Le psautier de saint Michel en Heidelberg datant du XIe siècle représente l’arche d’alliance avec, en dessous, le roi David entouré de musiciens
L’objet, antique, alimente depuis des millénaires les théories les plus passionnées. Mais que sait-on vraiment de l’arche d’alliance (ou Aron ha’Edout, « arche du témoignage », en hébreu), qui aurait disparu dans des circonstances énigmatiques au VIe siècle avant Jésus-Christ ?
Dans l’Ancien Testament, elle désigne le coffret qui aurait renfermé les précieuses tables de la Loi – les Dix Commandements –, taillées par Moïse et gravées par Yahvé lui-même sur le mont Sinaï. Sa mention biblique la plus détaillée remonte au Livre de l’Exode, alors que le prophète confie aux artisans nomades le soin de confectionner une caisse pour contenir « la charte » divine (Ex 25, 10-21).
Décrit avec précision, l’objet mesure « deux coudées et demie » – environ un mètre dix – et est assemblé « en bois d’acacia ». Entièrement revêtu d’or pur, il est entouré par une couronne dorée, elle-même munie de quatre anneaux servant à y engager les barres de transport. Deux chérubins ailés fondus reposent enfin sur son propitiatoire.
Selon la Tradition, l’arche d’alliance aurait protégé le peuple hébreu pendant ses quarante années d’errance dans le désert, après sa fuite d’Égypte et avant son arrivée en Israël.
Là, le roi Salomon aurait ensuite fait construire un temple pour l’entreposer. Après sa mise en place dans le sanctuaire, la Bible n’en fait pratiquement plus mention. Elle aurait donc pu être détruite au moment de la prise de Jérusalem par les Babyloniens, venus piller la Ville sainte en 586 avant Jésus-Christ. Mais cette hypothèse est loin de faire l’unanimité…
Trône visible du Dieu invisible, l’arche d’alliance est, selon le Dictionnaire encyclopédique du judaïsme (1), « l’objet rituel le plus sacré de l’ancien Israël ». Elle symboliserait la présence active et mystérieuse de Dieu au milieu même de son peuple, tout en figurant aussi une dimension guerrière. « La tradition biblique associe l’arche avec les anciennes guerres de conquête d’Israël : sa présence devant les hommes était un signe que le Seigneur les précédait dans la bataille » (Deutéronome 1,30-33), précise encore l’ouvrage.
Comme son origine et son histoire, son contenu prête aussi à de multiples débats. Outre les tables de la Loi, développant les instructions morales et religieuses divines reçues par le peuple élu, elle aurait aussi renfermé, selon l’Épître aux Hébreux (9,4), une urne d’or « contenant la manne (et) le bâton d’Aaron ».
« Sans s’imposer comme un absolu univoque, l’une des interprétations possibles consiste à dire que le bâton d’Aaron, qui a permis l’ouverture de la mer Rouge, symbolise la libération d’Égypte. La manne incarne la sollicitude de Dieu, qui nourrit et fortifie son peuple pendant sa marche dans le désert », explique le père Louis-Marie Coudray, directeur du Service national pour les relations avec le judaïsme à la Conférence des évêques de France.
Par la suite, les auteurs du Nouveau Testament verront dans la manne – « aliment spirituel » (1 Corinthiens 10,1-4) – une préfiguration de l’Eucharistie et dans l’arche, celle de Marie, qui donne naissance au « médiateur d’une alliance nouvelle » (Hébreux 12,24), et qui est présentée, « dans la litanie de la sainte Vierge, comme nouvelle arche d’alliance, parce que, en donnant chair au Christ, elle a elle aussi porté la présence de Dieu », précise le père Coudray.
Il y a bel et bien un mystère sur ce que serait devenue l’arche car, après que Salomon l’eut placée dans le Temple de Jérusalem, elle semblerait avoir disparu dans le chaos de l’histoire… Seul le Second Livre des Maccabées évoque, comme une légende, le fait que le prophète Jérémie aurait pu la dissimuler pour la protéger lors de la destruction de Jérusalem : « Averti par un oracle (…), Jérémie trouva une habitation en forme de grotte et il y introduisit la tente, l’arche, l’autel des parfums, puis il en obstrua l’entrée. Quelques-uns de ses compagnons, étant venus ensuite pour marquer le chemin par des signes, ne purent le retrouver » (2,4 – 2,8).
« Selon ce texte, l’arche n’est pas perdue. Elle réapparaîtra à un moment eschatologique lorsque Yahvé aura rassemblé son peuple », expliquait le philologue et bibliste Thomas Römer, dans un cycle de cours filmés (2) qu’il a donnés sur le sujet, de février à début avril, au Collège de France.
Au cours de ses huit heures d’intervention au sein de la prestigieuse enceinte, le titulaire de la chaire « Milieux bibliques » a méticuleusement présenté l’origine, l’histoire, le contenu et les fonctions de l’arche, ainsi que les différents mythes qu’elle alimente depuis des millénaires. « Parmi les plus notables, il y a ces idées qu’elle aurait été retrouvée et serait aujourd’hui enfermée dans les caves du Vatican, ou encore qu’elle aurait été ramenée par les Templiers dans les fondations de la cathédrale de Chartres », résume le père Coudray.
Mais on peut aussi chercher sa trace à des milliers de kilomètres de Rome ou de la commune d’Eure-et-Loir… Pour l’Église éthiopienne, l’arche aurait été emportée par Ménélik, fils de Salomon et premier roi d’Éthiopie, lors d’un voyage à Jérusalem, et serait toujours conservée dans une petite chapelle de la ville d’Axoum… où personne, selon la tradition, ne pourrait pénétrer sauf le prêtre gardien.
« Du Premier Livre de Samuel (4,1-7,1), qui évoque sa conception la plus ancienne, au Livre de l’Exode, il y a dans les textes hébraïques toute une évolution du motif de l’arche : mais si ces éléments bibliques semblent former une belle continuité littéraire, celle-ci n’a rien d’historique », affirme Christophe Lemardelé, chercheur au laboratoire des Mondes sémitiques, rattaché au CNRS. Pour ce philologue, spécialiste de l’histoire de l’Israël ancien, il « ne s’agit donc pas d’histoire, mais de conceptions religieuses » et l’existence de l’arche d’alliance relèverait du mythe.
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