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22 décembre 2018 6 22 /12 /décembre /2018 23:56
en chemin avec... Melchior

C’est au Ve siècle que la tradition fixa à trois le nombre des Mages, tandis que les noms de Gaspard, Balthazar et Melchior apparaissaient dans l’Évangile arménien de l’enfance, un apocryphe tardif du VIe siècle.

J’ai pris la route malgré mon grand âge. Il y a quelques nuits déjà, j’avais vu se lever une étoile qui n’était rien comme les autres.

Le long temps passé sur cette Terre m’a donné de croire aux étoiles plus qu’aux hommes. Non pas que les hommes soient mauvais. Mais ils sont manipulables.

Avec quelques mots menteurs, on les mène où l’on veut, et par le bout du nez. Les étoiles, elles, ne sont pas manipulables. Tout simplement parce qu’elles ne sont pas à portée de main !

Perchées en haut des cieux, ce sont elles qui, à leur façon, nous mènent par le bout du nez, pour qu’on voie plus loin que lui.

Les étoiles ont tendu le visage des hommes vers le Ciel. Elles ont fait de nous des êtres debout. Soustraites à notre mainmise, elles nous ont appris à lier aux choses un rapport moins urgent et moins utilitaire.

Elles ont ouvert notre regard au-delà des soucis qui courbent nos échines. Nous autres, hommes de la Terre, leur devons d’avoir appris à adorer.

L’étoile qui m’a fait me lever tôt et préparer ma monture pour un long voyage, cette étoile m’a murmuré une chose étrange : un bout de Ciel serait tombé sur la Terre.

Il y a bien des histoires qu’on raconte, d’étoiles qui filent et s’effilochent et, dans un dernier scintillement, tombent en miettes sur la Terre. Je suis trop vieux pour aller scruter ce genre de désastre.

L’astre qui a mis en branle mes vieux os, lui, n’entend pas tomber du Ciel. Il indique qu’un autre l’a fait à sa place : un roi nous a été donné, qu’aucun palais n’enferme, qu’aucune superbe ne signale.

À Jérusalem, où l’étoile nous a guidés, moi et mes compagnons de route, le roi du lieu s’en est inquiété : dans son opulence, il n’avait pas été mis au parfum…

Le roi où nous mène l’étoile doit être très puissant, puisqu’il l’est sans faste. Il est étrange, certes, qu’il ne siège pas au centre de la Grande Ville. Mais cela aussi les étoiles me l’ont appris : le centre n’existe pas. Ou plutôt si, il existe, mais il est partout.

Quand je contemple longuement une étoile, le Ciel s’organise peu à peu autour d’elle. Elle devient le centre de toutes les autres.

Mais sitôt que mon attention se porte sur telle autre, c’est à elle que toutes offrent leur cour. Chacune demeure royale dont le sceptre de lumière ne cesse de luire quand c’est une autre qu’on regarde.

Si je devais imaginer un roi pour les hommes, il serait ainsi : quand son regard tomberait sur l’un de ses sujets, ce dernier, au lieu de devenir la chose la plus insignifiante qui soit, se prendrait à exister, se mettrait à briller, recevrait comme mission d’éclairer la nuit des hommes.

Malgré la fatigue, nous avons continué notre route au-delà de Jérusalem. Là, l’étoile semble s’être arrêtée. Une étoile a toujours quelque chose d’immobile.

Mais l’immobilité de mon étoile s’était fait insistance : il fallait nous arrêter ici. Et cela tombait bien : le passage du voyage sur mon vieil âge m’avait épuisé.

À quelques mètres de là, une lueur éclairait timidement l’intérieur d’un refuge. Les hôtes de ce lieu de fortune prendront mon or contre un peu d’hospitalité.

Nous avons poussé la porte doucement. J’ai contemplé l’enfant. On dira de lui, plus tard, ce que je dis souvent de mes étoiles : il est la lumière qui éclaire tout être qui vient au monde.

Martin Steffens, philosophe, écrivain

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