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3 mai 2018 4 03 /05 /mai /2018 22:54

 

Saint Silouane, que nous fêtons aujourd'hui, est un don  merveilleux que Dieu  a fait à son Église,  au cours  du XXe siècle, comme  tous ces autres  grands  Anciens  de  la  sainte  Montagne, et  tous  ces  saints  de Grèce,  de   Russie,   de   Serbie   et   de   Roumanie    qui   ont   été   nos contemporains.

Notre  époque,  fécondée par le sang des  innombrables martyrs de l'athéisme marxiste, a été fertile en saints qui nous tracent la voie  et  dont  l'enseignement  est  pour  nous  un  véritable  trésor. 

Parmi eux. , nous vénérons  tout particulièrement saint Silouane, que le Seigneur nous  a  révélé  par  l'intermédiaire  du  Père  Sophrony,  - dont  nous commémorons aussi  en ce  jour de  juillet l'anniversaire de la naissance au  Ciel. 

Saint  Silouane,   qui  a  non   seulement   illuminé  le   monde orthodoxe,  mais  qui   rayonne   bien   au-delà  des  limites   visibles   de l'Orthodoxie.

Saint Silouane  nous enseigne  quel est le but de la vie humaine. Le but  de  notre  vie, ce  pour  quoi  nous  sommes  sur  terre,  c'est  la  vie éternelle.

Et comme  le Seigneur le disait dans la prière à son Père, à la veille de sa passion : « La vie éternelle, c'est qu'ils  te connaissent, toi, le vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, ton Fils Jésus-Christ » Jean 17, 3).

Oui, le but  de  notre  vie, c'est  de connaître Dieu,  et,  comme  le disait souvent saint Silouane, de «le connaître dans le Saint-Esprit [2]».

Dans  ses écrits,  saint Silouane  redit souvent  qu'il  y a  une grande différence entre croire simplement que Dieu existe, et le connaître dans le Saint-Esprit. Le connaître,  en ce sens-là, ce n'est pas avoir une idée, ou  des  idées,  sur  Dieu.

C'est   avoir  la  connaissance  intime,  avoir l'expérience de sa présence  dans  notre  cœur et comme  la sensation  de ce que Dieu, -la Sainte Trinité - , est, que Dieu est la bonté infinie, que  Dieu  est  l'amour  infini,  que  Dieu  est  la  beauté  infinie. 

La  vie éternelle, c'est de réaliser cela.  C'est de se sentir en communion profonde, en communion intime avec cette  beauté infinie, cette bonté infinie, cette miséricorde infinie que Dieu est.

C'est  «sentir  » tout cela, parce  que nous sommes imprégnés de Dieu, comme le fer rouge est pénétré par le feu.

Seulement, saint  Silouane  ajoute  aussitôt  que c'est l'humilité qui ouvre notre cœur à cette connaissance.

L'humilité en est la clef : « Dieu se révèle aux humbles» ; c'est là une parole de l'Écriture. On lit en effet dans le livre de l'Ecclésiastique : « Dieu révèle ses secrets aux humbles» (Siracide 3, 19).

Et saint Silouane, reprenant en même temps cette autre parole que nous chantons  dans la grande Doxologie et qui est tirée d'un psaume (Psaume 35, 10), nous  dit que« la lumière dans  laquelle nous voyons  la lumière », c'est  l'humilité.  « L'humilité est la lumière dans laquelle nous pouvons voir la Lumière, Dieu[3]  ».

C'est seulement quand notre cœur est dépouillé de tout orgueil, de tout  attachement à  notre ego, que  nous  pouvons  véritablement avoir cette expérience intime de Dieu,  expérience qui est la vie éternelle, qui est déjà un avant-goût ici-bas de la béatitude éternelle du Ciel.

C'est cette connaissance  qui est vraiment  déjà  le Ciel dans nos âmes, dès aujourd'hui.

Mais la condition pour y accéder, c'est l'humilité.

Dans la mesure où  il  subsiste dans nos  âmes, sous une forme ou sous une autre, de l'orgueil, de la volonté propre, nous fermons notre cœur à cette action du Saint-Esprit.

Nous pouvons  bien avoir des idées sur Dieu, nous pouvons avoir de grandes connaissances théologiques, si nous  ne  sommes  pas   humbles, profondément humbles, nous ne pouvons pas réaliser ce qu'est  Dieu,  nous ne pouvons pas avoir une connaissance  véritable, profonde, de Dieu, parce que à ce moment-là le Saint-Esprit ne peut pas illuminer notre cœur.

Mais cette humilité elle-même est un don de Dieu,  un don de Dieu qu'il faut lui demander. 

Il faut supplier Dieu de nous rendre  humbles, il faut qu'il nous aide à comprendre combien nous  sommes orgueilleux, combien l'orgueil, l'amour  égoïste  de nous-mêmes, se manifeste  dans toute  notre  vie, à travers  nos  actions, à travers nos  pensées, combien nous sommes  imprégnés d'orgueil, combien toute  la  civilisation qui nous entoure, et l'éducation elle-même  qu'elle  dispense, est une civilisation qui est elle-même  imprégnée  de  cet  orgueil  de  l'homme.

Nous devons supplier le  Seigneur de nous aider à découvrir, à comprendre ce qu'est l'humilité, à acquérir l'humilité véritable.

Le chemin  pour  y parvenir, c'est  certainement l'humble amour  des autres.

Il demande  que, dans notre  vie, en toute occasion, nous ne cherchions pas à imposer  à autrui nos idées, nos goûts, nos préférences, mais, au contraire, que nous  acceptions  toujours,  quand il ne s'agit  pas de choses essentielles, de renoncer  à nos idées, d'abandonner nos préférences, de sacrifier notre intérêt  pour celui des autres.

Oui, cet humble amour des hommes est à notre portée avec la grâce de Dieu. Là encore,  à condition que  nous  le demandions, car nous  ne pouvons rien  faire  sans  cette  grâce de Dieu. 

Il faut sans  cesse  lui demander  de  nous   aider,  c'est  cela  qui  peut   nous  acheminer   vers l'humilité  véritable, qui est la porte  de la connaissance  de Dieu, qui est la  lumière  dans  laquelle,  encore   une  fois,  nous  pourrons  voir la Lumière.

C'est  cela, je crois, qui est véritablement le cœur  de l'enseignement de  saint  Silouane.  On   cite  souvent   cette  parole   que  le  Christ  lui  a adressée: « Tiens  ton  esprit en enfer  et   ne désespère  pas». 

C'est  une parole qu'il faut bien comprendre. «Tiens  ton esprit en enfer», c'est-à­-dire réalise combien il y a en toi d'orgueil, quelle  présence il y a en toi, non  pas de Dieu, mais de l'enfer

Combien il y a en toi de volonté  de puissance,  de  tendance   à  tout   ramener   à  toi,  de  ressentiment, de rancœur, d'aigreur  à l'égard des autres, combien  tout  cela, qui t'habite, est déjà une présence en toi de l'enfer.

« Tiens ton esprit en enfer», sois conscient  de tout ce qui, en toi, mets un mur entre  toi et Dieu, -mais ne désespère  pas ! Aie une confiance,  une immense  confiance, dans  la miséricorde  de Dieu.

Sache que c'est  l'action  de Dieu, le don  de son Esprit,  qui  seule  peut  te libérer  de  cet  enfer  qui  t'habite, et  qu'à  ce moment-là, oui, le Ciel pourra  poindre  en toi.

C'est  pour  obtenir  cette grâce que tu dois sans cesse prier, avec un cœur brisé.

Dans  notre vie, ce qui peut nous sembler le plus important, ce sont les efforts que nous déployons  pour réussir notre vie terrestre, notre vie familiale, notre  vie  professionnelle. 

Or  tout  cela  n'a  de  sens,  n'a  de valeur  véritable que  dans  la  mesure  où,  à travers  toutes  ces activités, nous  veillons à garder  le  regard  fixé sur  le seul  but  véritable,  la vie éternelle ; où nous  nous efforçons de faire de ces activités elles-mêmes, en les imprégnant  de prière et d'humble amour du prochain, comme  un chemin   qui   nous   conduise   de   l'enfer   de   l'orgueil   au  paradis   de l'humilité,  afin  que,   notre   âme devenant  vraiment   humble, nous puissions, oui, dès la vie présente,  connaître  Dieu  par le Saint-Esprit.

C'est alors, mais alors seulement, que nous connaîtrons la vraie paix de l'âme, qui, telle un vaste océan, recouvrira  toutes choses ; c'est alors que nous  connaîtrons la vraie  joie, que  rien  ne pourra nous ravir. Notre existence  terrestre, telle que Dieu l'a disposée, n'a pas d'autre but que de nous  permettre, en exerçant notre liberté, de faire pleinement  nôtre cette vie divine que nous donne  le Saint-Esprit, de telle sorte qu'à notre mort, nous entrions  comme  de plain-pied dans l'éternité  bienheureuse.

Que saint Silouane   nous   obtienne  cette   grâce ;  que, par  son intercession, nous  parvenions, dans  la lumière  de l'Esprit Saint, par la médiation  du Fils bien-aimé, à connaître le Père, et à entrer ainsi dans l'intimité  de la Trinité  Sain te, à qui soit la gloire, dans  les siècles des siècles. Amen.

Homélie de l'Archirnandite Placide au Monastère Saint-Antoine­ le-Grand en la fête de la translation des  reliques de saint Silouane au Monastère[1] , le 11 juillet 2009

[1] Il s'agit d 'une portion  des  reliques  de saint Silouane qui  fut  remise à  notre monastère par le Père Sophrony lui-même. Ces quelques reliques avaient été données au  Père Sophrony  par  le  fossoyeur de Saint-Pantéléimon, lors de l'exhumation des restes de saint Silouane, qui furent ensuite déposés anonymement dans l'ossuaire du monastère.

[2] Cf. Archimandrite Sophrony, Starets Silouane. Moine du Mont-Athos. Vie, doctrine, écrits. Traduit du russe par le hiéromoine Syméon, Paris-Sisteron, 1973, pp. 281,324-325.

[3] Cf. Archimandrite Sophrony, Slarets Silouane. Moine du Mont-Athos. Vie, doctrine, écrits. Traduit du russe par le hiéromoine Syméon, Paris-Sisteron, 1973, p. 280.

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