'est ce crucifix que contempla tellement saint François qu'Il lui parla ! Le sens de cette icône, qui imprégna tant François, c'est de nous faire prendre conscience que tout homme, si banal, si ténébreux soit-il, est à l'image de Dieu et va vers la ressemblance, vers la transparence, vers la lumière divine, vers la Transfiguration.
Et puis, sommet de cette rencontre entre l'orthodoxie et saint François, il y a la joie ! Saint Séraphim salue chacun en lui disant : « ma joie ! » et pour saint François tout est joie !
Nous sommes donc véritablement face à un patrimoine commun de l'Eglise indivise et c'est là que l'on doit chercher la convergence entre saint François et l'orthodoxie. Si la force du message de saint François est telle qu'il est toujours aussi vivant et aussi jeune aujourd'hui comme au 13e siècle, c'est qu'il plonge dans l' Evangile et dans le trésor de l' Eglise indivise.
C'est qu'il n'est pas dans les pensées ou les concepts mais véritablement dans l'expérience spirituelle, dans l'expérience de la mort et de la résurrection du Christ.
Je vous dis toute mon amitié en Christ, à bientôt !
Père Pascal
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