Alors que commence le mois de jeûne, certains musulmans remettent en cause quelques habitudes qui l’accompagnent, comme le gaspillage. Ils appellent de leurs vœux une démarche plus spirituelle.
A chaque coucher du soleil, les familles musulmanes vont se réunir pour l’iftar, le repas de rupture du jeûne. Un grand moment de partage, et souvent un festin. « Les mères de famille ont dix-huit heures pour réfléchir au repas qu’elles vont préparer, alors elles ont tendance à cuisiner beaucoup trop ! », sourit Tasnim Benamor. La jeune femme n’est pas la seule de sa génération à être gênée par cette profusion de nourriture pendant le Ramadan. Ce qui dérange le plus : le gaspillage. « Certaines familles refusent de manger les restes le lendemain et jettent tout ! Il faut vraiment prendre le Ramadan de façon spirituelle, pour faire une véritable détox du corps et de l’esprit. »
Pour Mathilde Bouchiha, convertie en 2008, cette purification était d’emblée une composante essentielle du jeûne. « Durant cette période, nous nous reconnectons avec Dieu. Notre but n’est pas de nous affamer, mais de nous transformer de l’intérieur, nous élever », explique la jeune femme. Son mari, qui a grandi dans une famille où il fait bon festoyer les soirs de Ramadan, constate les bienfaits d’un jeûne plus diététique : son corps ne souffre plus de l’alternance brutale entre journées de diète et repas chargés.
Le Ramadan consisterait donc aussi à consommer moins et mieux. « Il sert à faire la différence entre les réels besoins du corps et les envies », enseigne la chef et pâtissière Laïla Elkerch au groupe de femmes assises autour de la table. Aux assises musulmanes de l’écologie 2018, le 8 mai à Nanterre, elle était venue animer un atelier chrononutrition et Ramadan.
Pendant que les mains s’activent à confectionner des « boules énergisantes » à base de dattes, elle conseille de bien dormir pendant le Ramadan. Difficile lorsque l’on n’a que six heures pour manger et dormir, font remarquer quelques femmes. Laïla Elkerch suggère de boire le plus possible en amont (puisque c’est prohibé en journée), et surtout d’éviter thé et café, trop diurétiques.
Pour ces adeptes du bio, envisager le Ramadan de cette façon est dans l’essence même de l’islam. Le théologien Nabil Mohamed rappelle que les anciens vivaient le jeûne de façon « écologique et saine » : on cuisinait beaucoup de nourriture, mais c’était pour tout le quartier. On donnait aux pauvres, et les restes étaient laissés aux animaux.
Des pratiques oubliées. « Je suis contre le gaspillage, mais les hommes pensent que si la table n’est pas garnie, ils vont avoir faim ! », se gausse gentiment Djamila Legheraba après avoir écouté les interventions. « N’est-ce pas ? » Assis à côté d’elle, son mari, appuyé sur sa canne, acquiesce en souriant.
Il se sent une âme d’écologiste, mais reconnaît la difficulté de changer les habitudes.Nabil Mohamed, le théologien, rassure, déconseillant de faire la morale aux parents qui ont souvent plus de mal à se détacher des pratiques culturelles.
Pourtant, « comme tous les Français, les musulmans se rendent compte que c’est nécessaire », affirme Hadj Khelil, fondateur de l’entreprise Bionoor, première à avoir décroché un label bio pour sa viande halal. Il reconnaît que la demande est encore assez limitée, mais dénonce une discrimination du bio envers les musulmans. « Quand je me suis lancé, on me répondait toujours catégoriquement qu’avec le halal c’était impossible. En somme, il faut manger bio, mais vous les musulmans, vous n’y avez pas droit ! »
Il lui aura fallu des années de bataille, contre des organisations écologistes qui l’attaquaient, pour parvenir à se faire labelliser, à grand renfort d’études scientifiques. « C’est une gigantesque hypocrisie : on présente le halal et l’abattage sans étourdissement comme le pire du pire, et on oublie que le pire, c’est simplement de tuer les animaux. » Il prône un abattage mesuré et donne son explication éthique du halal : celui qui pratique une telle forme d’abattage a conscience de son acte, contrairement à ceux qui abattent à la chaîne.
Il considère par ailleurs qu’une vraie viande halal est bio. « C’est dit dans le Coran », affirme-t-il, citant un verset de la sourate de La Vache : « Ô gens ! De ce qui existe sur la terre, mangez le licite et le pur (…).»
La Croix
Joséphine Kloeckner
Différences et similitudes entre le Ramadan et le Carême
Il est fréquent d’entendre que le Ramadan est le « Carême des musulmans ». Pourtant, si le principe paraît si proche, la pratique diffère. Alors que le Ramadan doit commencer dans le courant du mois de mai, le point sur les particularités et les distinctions de ces deux temps religieux.
Carême, du latin quadragesima (sous-entendu : dies) signifie quarantième (jour). 40, un nombre symbolique aux nombreuses occurrences dans la Bible. 40 comme les 40 ans du peuple hébreu dans le désert après la sortie d’Égypte. 40 comme les 40 jours de Jésus au désert où il fut mis à l’épreuve par le diable. Le Carême est un passage au désert, un retour sur soi, un cœur à cœur avec Dieu, pour une purification de l’âme, une transformation intérieure et une vie meilleure, par l’aumône, la prière et le jeûne. Dans la tradition chrétienne, le Carême est une préparation à la fête de Pâques, un temps de jeûne et d’abstinence dans le but de se préparer à recevoir une vie nouvelle dans la lumière du Christ ressuscité. L’Église prévoit trois moyens possibles : « Conformément à la tradition ancienne, il y a trois façons principales de satisfaire au précepte divin de la pénitence : la prière, le jeûne et les œuvres de charité, bien qu’elle ait toujours spécialement prôné l’abstinence de viande et le jeûne. »
Concernant le Ramadan, il convient tout d’abord de tordre le cou à un abus de langage : l’expression couramment employée de « faire le Ramadan ». En effet, le Ramadan désigne le neuvième mois du calendrier lunaire, qui comporte une dizaine de jours de moins que le calendrier solaire. Pendant ce mois du Ramadan, la communauté musulmane pratique le jeûne du lever au coucher du soleil.
Le jeûne du Ramadan est le quatrième pilier de l’islam dont la pratique est précisée dans la sourate 2 du verset 183 à 187 :
(Ces jours sont) le mois de Ramadan au cours duquel le Coran a été descendu comme guide pour les gens, et preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc quiconque d’entre vous est présent en ce mois, qu’il jeûne ! Et quiconque est malade ou en voyage, alors qu’il jeûne un nombre égal d’autres jours. (…) Mais pour ceux qui ne pourraient le supporter (qu’avec grande difficulté), il y a une compensation : nourrir un pauvre. Et si quelqu’un fait plus de son propre gré, c’est pour lui ; mais il est mieux pour vous de jeûner ; si vous saviez !
Les autres piliers sont la prière, l’aumône (le Zakat), le culte de Dieu et la croyance au jour du jugement dernier. Le jeûne est principalement alimentaire mais il s’étend à l’abstinence sexuelle pour rester pur devant Dieu. Cependant, à la tombée de la nuit, les musulmans peuvent rompre le jeûne pour des repas souvent festifs. Durant cette période, les fidèles sont également invités à prier et lire le Coran de manière approfondie.
« Le verset coranique évoquant le jeûne comme étant un devoir en islam rappelle que Dieu imposa le jeûne aux fidèles même avant l’islam : « On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous ». C’est pourquoi le jeûne est considéré comme étant un des symboles marquants de l’union des gens du Livre : juifs, chrétiens et musulmans, dans la foi en un seul Dieu » expliquait à Aleteia Muhammad Al-Sammak, secrétaire général du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien au Liban, et membre du Conseil mondial de Religions pour la Paix.
Le jeûne des chrétiens comme celui des musulmans obéit au même principe : s’abstenir de répondre aux désirs et passions corporels durant une période déterminée pour dompter l’âme et l’inciter à se consacrer pleinement à l’adoration de Dieu. Un même principe mais une pratique qui diffère.
Un principe au nom duquel de nombreuses manifestations d’amitié s’observent dans le monde arabe. Selon une tradition centenaire, c’est ainsi un chrétien qui avertit les musulmans de Saint-Jean-d’Acre qu’il est l’heure de rompre le jeûne. Dès que l’horloge marque 2 h du matin, il prend une profonde inspiration, tambourine trois fois et commence à chanter en arabe : « Vous êtes endormis, réveillez-vous, déclarez votre loyauté envers Dieu et levez-vous pour prendre le repas du crépuscule ».
Aleteia
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