Après la mort de son fils, sainte Brigitte fut transportée dans un palais vaste et magnifique. Elle vit Jésus-Christ assis sur son tribunal et entouré de la cour innombrable des Anges et des Saints. Près de Lui se tenait sa Très Sainte Mère qui écoutait avec attention le jugement.
Elle aperçut aux pieds du Juge, sous la forme d'un enfant nouveau-né, l'âme du défunt, tremblante, ne pouvant ni voir ni entendre ce qui se passait, mais en ayant la perception intime. À la droite du Juge et près de l'âme se tenait un Ange ; le démon était à gauche ; mais ni l'un l'autre ne touchaient l'âme.
Le démon se mit alors à crier : Écoutez, Juge tout-puissant. J'ai à me plaindre d'une femme qui est à la fois ma Souveraine et votre Mère, à laquelle votre amour a donné tout pouvoir sur le ciel et sur la terre, et sur nous, démons de l'enfer.
Elle m'a injustement ravi l'âme qui comparaît devant vous. Car, en bonne justice, j'avais le droit de m'en emparer au moment de sa sortie du corps et de l'amener, avec mes compagnons, devant votre tribunal.
Or, ô juste Juge, l'âme n'était pas sortie pour ainsi dire du corps, que cette femme, votre Mère, s'en est saisie, l'a couverte de sa puissante protection, et vous l'a présentée.
Nous pouvons distinguer deux périodes dans la vie de cette sainte
La première est caractérisée par son mariage heureux. Son mari s'appelait Ulf et était gouverneur d'un important territoire du royaume de Suède. Le mariage dura vingt-huit ans, jusqu'à la mort d'Ulf. Huit enfants furent issus de ce mariage, dont la deuxième, Karin (Catherine) est vénérée comme . Cela est un signe éloquent de l'engagement éducatif de Brigitte à l'égard de ses enfants. D'ailleurs, sa sagesse pédagogique fut appréciée au point que le roi de Suède, Magnus, l'appela à la cour pour une certaine période, dans le but d'introduire sa jeune épouse, Blanche de Namur, à la culture suédoise.
Brigitte, qui reçut une direction spirituelle d'un religieux érudit qui l'introduisit à l'étude des Ecritures, exerça une influence très positive sur sa famille qui, grâce à sa présence, devint une véritable «Eglisedomestique ».
Avec son mari, elle adopta la Règle des Tertiaires franciscains.
Elle pratiquait avec générosité des œuvres de charité envers les pauvres: elle fonda également un hôpital.
Auprès de son épouse, Ulf apprit à améliorer son caractère et à progresser dans la vie chrétienne. Au retour d'un long pèlerinage à Saint-Jacques de Compostelle, accompli en 1341 avec d'autres membres de sa famille, les époux formèrent le projet de vivre dans l'abstinence; mais peu de temps après, dans la paix d'un monastère dans lequel il s'était retiré, Ulf conclut sa vie terrestre.
Cette première période de la vie de Brigitte nous aide à apprécier ce que nous pourrions définir aujourd'hui comme une authentique «spiritualité conjugale»: ensemble, les époux chrétiens peuvent parcourir un chemin de sainteté, soutenus par la grâce du sacrementdu mariage.
Souvent, comme ce fut le cas dans la vie de Brigitte et d'Ulf, c'est la femme qui, avec sa sensibilité religieuse, sa délicatesse et sa douceur, réussit à faire parcourir à son mari un chemin de foi. [...]
Devenue veuve, Brigitte commença la deuxième période de sa vie.
[...] A la mort de son mari, Brigitte, après avoir distribué ses biens aux pauvres, tout en ne choisissant jamais la consécration religieuse, s'installa au monastère cistercien d'Alvastra.
C'est là que commencèrent les révélations divines, qui l'accompagnèrent pendant tout le reste de sa vie. Celles-ci furent dictées par Brigitte à ses secrétaires-confesseurs, qui les traduisirent du suédois en latin et les rassemblèrent dans une édition de huit livres, intitulés Revelationes (Révélations). A ces livres s'ajoute un supplément, qui a précisément pour titre Revelationes extravagantes (Révélations supplémentaires).
[...]
La valeur des Révélations de Brigitte, qui fut parfois objet de certains doutes, fut précisée par le vénérable Jean-Paul II dans la Lettre Spes Aedificandi: "En reconnaissant la sainteté de Brigitte, l'Eglise, sans pour autant se prononcer sur les diverses révélations, a accueilli l'authenticité globale de son expérience intérieure" (n. 5).
De fait, en lisant ces Révélations, nous sommes interpellés sur des thèmes importants.
Par exemple, on retrouve fréquemment la description, avec des détails très réalistes, de la Passion du Christ, pour laquelle Brigitte eut toujours une dévotion privilégiée, contemplant dans celle-ci l'amourinfini de Dieu pour les hommes.
Sur les lèvres du Seigneur qui lui parle, elle place avec audace ces paroles émouvantes:
«O mes amis, j'aime si tendrement mes brebis, que, s'il était possible, j'aimerais mieux mourir autant de fois pour chacune d'elles de la mort que je souffris pour la rédemption de toutes, que d'en être privé»
(Revelationes, Livre I, c. 59).
La maternité douloureuse de Marie, qui en fit la Médiatrice et la Mère de miséricorde, est aussi un thème qui revient souvent dans les Révélations.
En recevant ces charismes, Brigitte était consciente d'être la destinataire d'un don de grande prédilection de la part du Seigneur:
«Or, vous, ma fille - lisons-nous dans le premier livre des Révélations -, que j'ai choisie pour moi [...] aimez-moi de tout votre cœur [...] mais plus que tout ce qui est au monde» (c. 1).
Du reste, Brigitte savait bien, et elle en était fermement convaincue, que chaque charisme est destiné à édifier l'Eglise.
C'est précisément pour ce motif qu'un grand nombre de ses révélations étaient adressées, sous formes d'avertissements parfois sévères, aux croyants de son temps, y compris les autorités politiques et religieuses, pour qu'elles vivent de façon cohérente leur vie chrétienne; mais elle faisait toujours cela avec une attitude de respect et en pleine fidélité au Magistère de l'Eglise, en particulier au Successeur de l'apôtre Pierre.
En 1349, Brigitte quitta définitivement la Suède et se rendit en pèlerinage à Rome.
Elle entendait non seulement prendre part au Jubilé de 1350, mais elle désirait aussi obtenir du Pape l'approbation de la Règle d'un Ordre religieux qu'elle entendait fonder, consacré au Saint Sauveur, et composé de moines et moniales sous l'autorité de l'abbesse. Cela ne doit pas nous surprendre: il existait au Moyen-Age des fondations monastiques avec une branche masculine et une branche féminine, mais pratiquant la même règle monastique, qui prévoyait la direction d'une Abbesse.
De fait, dans la grande tradition chrétienne, une dignité propre est reconnue à la femme, et - toujours à l'exemple de Marie, Reine des Apôtres - une place propre dans l'Eglise qui, sans coïncider avec le sacerdoce ordonné, est tout aussi importante pour la croissance spirituelle de la Communauté. En outre, la collaboration d'hommes et de femmes consacrés, toujours dans le respect de leur vocationspécifique, revêt une grande importance dans le monde d'aujourd'hui. [...]
Enfin, en 1371, elle couronna son plus grand désir: le voyage en Terre , où elle se rendit en compagnie de ses fils spirituels, un groupe que Brigitte appelait «les amis de Dieu».
A cette époque-là, les Papes se trouvaient en Avignon, loin de Rome: Brigitte se tourna vers eux avec une grande tristesse, afin qu'ils reviennent au siège de Pierre, dans la Ville éternelle.
Elle mourut en 1373, avant que le Pape Grégoire XI ne rentre définitivement à Rome. Elle fut enterrée provisoirement dans l'église romaine «San Lorenzo in Panisperna», mais en 1374, ses enfants Birger et Karin la ramenèrent dans leur patrie, au monastère de Vadstena, siège de l'Ordre religieux fondé par Brigitte, qui connut immédiatement une remarquable expansion.
En 1391, le Pape Boniface IX la canonisa solennellement.
[...] En la déclarant co-patronne de l'Europe, le Pape Jean-Paul II a souhaité que Brigitte - qui vécut au XIVe siècle, lorsque la chrétienté occidentale n'était pas encore frappée par la division - puisse intercéder efficacement auprès de Dieu, pour obtenir la grâce tant attendue de la pleine unité de tous les chrétiens. [...]
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