Nous vivons une époque cinématographique bénie où les films traitant de questions spirituelles, et notamment en lien avec le christianisme, sont nombreux et souvent de grande qualité. Ainsi en est-il à nouveau avec le film d’Andrew Hyatt – Paul, apôtre du Christ – qui répond à tous les standards du grand cinéma américain et qui est sorti dans les salles françaises ce 2 mai. Gérard Leclerc a vu et apprécié ce film.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ce film ?
Gérard Leclerc : Ce qui m’a retenu essentiellement c’est la tentative de reconstitution historique des derniers jours de saint Paul avec les grands moyens cinématographiques des Américains. Forcément un peu romancée, elle n’en est pas moins très proche du Nouveau Testament et de ce qu’on peut imaginer de la Rome de Néron. Contrairement à certaines tentatives analogues relativement récentes – je ne parle même pas des péplums –, il n’y a pas d’outrances dans les représentations, mais la volonté d’être au plus près de la personnalité de l’apôtre et de son entourage. La plupart des paroles mises dans la bouche de Paul et même celle de Luc correspondent à des citations des épîtres et des Actes des apôtres. Pour le réalisateur, il s’agissait d’abord de se concentrer sur la personnalité de celui qui s’était converti sur le chemin de Damas et qui ne cherchait qu’à prêcher Jésus, mort sur la croix et ressuscité.
De l’aveu même du producteur du film, Terence Berden, la vie de Paul est presque impossible à adapter tant elle est riche… Le parti pris est donc de partir des derniers jours de Paul à Rome avec quelques retours en arrière sur sa vie. Du coup, le film passe-t-il à côté de son sujet ?
Non car, encore une fois, il n’invente pas un roman, ne cherche pas à tromper le spectateur par des subterfuges scénaristiques. On a mis tous les moyens au service d’une représentation d’un personnage de l’histoire à propos de qui on ne veut pas gloser, mais que l’on veut faire apparaître dans sa plus authentique réalité et son rayonnement singulier. De ce point de vue, le film est très différent de celui que j’ai vu récemment sur Marie Madeleine (cf. France Catholique n°3580), aux qualités artistiques indéniables mais qui consistait trop à mon goût en une reconstruction assez arbitraire de sa biographie, en mettant dans sa bouche des propos qui se voulaient très spirituels mais avec quelque chose qui m’a semblé finalement très artificiel.
Ici, le parti pris de s’en tenir aux derniers jours de l’apôtre est parfaitement soutenable, car il permet un point de vue synthétique qui concentre l’essentiel du témoignage et du message de Paul. Si le cinéaste avait voulu raconter toute la vie de l’apôtre, avec toutes les étapes de son épopée missionnaire, il aurait fallu déployer d’autres moyens beaucoup plus considérables mais au risque de perdre l’attention du spectateur. En limitant son ambition, cette œuvre a réussi à donner un sentiment d’intériorité en donnant beaucoup à méditer plutôt que de chercher à éblouir à travers une reconstruction plus ambitieuse.
Rich Peluso, vice-président de AFFIRM, la filiale de Sony dédiée à des films qui parlent de foi, qui produit ce film, a déclaré qu’il voulait que le spectateur retienne trois choses du film. La première est le caractère « fascinant » de Paul…
Il me semble que ce caractère fascinant de Paul – je partage ce mot parfaitement adapté – apparaît assez fortement dans la résolution inflexible de ses derniers jours et dans la qualité des sentiments qu’il exprime. Pour être plus complet, il aurait certes fallu retracer tout un itinéraire spirituel et notamment le passage du disciple de Gamaliel au Christ. De toute façon, l’image ne saurait se substituer à la densité propre à l’écrit. Il était hors de question de donner en images une idée, même large, de la doctrine paulinienne, telle qu’elle est exposée dans ses épîtres…
La seconde chose qu’il souhaite, justement, est que le film procure l’envie de lire les Actes des apôtres…
Cette fidélité et cette modestie sont au principe même du film qui n’a voulu que rendre compte et non se lancer dans une reconstruction, ce qui est souvent le péché favori de nos amis américains. Tout ce qui est exprimé par l’apôtre, par Luc, par les membres de la petite communauté chrétienne autour de Paul, notamment par Priscille et Aquila, reflète bien l’esprit des béatitudes, et la persévérance de la foi dans la persécution… C’est tout bonnement admirable.
Enfin, il espère que le film permettra de se représenter clairement le monde antique et la vie des premiers chrétiens. L’action se situant après les Actes des apôtres, on évite le risque de l’écueil de déformer les Écritures. Cependant, l’action se déroule à un moment clé, au tout début de l’histoire de l’Église. Le film se concentre sur la communauté chrétienne de Rome sous Néron. Que penser de la présentation de cette jeune communauté ?
Le cinéaste a tenté d’interpréter au mieux les circonstances de la captivité et du martyre de Paul à Rome sous Néron. Les Actes des apôtres, de fait, ne racontent pas les ultimes moments de l’apôtre. Nous ne disposons là-dessus que de quelques données traditionnelles. Malheureusement ? L’interprétation qui nous est donnée dans le film n’en est pas moins fiable, en se rapportant à ce que l’on sait de l’accusation de l’incendie de la Ville éternelle reportée sur les chrétiens. Dans un moment tragique, il s’agissait d’imaginer l’attitude d’un groupe de croyants menacés de mort que ses responsables tentent de diriger au mieux. Est-il possible ou même nécessaire de demeurer sur place ou faut-il quitter la ville pour sauvegarder la communauté et préserver l’avenir ?
Paul est présent à cette communauté, en dépit de son isolement, et il continue de diriger et de conseiller, alors qu’il est lui-même dans un extrême dénuement.
Le film est sur saint Paul mais le personnage le plus présent est Luc, joué par l’acteur célèbre notamment pour son interprétation de Jésus dans La Passion du Christ de Mel Gibson, film qui a eu un impact considérable. Ce nouveau film vous paraît-il comparable ?
La comparaison avec le fameux film de Mel Gibson me paraît pertinente, car celui-ci a voulu également être au plus près de la réalité et du témoignage des Écritures. Incontestablement les deux films sont inspirés par un regard de foi et une volonté sans équivoque de rendre compte des événements centraux de la vie du Christ et de la première communauté chrétienne. Ils invitent les fidèles, et bien au-delà des fidèles tous nos contemporains, à méditer sur ces événements et à se reporter aux textes du Nouveau Testament. Dans le cas du film sur saint Paul, toute l’attention se porte sur les Actes des apôtres dont l’auteur n’est en effet autre que Luc, l’auteur de l’Évangile du même nom.
Pour revenir à Mel Gibson, j’espère qu’il réussira quelque chose de bien avec son nouveau film qui doit raconter la vie du Christ après sa résurrection. J’ai lu que c’est à nouveau, 14 ans plus tard, Jim Caviezel qui interprétera le Christ…
C’est un peu une inquiétude pour moi parce que, dans le film sur Marie Madeleine, le choix d’un acteur, de l’avis général, trop vieux pour incarner le Christ, m’a quelque peu mis mal à l’aise. Mais il est vrai que le Christ ressuscité ne se laisse pas facilement identifier par ses traits mais plutôt par ses gestes et ses paroles… Je ne veux donc pas préjuger de ce défi qui est à la démesure de cette star hollywoodienne si contestée, mais aussi si évidemment géniale, qu’est Mel Gibson, un cinéaste dont je suis cependant très loin, vous vous en doutez, de connaître en détail toute la filmographie.
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