Le 5 juin 2015, le quotidien régional « Le Républicain lorrain », dans un article intitulé « La cathédrale Saint-Etienne attire davantage les touristes » de Fabien Surmonne, se félicitait de l’attrait touristique exercé par ce monument (650 000 visiteurs en 2014).
Or, très vite il relativisait ce même score en le comparant avec celui d’autres cathédrales situées au nord de la France et notamment sa voisine de Strasbourg qui voit passer 4 millions de visiteurs par an !
Certes l’affluence de la cathédrale messine va crescendo depuis l’ouverture du Centre Pompidou-Metz qui a accueilli 350 000 visiteurs l’an dernier.
Mais apparemment cela reste nettement insuffisant et donc on peut légitimement penser que la cathédrale de Metz souffre d’un réel « déficit d’image ». Car même sans citer la cathédrale de Strasbourg, celle de Metz semble irrémédiablement installée dans le peloton de queue des dix cathédrales les plus prestigieuses de France.
Qu’elle soit située loin derrière Notre-Dame de Paris qui bat tous les records avec ses 12 à 13 millions de visiteurs, on peut le comprendre. En revanche rien ne permet de justifier l’écart important avec Reims avec ses 1,5 million de visiteurs ou même avec Chartres (1,2 million).
Dans ce match des grandes dames du gothique, la cathédrale de Metz ne semblerait jouer que dans une catégorie inférieure.
Celle d’une seconde « division » dominée de peu par Amiens avec ses 710 000 visiteurs en moyenne. Et où Metz ne dépasserait que Rouen ou Albi.
Le journaliste du Républicain Lorrain pense avoir trouvé l’explication de ce désamour dans le fait que toutes les cathédrales les plus visitées qui ont été citées (Paris, Chartres, Reims, Amiens, Strasbourg) sont toutes classées au patrimoine mondial de l’Unesco.
Ce classement « constitue (selon lui) un énorme plus sur le plan touristique ».
Effectivement la cathédrale de Metz n’aurait pas à rougir d’elle-même car elle ne manque ni d’atouts ni de réelles qualités qui pourraient la placer objectivement parmi les monuments français les plus visités.
Déjà son lieu est hautement symbolique car elle fut construite à l’emplacement d’un oratoire du Ve siècle dédié à St-Etienne préservé lors du sac de la cité par Attila le 7/04/451 . En 1186, une collégiale : Notre Dame de la Ronde fut construite contre la cathédrale. Les deux furent ensuite réunies pour devenir la cathédrale gothique Saint-Etienne, (construite de 1220 à 1522).
Au soleil elle brille de mille feux car elle fut bâtie comme beaucoup de bâtiments messins en pierre de Jaumont ce qui lui donne cette incomparable couleur ocre/dorée. Elle n’est peut-être pas la haute de France, mais avec ses 93 m elle fait déjà partie des plus hautes.
Elle domine la cité messine à la manière d’un Parthénon sur son Acropole comme l’indique fort justement Jean-Jacques Aillagon, messin et ancien ministre dans la préface sur les vitraux de Jacques Villon (Christian Schmitt, Les vitraux de Jacques Villon, Cathédrale Saint-Etienne de Metz, Ed. Les Paraiges, 2014). Et il justifie cette position dominante sur la ville en ces termes :
« Elle la domine physiquement par l’impressionnante élévation de sa nef qu’accentue encore le défi d’une tour, la tour de la Mutte, qui est aussi le beffroi des liesses et des peines de la communauté des hommes qui s’est rassemblée à ses pieds. »
Déjà Verlaine, un autre natif de Metz, rendait hommage à cette même cathédrale pour son effet d’élancement grâce également à sa tour principale dénommée la Mutte qui s’élève à 88 m. Par ailleurs celle-ci contient une célèbre cloche du même nom qui pèse onze tonnes et mesure 2,32 m de diamètre.
Cathédrale tout en volute,
Où le vent chante sur la flûte,
Et qui lui répond par la Mutte,
Cette grosse voix du bon Dieu !
« Ode à Metz » écrit à Paris le 17/09/1892
Au fond et au centre la façade occidentale d’Hermann de Munster avec sa rosace
Le plus étonnant aussi, comme le signale encore Jean-Jacques Aillagon, c’est sa nef qui culmine à 41,41 m et la place troisième de l’hexagone derrière Beauvais et Amiens (42,3 m).
Mais en définitive c’est son architecture de verre qui va la distinguer véritablement de toutes les autres. Car fait unique et incomparable, cette cathédrale est dotée d’un immense espace vitré occupé par les plus grandes verrières d’Europe.
Metz peut s’enorgueillir d’avoir la cathédrale de France qui dispose la plus grande surface vitrée, près de 6 500 m2, mais également celle qui présente les plus grandes verrières gothiques d’Europe.
C’est pourquoi elle est familièrement surnommée la « lanterne du Bon Dieu »,
Jean-Jacques Aillagon l’évoque plus loin dans la même préface précitée (Les vitraux de Jacques Villon, Cathédrale Saint-Etienne de Metz, op.cit.):
« Dans la nuit, celle si précoce de l’hiver lorrain, celle du temps parfois aussi, elle (la cathédrale) n’a cessé de répandre sa lumière sur la civitas mediomatricorum Mettis encore appelée Metz.
Elle l’éclaire grâce à l’extraordinaire transparence d’une architecture si légère que la surface des verrières – la plus importante d’Europe – y laisse entrer généreusement la lumière et permet, la nuit venue, grâce au miracle de la fée électricité comme dirait Raoul Dufy, de transformer l’édifice en une lanterne, la fameuse « lanterne du Bon Dieu » dont les Messins sont fiers. »
Le croisillon sud de Valentin Bousch (vue extérieure)
A gauche, la chapelle du Saint-Sacrement avec les vitraux de Jacques Villon
(vue extérieure)
Le visiteur qui accède pour la première fois dans cet édifice est avant tout attiré par la façade occidentale d’Hermann de Munster (1384-1392) avec notamment sa rose monumentale du grand portail (350 m2) qui irradie tout l’accès principal.
Ensuite plus loin, le chœur est illuminé par Valentin Bousch, peintre verrier de la Renaissance (1521-1527) qui fait éclater les couleurs primaires avec ses rouges, ses jaunes or et ses bleus les plus intenses. Notamment dans la baie d’axe du chœur avec la lapidation de Saint Etienne.
Ce même artiste va s’illustrer également dans le croisillon sud avec une deuxième immense verrière.
En face dans le croisillon nord, c’est un autre maître de la Renaissance dénommé Théobald de Lixheim (1504) qui illuminera à son tour cet espace.
En réalité les deux verrières opposées de ces deux artistes de la Renaissance qui occupent respectivement les croisillons nord et sud et mesurant chacune 424 m2, constituent rien de moins que les baies vitrées les plus grandes du monde !
A gauche le croisillon nord de Théobald de Lixheim et au centre le chœur de Valentin Bousch
A droite le croisillon sud de Valentin Bousch
En plus d’offrir des surfaces vitrées impressionnantes et souvent inégalées, cette cathédrale compte également des vitraux contemporains.
En effet suite aux dégâts causés par le second conflit mondial et grâce à l’opiniâtreté éclairée de l’architecte en chef des Monuments historiques de l’époque (Robert Renard), on fit appel à des artistes de notre époque pour remplacer certains vitraux trop dégradés.
Au départ il était question de grands artistes comme Fernand Léger, Picasso et même Jean Cocteau. Mais le premier s’est désisté alors que les deux autres n’ont pas été retenus.
Cependant Robert Renard, malgré les réticences et les pressions exercées par les autorités civiles et religieuses, a réussi malgré tout à imposer trois signatures importantes de l’art moderne : Jacques Villon, Roger Bissière et Marc Chagall.
Jacques Villon de son vrai nom Gaston Duchamp est le frère aîné du célèbre Marcel Duchamp. Même si le cheminement artistique des deux frères a suivi des voies différentes, chacun d’eux a paradoxalement réalisé une œuvre maîtresse grâce au verre, Marcel Duchamp avec son Grand Verre et Jacques Villon avec ses vitraux de Metz.
Figure de proue du cubisme, Jacques Villon a pris pour modèle la « Section d’or » et les théories du tracé pyramidal pour faire déambuler son œuvre vers un absolu.
Les vitraux qu’il a réalisés à Metz constituent, à l’évidence, son œuvre majeure au soir de sa vie.
Le face-à-face étonnant des deux verrières de Roger Bissière
Introduire dans une cathédrale l’art abstrait ou totalement non figuratif comme cela a été le cas pour Bissière conduit également à une autre révolution initiée par ce sanctuaire messin !
Une révolution qui a été rendue possible grâce également à la prouesse technique des maîtres verriers de Reims qui ont dû utiliser des échantillons de verre de très petites dimensions représentant 422 pièces au m2.
Les deux verrières de Bissière où prévalent le bleu dans le tympan nord et l’ocre dans le tympan sud nous invitent en permanence à contempler la nuit et le jour, la mort et la résurrection. C’est pourquoi, il est possible d’affirmer, sans prétention aucune, que ces deux baies vitrées peuvent revendiquer un rôle essentiel qui est celui d’être à la fois « source et sommet » de toute l’architecture de lumière de cette cathédrale.
Elles ont, en effet, cette particularité unique de rappeler les débuts de la création et notamment ce 4° jour dont parle la Genèse où apparaissent les deux luminaires au firmament des cieux pour séparer le jour et la nuit.
C’est Marc Chagall qui termine l’embrasement coloré déjà bien entamé dans le choeur grâce à ses deux vitraux du déambulatoire nord et à son vitrail du croisillon septentrional. La chimie de la couleur trouve ici un nouveau style dans ses œuvres. Ainsi la couleur enveloppe tout, le dessin et le sujet ; elle domine, mais elle exalte aussi chacune de ces trois baies vitrées.
A cet effet Chagall utilise les teintes les plus surprenantes comme ces bleus et ces jaunes les plus vibrants, les plus profonds mais aussi les plus sublimes, tous issus de sa célèbre épopée vétéro-testamentaire.
Plus haut dans le triforium, l’artiste s’adonnera même à une création florale digne du jardin d’Eden. Mais dans son univers où les personnages renoncent aux principes de la gravitation, le peintre, lui, ne renonce jamais à ses racines.
Dans ses visions énigmatiques, où se mêlent la culture yiddisch et l’art populaire russe, le judaïsme et le christianisme, le rationnel et l’absurde. Sa peinture est à l’image du yiddisch, une langue de métissage, sa langue maternelle qui lui sert par sa structure, de métaphore à son art pictural.
C’est pourquoi il n’est pas étonnant que la cathédrale Saint-Etienne de Metz puisse accueillir si bien son art. Car si ce lieu réussit à concentrer dans ses murs autant de richesses si différentes c’est grâce à sa capacité avérée de marier l’art et la spiritualité.
Maurice Barrès, ne s’y était pas trompé lui qui voyait cet édifice comme un facteur incomparable de transcendance qui relie et élève :
« Devant Metz, toute plate au ras de la plaine, et que spiritualise le vaisseau de sa haute cathédrale. »
Aussi dans le but de partager tout cela avec le plus grand nombre, nous devons sans plus tarder réveiller cette Belle Endormie !
Christian Schmitt
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voir également : http://lenouveaucenacle.fr/roger-bissiere-creuse-le-ciel Vous pouvez acheter le livre sur le site de l'éditeur: http://www.editions-des-paraiges.eu/magasin/page8.html Les deux ...
vitraux contemporains cathédrale Metz - Airbnb
Metz - vitraux contemporains cathédrale Metz. Passionné d'art contemporain et messin depuis plus de 40 ans, j'ai écrit trois ouvrages sur les vitraux contemporains de Metz (Cocteau, Villon et ...
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