« Non, ce n'était pas le radeau / De la Méduse, ce bateau / Qu'on se le dise au fond des ports/ Dise au fond des ports / Il naviguait en pèr' peinard / Sur la grand-mare des canards / Et s'app'lait les Copains d'abord / Les Copains d'abord… » (Brassens).
1. Trop c’est trop ! Trop c’est trop ! Les radeaux dérivent, les passeurs s’activent, les ONG s’affairent, les naufragés affluent, se noient, les racines et les fondements de l’Europe sont en jeu, nous tombons de Charybde en Scylla, la civilisation est en péril ! Ne transigeons pas sur l’honneur et les valeurs, cela ne peut plus durer ! Il faut faire quelque chose ! Love boat[1]ou Hate Boat ?
Dans la pagaïe, tout le monde s’en donne à cœur joie. Chacun son bateau (v)ivre, son radeau de La Méduse, son Aquarius, Exodus, Bounty, Pequod, Nellie, Titanic, Lusitania, Kon-Tiki, Petit baigneur, Shéhérazade, Ramona, Karaboudjan, chacun ses bons et mauvais naufragés, modernes argonautes à la recherche de la toison d’or ; Il était des petits navires… Sur la grande Mare Nostrum, les réfugiés ne naviguent pas en pères peinards.
Dans la petite mare des canards, des journalistes, des politiques[2], des Jasons, les croassements sont assourdissants;beaucoup de larmes de crocodiles, de Tartuffes, de jésuites. « La croisière s’amuse » (avec pleurs enregistrés), la croisière s’abuse…
Mais l’émotion, la compassion, l’angélisme, ne constituent, ni des programmes, ni des plans d’action. Ils ne servent pas toujours la cause des exilés. Il est facile de s’acheter une bonne conscience en pétitionnant à tout va, pleurant comme un cabri toutes les larmes (feintes ou sincères) de son corps, mais une crise de nerf n’est pas une opinion.
Le droit international public et la diplomatie ne se résument pas au Mondial moquette des droits de l’hommes, au Salon international du sauvetage en mer, aux unes de Paris-Match, Libération ou CNN.
Les relations internationales ne sauraient être prises en otage par les contrebandiers de bons sentiments qui naviguent généralement sous pavillon de complaisance.
L’idéologie du Bien, la religion de l’humanitaire, la dictature des droits fondamentaux, (qui se multiplient ad infinitum), paradoxalement, accélèrent la re-féodalisation, la désagrégation des sociétés politiques, l’éclatement de la communauté internationale, favorisent le communautarisme et la guerre de tous contre tous. Personne n’a le monopole du cœur, de la morale, des Misérables, de Monseigneur Myriel, Montaigne, La Boétie, ou « L’auvergnat qui sans façon »...
Avec ou sans « fracas » et littérature, l’indignation morale c’est comme le foie gras, cela ne supporte, ni le réchauffé, ni la médiocrité. Dans le tourbillon des images, les « clapotement furieux des marées » et de l’actualité, il faut garder le cap, un minimum de bonne foi et de clairvoyance.
2. Les questions maudites 1ère question blanche à 1000 euros : Comment séparer les « bons » réfugiés politiques des « mauvais » réfugiés économiques ?
La question taraude les journalistes, les eurocrates, les politiques. Après les persécutions de l'entre-deux-guerres et la Shoah, la Convention relative au statut des réfugiés (Genève, 28 juillet 1951) met en œuvre, certains principes de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 : L’article 1 (modifié par le protocole de New York de 1967) dispose; « A. Aux fins de la présente Convention, le terme « réfugié » s'appliquera à toute personne : (...) 2) Qui craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ; ou qui, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner».
Arrêtons de jouer sur les « maux » ; beaucoup des réfugiés en provenance d’Afrique et du Moyen-Orient, via les Balkans, ne sont pas aujourd’hui des réfugiés politiques, mais des réfugiés économiques, à la recherche d’un travail ou d’une vie meilleure.
Comment leur reprocher ! « Dis donc, as-tu finis de faire le maquignon ? Cet homme n’est ni un cheval, ni un esclave et… » / « Chut ! ... Il ne faut pas prononcer ce mot ! ...On dit ‘coke’, tu le sais bien... » / « Du coke !!! Mille sabord !!...Tintin avait raison ! Il y a donc encore des négriers !... Et c’est ce métier-là que tu fais, forban ! »[3]. (1) Nous les baladons à travers l’Afrique ou l’Europe, de check points en fausses sorties, dans un safari juridico-kafkaïen, le grand marché inique du réfugié ? (2) Dura lex sed lex ; nous les ramenons d’où ils viennent, à pied, en métro, à cheval, en solex électrique, en bateau, en charter? Est-on prêt à appliquer les conventions et la règle de droit ? A-t-on l’argent pour financer ces retours ? Si nous sommes logiques, nous bloquons nos frontières pour empêcher l’arrivée de nouveaux clandestins et sans papiers. Comment ? Chacun sa conscience… (3) Nous accueillons certains réfugiés refoulés et sans papiers, parce que nous sommes charitables. « Je vous donne un commandement nouveau: Aimez-vous les uns les autres; comme je vous ai aimés, vous aussi, aimez-vous les uns les autres ». (Jean, 13, 34).
Comment sélectionner les réfugiés que l’on accueille ? Trop ou pas assez, c’est combien de personnes ? Lesquels garde-t-on ? Les plus pauvres et les plus mal en point, humanité oblige ? Les réfugiés les plus qualifiés et diplômés, car ils auront moins de mal à trouver un emploi (dans un pays qui compte 3 millions de chômeurs) ? Nous tirons au sort les heureux gagnants dans différents chapeaux, comme pour les poules de la coupe du monde de football ?
Le 6 juillet le Conseil constitutionnel, surfant sur la devise nationale, vient de consacrer le principe de « fraternité », « vertu inspirante », sans valeur normative, qui n’est déclinée dans aucun de nos textes fondamentaux. De belles pétitions, tribunes et contentieux en perspective ! « C’est son prochain qu’il faut aimer comme soi-même, les autres, c’est facile, ils sont loin » (Jeanson).
3. La godille « - Eh là, Corto…Comment ça va ? Tu prends un bain de soleil ?
Angela Merkel, tient mollement la barre et le vent. Jupiter, métamorphosé en Poséidon, vigie du nouveau monde, navigue à vue. L’Europe, médusée, impuissante, dérive plus vite que les radeaux. Elle finira par accoucher de mesures impossibles à mettre en œuvre, qui vont mécontenter tout le monde : (1) Le «mécanisme de solidarité efficace » (!) imposant une répartition et des quotas obligatoire des migrants entre les pays membres, ce que le groupe de Visegrad (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) refuse. (2) Des « plateformes régionales de débarquement » située hors de l’UE dans les pays de départ pour séparer le bon grain de l’ivraie. Cachez ce sang que je ne saurais voir… § À Marseille et Lyon, inauguration de deux Aquaboulevards municipaux, cogérés par le Mucem et le musée des confluences. § Nouvelle chaire au Collège de France ; « Nautisme, mobilité des gouvernances et des structures élémentaires de la morale ». § À Paris, pour fluidifier la circulation des voies sur berges et la fraternité, lancement d’un service « Radeaux libres » sur les quais de Seine. « Let my pipoles go »… § Création d’un Master « Commerce International du Sauvetage en mer », en partenariat avec l’ASSEC, Médecins des Mondes et les universités pontificales de Misrata, Valence et Ajaccio. § Raid transocéanique de paddle « Le Cap-Dakar-Alger-Marseille-Lori « Au moindre coup de Trafalgar / C'est l'amitié qui prenait l'quart / C'est elle qui leur montrait le nord/Leur montrait le nord / Et quand ils étaient en détresse / Qu'leurs bras lançaient des S.O.S. / On aurait dit les sémaphores / Les copains d'abord ». Contacter l'auteur : antoine.adeline@squirepb.com
[1]« The Love boat », est une série télévisée burlesque américaine (250 épisodes de 50 minutes), diffusée en France dans les années 80, sous le titre « La croisière s’amuse ». [2] Par exemple, Christiane Taubira, « Aquarius : Espagne, notre lueur », Le Journal du dimanche, 17 juin 2018. [3] Hergé, Tintin « Coke en stock », 1958. [4] Grasset, 2018 [5] En attendant la transition démographique, le flux migratoire sud-nord ne va pas se tarir, mais va s’accélérer. Le décollage économique et le développement autocentré de l’Afrique, les grands programmes internationaux d’aide, les plans Marshall (« numérique » ou « Intelligence Artificielle »), ne vont pas freiner les migrations vers le nord, au contraire. [6] Populistes : engeance transgénique peu fréquentable. Insatisfaits de l’offre politique actuelle, de gauche et/ou de droite, les populistes se mêlent de ce qui ne les regarde pas. Ils souhaitent le gouvernement du peuple, pour le peuple, par le peuple et sont un danger pour la démocratie. [7] ‘7 sur 7’, 3 décembre 1989. [8] ‘7 sur 7’, 4 juillet 1993. [9] Par exemple par Emmanuel Macron le 21 novembre 2017, lors de l'inauguration de la 33e campagne hivernale des Restos du Cœur. [10] Voir ‘To Have and Have Not’ (‘Le Port de l'angoisse’), adaptation du roman d'Hemingway par Howard Hawks (1944), premier film de Lauren Bacall. [11] Hugo Pratt, ‘La balade de la mer salée,’ 1969. [12] Jean Luc Godard, Le mépris (1964), plan final, séquence 19. |
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