La « religio » des romains n’a que peu de choses à voir avec une religion monothéiste révélée.
Il s’agit en réalité d’un ensemble de valorisations, de croyances, de rites, de fêtes et de traditions qui unifient l’Empire (et ceci bien avant que la forme dite impériale ne soit établie).
C’est ce qui permet à cet « Empire » de fonctionner par delà les races, les cultures et les superstitio, autrement dit les « religions » de chacun.
On doit à Cicéron un bon résumé de cette conception de la religio[7].
Il la présente comme ce que l’on appellerait aujourd’hui, au prix d’un anachronisme, la « citoyenneté », c’est-à-dire une participation active à la vie de la cité et à la définition du « bien commun ».
Cette définition de la religio est aux antipodes de notre définition de la religion. Clairement, il ne s’agit pas de la même chose.
En fait, l’étymologie du terme indique bien ce dont il s’agit. Le mot religio est bâti sur le modèle de « diligere ».
Le verbe « religere » signifie « élire » ou « choisir » ou encore « porter attention» et non pas tant dans le sens commun pris aujourd’hui par ces termes mais dans celui de scrupule ou de discrimination.
Il faudra attendre le Bas-Empire, pour qu’au IVème siècle après Jésus Christ un auteur chrétien, Lactance, donne à ce mot une autre étymologie : « religere » ou « relier » voir « rassembler »[8].
On a, alors, changé de registre parce que l’on a changé non pas seulement de croyance, mais de type de croyance avec l’irruption d’une religion révélée monothéiste.
Ainsi, au départ, dans le monde romain, la religio relève de l’affaire d’Etat qui permet de spécifier ce qui découle dans l’ « imperium » romain, du pouvoir sacré[9].
Avec la fin de la République cependant un changement majeur s’opère. Il est probable qu’il est rendu plus facile par l’horreur que provoque la guerre civile.
Auguste va s’approprier l’Auctoritas en se déclarant « Pontifex Maximus » (tout comme Jules César qui occupa cette fonction en son temps) en même temps que s’installe l’Empire.
Jacques Sapir
Quand on compare les langues indo-européennes, il n'y a pas de terme général, commun, pour désigner la religion même, le culte, le prêtre, les dieux personnels.
Chaque peuple a ses croyances et ses cultes particuliers. La notion générale de "dieu" est attestée sous la forme deiwos (lumineux, céleste.)
Le terrestre humain (homo en latin) s'oppose au céleste divin.
Les notions de sacré (interdit au contact des hommes) et de saint (chargé de présence divine) sont aussi attestées.
Mais tant que la religion n'a pas été constituée comme entité séparée, on n'a pas éprouvé le besoin de la désigner.
Le mot sanscrit dharma doit plutôt être traduit par "règle", et le slave vera par "croyance".
En grec, le mot threskeia désigne le culte, la piété, l'observance des pratiques. Il est ancien, mais n'est utilisé pour désigner tout culte que vers le Ier siècle avant J-C.
Dans toutes les langues occidentales, c'est le latin religio qui s'est imposé.
Sa signification exacte dans l'antiquité est discutée. Cicéron le rattache à legere (cueillir, rassembler), et Lactance et Tertullien à ligare (lier).
Benveniste, s'appuyant sur des exemples tirés de la littérature latine, prend nettement parti pour la première étymologie.
Être religieux, c'est avoir un scrupule, s'inquiéter devant la sainteté d'une pratique, hésiter, ressentir un cas de conscience par rapport au culte.
C'est une disposition subjective liée à un présage, une augure.
Legere signifie recueillir, ramener à soi, reconnaître, se soucier de (par opposition à neg-ligo, la négligence).
Ce sont les écrivains chrétiens qui ont introduit la prétendue étymologie religare, car le contenu de la nouvelle religion avait changé.
Un chrétien dépend de Dieu, il est lié à lui, il en accepte l'obligation - une notion très différente du scrupule subjectif.
idixa.net
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