Boney M. est un groupe jamaïco-antillais de disco-pop. Rien que ça c’est fabuleux ! Parmi leurs titres les plus célèbres, on compte : Rasputin ou Daddy cool. Saviez-vous que leur carton Rivers of Babylon* n’est autre que le psaume 137 ? Vous pouvez donc l'écouter en découvrant le texte biblique puisqu'ils chantent en anglais ce que vous lirez en français.
*Pour les plus pointilleux, Boney M chante uniquement les 4 premières strophes du psaume en boucle et rajoute 2 phrases !
Au bord des fleuves de Babylone
là nous étions assis et pleurions
en nous souvenant de Sion.
Aux saules qui étaient là
nous avions suspendu nos lyres.
Car là, ceux qui nous avaient emmenés captifs nous demandaient les paroles d'un cantique
et nos oppresseurs, de la joie :
— Chantez-nous un cantique de Sion !
Comment chanterions-nous le cantique de YHWH
sur une terre étrangère ?
Si je t’oublie, Jérusalem
que ma droite se dessèche !
Que ma langue colle à mon palais
si je ne me souviens pas de toi
si je ne mets Jérusalem
au faîte de ma joie !
Souviens-toi, YHWH, des fils d’Édom
qui, au jour [de la ruine] de Jérusalem, disaient :
— Détruisez, détruisez, jusqu’en ses fondements !
Fille de Babylone, vouée à la ruine
heureux celui qui te rendra le mal
que tu nous as fait !
Heureux celui qui saisira et brisera
tes petits contre la pierre !
Psaume 137 dans l'Ancien Testament.
Traduit du texte massorétique (hébreu) par les équipes de notre programme de recherches La Bible en ses Traditions.
À quelle situation historique ce psaume fait-il référence ?
Au sixième siècle avant Jésus-Christ, Nabuchodonosor, empereur de Babylonie, assiège Jérusalem. La ville sainte est pillée, détruite et la population est déportée à Babylone. Cet événement est fondamental pour comprendre nombres de textes bibliques qui évoquent l’exil du peuple juif. Les 70 ans qu'ils passèrent à l'étranger marquèrent à jamais la mémoire d'Israël.
👉 Le psaume 137, chanté par Boney M, fait mémoire de cet exil à Babylone et de la nostalgie du peuple élu éloigné de sa Jérusalem :
« Au bord des fleuves de Babylone, là nous étions assis et nous pleurions en nous souvenant de Sion.* »
* Sion est le nom symbolique du site de la ville de Jérusalem.
Au-delà de la destinée juive, cet exil à Babylone marque aussi la culture occidentale et la spiritualité chrétienne. En effet, il devient un symbole de l’état de l’homme éloigné de Dieu.
Mais la poésie qui naît de cet exil, comme dans le psaume d'aujourd'hui, maintient la joie au coeur de la tristesse et sa solitude. Comme le dit le père Alexandre Schmemann à propos de ce psaume :
« Il est devenu à jamais le chant de l’homme qui réalise son exil loin de Dieu, et, ce faisant, redevient un homme : celui que rien de ce monde déchu ne peut combler, car, par nature et par vocation, il est un pèlerin de l’Absolu. »
Alexandre Schmemann, Le grand Carême, Éditions Monastiques, Spiritualité orientale n°13, Abbaye de Bellefontaine,
Le nom de la Babylone est devenu un sujet majeur de la musique reggae pour désigner un lieu d’exil et de décadence. Gregory Isaacs ou Bob Marley le chantent ainsi dans Babylon Too Rough et Babylon System.
Dans la tradition liturgique orientale, on chante le psaume 137 les trois dimanches qui précèdent le Carême. Tel le Juif au bord des rivières de Babylone, le croyant est ainsi invité à prendre conscience de son exil sur cette Terre, loin de la Jérusalem céleste, à se souvenir des moments de joie de sa vie et à se retourner vers Celui qui en est la source.
Ce retournement vers Jérusalem, vers la Patrie Céleste, c’est la metanoïa, mot grec traduit par repentir.
« Un pays lointain : telle est la définition de notre condition humaine que nous devons assumer et faire nôtre, quand nous commençons à marcher vers Dieu. L’homme qui n’a jamais fait cette expérience, ne fût-ce que très brièvement, qui n’a jamais senti qu’il est exilé de Dieu et de la vraie vie, ne comprendra jamais ce qu’est le christianisme. Et celui qui est parfaitement 'chez lui' en ce monde et dans la vie de ce monde, qui n’a jamais été blessé par le désir nostalgique d’une autre réalité, celui-là ne comprendra jamais ce qu’est le repentir. »
Alexandre Schmemann, Le grand Carême, Éditions Monastiques, Spiritualité orientale n°13, Abbaye de Bellefontaine, 2011, p.24
Si vous souhaitez recevoir chaque jour un texte spirituel choisi par le diacre Marc abonnez-vous à son blog (et regardez votre dossier spam ou indésirable pour valider ensuite votre inscription envoyée par Feedburner) :