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19 avril 2019 5 19 /04 /avril /2019 22:57
La Parole crucifiée

«Au  commencement  était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu. ... Tout  fut par lui,  et sans  lui rien ne  fut. Ce qui  fut en lui était la vie et la vie était la lumière des  hommes...»   (Jn1,1-5)

C'est par la puissance constituante de sa Parole, le Verbe Jésus-Christ, que Dieu a tout créé du néant, dans un acte d'amour éternel.

Nous sommes donc chacun une œuvre  du  Verbe Créateur, c'est-à-dire le fruit miracu­leux d'une profération trois fois  sainte, vivifiée par l'Es­prit Saint.

«...  Dieu créa le ciel et la terre.  ... Dieu  dit:  "Que  la lumière   soit"  et  la  lumière fut.»  (Gn 1,1-3)

Ce n'est pas tout: nous ne continuons d'exister  qu'en vertu  de l'amoureux  intérêt de Dieu à  notre égard. S'il se détournait un instant de nous, nous disparaîtrions.

La Source de notre vie ne réside ni dans la nature, ni dans nos facultés personnelles: le Créateur seul nous permet d'être.

«Comment aurait-il sub­sisté, si tu ne l'avais  pas voulu? Comment serait-il resté vivant, si tu ne l'avais pas appelé?» (Sa 11,25)

Ces immenses mystères, qui nous seront révélés dans les  cieux,  n'échappent pas à Satan,dont la fureur n'a  cessé de croître depuis que le Créateur a ordonné la supré­matie de la nature humaine sur la nature angélique, dans les Personnes de Jésus et de Marie, Roi et Reine des uni­vers visibles et invisibles.

«Jamais je ne me proster­nerai devant un être de chair, fût-Il Dieu, et encore moins devant sa Mère, moi qui suis le plus grand des anges!», hurla  Lucifer à  la  Face  du Très-Haut, avant d'être précipité dans  les Enfers.

Sa haine de l 'humanité date de ce jour terrible où, révolté contre les voies de  Dieu, il se sépara définitivement de la Grâce pour devenir Satan, "d'éternel  désespéré".  

Qu'on ne s'étonne  pas qu'il ait tout mis en œuvre pour pervertir les hommes et les conduire à la  ruine, eux  qui  sont  si chers  au Seigneur.

Quant à sa  rage  infernale  contre  le Verbe Incarné, c'est bien aux jours de la Passion qu'elle a atteint son paroxysme.

Trahir, accuser, arrêter, condamner, ridiculiser,  torturer  et,  pour finir, tuer Dieu! Voilà son plan sans précédent dans l'histoire de la Création.

Mais il fallait, dans  cette  affaire - la  plus inimaginable qui  se puisse concevoir - la complicité de quelques-uns parmi ces «créatures de prédilection», Judas, les docteurs et les prêtres de Yahvé, la  foule  assoiffée de sang,  les soldats...

Ce serait alors bien les hommes qui auraient  assassiné  le Christ, ceux-là  mêmes dont Dieu attendait un retour d'amour!

En  inspirant  cette  abomination superlative, Satan signait sa défaite, puisque la Rédemption allait s'opérer par le Sacrifice des sacrifices, à l'échelle  divine, capable de racheter l'ensemble des créatures :  le Crucifié vaincrait à jamais son infernal pouvoir

"Maintenant  a   lieu    le jugement     de   ce   monde! Maintenant  le prince  de ce monde sera jeté dehors. Et moi, quand j'aurai  été élevé de la terre, j'attirerai tous les hommes à moi." (Jn 12,31·32) Crucifier le  Verbe! Cruci­fier la Parole incarnée!

En  clouant   Jésus-Parole de  Vie à  l'infâme  gibet  de la   Croix,   c'est   la   Source même de tout ce qui est que, dans  son  total aveuglement, l'homme  immolait pour  tenter de la supprimer.

Inconscients de la portée de  leurs  actes, les ennemis du Christ attentaient ainsi au Principe, Créateur et Dispensateur de tout bien, celui de qui ils tenaient l'être et par qui ils subsistaient, mais également à l'Unique Cause, éternelle et infaillible, de l'espérance humaine, l'Ori­gine du sens de toute chose!

Et si Jésus eût vraiment été anéanti, au même instant, la Création eût cessé d'être...

A chaque étape  de la Passion, à chaque nouvelle cruauté,  dont la  perversité n'avait pu être suggérée que par le diable, un coup  était
porté à l'un des attributs de l'Essence divine et, par répercussion, à ses  persécuteurs, qui réduisaient à néant les grâces que Dieu infuse avec largesse dans les âmes de bonne volonté.

Jésus: «le suis le Chemin, la  Vérité  et la  Vie. Nul  ne vient au Père que par  moi.» (Jn 14,6)

Le Christ est la  Voie, nul ne va au Père que par lui?

Eh bien, arrêtons-le  et enchaînons-le, puis traînons le sur le chemin que nous avons  choisi  pour  lui,  celui de  sa condamnation!

Nous sommes les maîtres de son destin comme du nôtre.

Le Christ est la Vérité libératrice ? Attachons-le à un poteau, flagellons-le jusqu'à ce qu'il soit en lambeaux, car nous ne voulons pas de cette vérité-là.

Le Christ est la Vie, l'Alpha et l'Oméga de tout être? Met­tons-le à mort et nous verrons bien qui demeure, de lui ou de nous!

Jésus  se  dit  Fils du  Père des cieux?

Libérons à sa place Jésus-Barabbas, vrai fils d'un père bien réel de notre com­munauté - bar-abbas signifie «fils du père» et ce brigand s'appelait aussi Jésus!

C'est le «Jésus de ce monde» que nous préférons à Celui qui se prétend Fils de Dieu!

Jésus:  «Vous, vous êtes d'en bas! moi, je suis d'en haut.  Vous, vous êtes de ce monde! moi, je ne suis pas de ce monde.» (Jn 8,23)

Telles sont aujourd'hui encore  les intentions des négateurs   du   Christ, ces «incrédules, dont  le dieu de ce monde a aveuglé l'entende­ment, afin qu'ils ne voient pas briller  l'Evangile de la gloire du Christ, qui est  l'image de Dieu». (2 Co 4,4)

Lequel, parmi ses accusa­teurs, était-il conscient d'ac­complir mot pour mot les prophéties  d'Isaïe et de par­ticiper au Sacrifice suprême, celui  de  l'Agneau  de  Dieu livré pour notre salut?

Et lequel, parmi ceux qui se croyaient si forts, se doutait qu'il n'aurait  aucun  pouvoir sur  le Fils de Dieu, si cela ne lui  avait  été donné d'en haut ?
«. . . s'il offre sa vie en sacrifice expiatoire...,  par  lui  la volonté  de  Yahvé s'accom­plira.» Os 53,10)

«Maltraité,  il s'humiliait, il  n'ouvrait  pas  la  bouche, comme l'agneau qui se laisse mener à l'abattoir, comme devant les tondeurs une brebis muette...» (Is 53,7)

Mais ce n'était  pas encore assez. La vengeance de Satan ne serait  pas  complète  tant que la Parole Incarnée  n'au­rait été blasphémée selon chacune de ses dénomina­tions.

«L'ayant dévêtu, ils lui mirent une chlamyde écarlate, puis,  ayant  tressé une cou­ronne avec des épines, ils la placèrent sur sa tête, avec un roseau dans sa main droite. Et, s'agenouillant devant lui,
ils  se moquèrent de  lui  en disant: "Salut, roi des Juifs!" et, crachant sur lui,  ils prenaient  le roseau et en frap­paient sa tête.» (Mt 27,28·30)

Aussi fallait-il que la Jus­tice éternelle  soit  livrée  par un  traître  et condamnée  par de faux témoignages! Que, tel un  fantoche,  le Roi des rois paraisse vêtu d'un travestissement et reçoive la plus vile et cruelle des couronnes!

Que la Puissance de Dieu faite Homme soit affublée d'un sceptre grotesque!

Que la Sagesse soit tournée en déri­sion par les goguenardises des brutes, et la Sainte Face de l'Oint de Dieu, couverte de l'immonde onction des crachats.

«Jésus sortit donc dehors, portant la couronne d'épines et  le  manteau de pourpre!  Et Pilate leur dit: "Voici l'homme!"» (Jn 19,5)

L'Homme parfait, venu nous   rendre   notre   dignité d 'héritiers  du Père, serait exhibé quand  la flagellation aurait achevé de le défigurer, au  point  qu'on était «saisi d'épouvante à sa vue, car il n'avait plus figure  humaine et  son  apparence n'était plus celle d'un homme» (ls 52,14)!

Prince de la Paix, il serait la proie de la foule en furie. Qui le croirait encore  «Assise du monde», en le voyant tomber lamentablement sous le poids de la Croix?

Il se prétendait «le rameau sorti  de  la  souche de Jessé» (Is 11,1): le bois deviendrait l'instrument de son supplice!

Et ses mains, qu'on  disait miraculeuses, on les y clouerait à coups de marteau.

Les soldats et les passants :
«... sauve-toi toi-même, si tu es Fils de Dieu, et descends de la Croix!»  (M t 27,40)

De chaque  étape  du  Mar­tyre  divin, aucun de ceux qui  se gaussaient de Jésus ne  soupçonnait l'extraordi­naire portée : le Crucifié allait «réduire à l'impuissance, par sa mort, celui qui a la puis­sance de la mort, c'est-à-dire le diable» (He 2,14)

«Mais lui, il a été trans­percé à cause de nos crimes, écrasé à cause de nos fautes. Le châtiment qui nous rend la paix est sur  lui, et dans ses blessures nous trouvons la guérison.

Tous, comme des moutons, nous étions errants, chacun suivant son propre chemin, et Yahvé a fait retom­ber sur lui nos fautes à tous.» (Is 53,5-6)

Ainsi le «Berger des nations», qui avait  arpenté nos  routes  pour sauver les brebis perdues,  fut  fixé  à la Croix, les bras grands ouverts, dans une immuable étreinte du monde.  

Lui, qui est la  Source d'Eau vive, reçut pour toute boisson du fiel et du vinaigre.

Et, parce qu'il est l'Amour, son Cœur infiniment sacré devait lui aussi être supplicié. C'est alors que Satan, terrifié, vit sortir de la Plaie au Côté les Sacrements de l'Eglise naissante, dont la divine puissance écraserait sa tête ignoble: l'Eau du baptême et le Précieux Sang, qui  donne la vie éternelle.

Alors,  tout  fut  accompli, selon les Ecritures.

«Quand il fut la sixième heure, l'obscurité se fit sur la terre entière jusqu'à la neu­vième heure.» (Mc 15,33)

Les hommes venaient de tuer le Verbe de Dieu, la Lumière du monde!
«Il  a  effacé ... la  cédule de notre dette, qui  nous était contraire! Il  l'a  supprimée en la clouant  à la croix. Il a dépouillé les Principautés  et les Puissances et les a don­nées en spectacle à la face du monde, en les traînant dans son cortège triomphal.»  (Col
2,14-15)

 

Marie Vérenne

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