Anonyme, peinture sur bois, second quart du XIIe siècle, 102 × 151 cm, Musée national d’art de Catalogne, Barcelone. MNAC/Source Wikimedia
Parmi les sommets des Pyrénées, le Maître d’Urgell a fait jaillir au XIIe siècle un volcan de feu et d’or qui continue de fasciner ses spectateurs.
Le Devant d’autel de la Seu (cathédrale) d’Urgell est une œuvre destinée à la contemplation liturgique.
L’autel sur lequel il s’appuyait était l’un des points de contact du monde matériel et des réalités invisibles pour ceux qui ornèrent cette cathédrale catalane ; il fallait donc que l’horizon de toute la Création apparaisse sur ce pont jeté entre Ciel et Terre, et cet horizon, c’est le Christ en Majesté que les Apôtres admirent comme le point de convergence de leurs espérances et de leurs missions.
Une composition très ordonnée
Le Fils de l’homme, puissant et glorieux (Lc 21,27), apparaît seul dans le panneau central. Il se détache sur une double mandorle dont l’origine est sans doute à chercher dans des plats de reliure carolingiens.
Dans cette double sphère, il manifeste que l’unité du Ciel et de la Terre est réalisée en Lui. Dans sa main gauche, il tient le Livre des Écritures ; de la droite, il bénit.
Sur les deux panneaux latéraux, les Apôtres sont disposés, debout, en deux groupes pyramidaux. Les auréoles dessinées derrière leurs visages sont de couleurs différentes, comme les attributs qu’ils portent.
Le Règne du Feu
Ce qui frappe celui qui plonge son regard dans ce volcan de lumière, c’est la puissance encore si vive des teintes ; neuf siècles après son irruption, cette œuvre continue de brûler du sang et de l’or qu’un artiste inconnu fixa sur ce bois.
Au-delà de ce premier contact, l’œuvre continue d’imposer sa loi en niant les règles de la perspective ; comme souvent dans l’art roman, les proportions sont déterminées selon des critères hiérarchiques : le Christ est l’horizon, le cœur de la composition, donc tout ce qui apparaît comme déjà entré dans l’ultime réalité
Lui est ordonné ; les Apôtres, les couleurs, les étoiles se répondent dans une symétrie laissant scintiller les particularités de chaque être, de chaque élément.
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. » (Lc 21,25)
Nous allons souvent chercher les signes dont parle l’Évangile de ce dimanche dans les cataclysmes en tout genre, mais nous oublions que la promesse de Dieu n’est pas destruction et mort.
À travers les lignes anti-naturalistes de cette œuvre, nous pourrions voir une négation de la nature, une destruction visuelle de ce que nous voyons quand nous regardons un visage, un rinceau, alors que cette géométrisation des formes est une autre manière de manifester la nature.
La géométrie, science des formes élémentaires, est un moyen de faire apparaître la réalité finale du soleil, de la lune, des étoiles et des corps humains entrés dans la simplicité divine du Royaume.
Silence d’achèvement de la Révélation
Autour du Christ, Parole éternelle qui siège dans la gloire de son Père, les Apôtres, messagers du Verbe, sont là, bouche close. Ils n’ont plus rien à proclamer.
L’instant suprême est venu, celui qui donne sens à tous les précédents. Pas de trompettes et de clameur, mais un silence, immense, qui s’élève de toutes les lèvres comme le plus beau des chants de victoire.
Le livre est fermé, le regard du Christ est levé vers Celui qui l’a envoyé et entre les mains duquel il remet toute chose. Le silence fait palpiter les regards, les gestes et les perles d’un même éclat.
Arnaud Montoux
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