Visitation, linteau supérieur du portail Sainte-Anne (vers 1150), cathédrale Notre-Dame de Paris
Le lundi 15 avril au soir, voyant avec une grande tristesse les images de Notre-Dame en flammes, c’est d’abord au portail Sainte-Anne (le portail de droite sur la façade) que j’ai pensé.
Les sculptures du linteau supérieur et celles du tympan (une Vierge à l’enfant) qui le surmontent sont les plus anciennes de Notre-Dame de Paris.
Réalisées au milieu du XIIe siècle pour l’ancienne cathédrale romane (encore placée sous le vocable de Saint-Étienne), elles ont été conservées par les bâtisseurs du XIIIe siècle qui ont pris soin de les intégrer à la façade de la nouvelle cathédrale : Notre-Dame. Si ce soir-là, les pompiers n’avaient pas lutté avec tant de courage contre le feu pour l’empêcher de gagner les tours, il ne serait peut-être resté que des débris de ces sculptures vénérables.
Aucune restitution, aucune copie n’aurait pu les remplacer. L’âme de ces œuvres aurait été à jamais perdue.
Les sculptures du linteau évoquent le mystère de l’Incarnation, depuis l’Annonciation jusqu’à la Nativité. Peu de temps après l’annonce de l’ange, Marie se rend chez sa cousine Élisabeth : c’est la Visitation.
Les deux femmes se rencontrent. Elles se tendent les bras. Elles avaient besoin de se voir, de se toucher… De voir en l’autre le mystère du Salut à l’œuvre.
Les plissés sobres et élégants du voile et de la robe des deux femmes contrastent avec leurs carnations et mettent en évidence leurs mains et leurs visages.
Élisabeth, un peu plus grande que Marie, paraît aussi plus âgée. L’enfant qu’elle porte en son sein est maintenant bien visible ; personne ne l’appellera plus la « femme stérile ». Marie et Élisabeth se prennent par les bras, mais il y a beaucoup de retenue, de pudeur dans leur attitude.
Des gestes de sollicitude et de soutien qui me rappellent ceux qu’échangeaient des personnes aperçues dans la foule le soir de l’incendie.
La relation qui unit Marie et Élisabeth n’est pas exclusive, au contraire. Les deux femmes se tournent vers l’extérieur et nous invitent à faire de même.
Leurs grands yeux regardent au loin, mais la lumière que cherchent les deux cousines n’est pas celle des projecteurs : elles ne posent pas pour la postérité !
Elles savent que la joie qui les habite les dépasse et qu’elle est faite pour être partagée. L’action de l’Esprit est communicative !
Le regard des deux femmes est une invitation à nous associer au chant de foi et d’action de grâce de Marie : « Mon âme exalte le Seigneur, mon esprit exulte en Dieu mon Sauveur… » (Lc 1, 46-47).
Le chant de Marie nous dit ce qu’elle est en profondeur : fille d’Israël, depuis son plus jeune âge, elle a mis sa confiance dans le Dieu de ses pères, le Dieu d’Abraham.
Elle a toujours su que pour le « Puissant » qui « élève les humbles » et « comble de bien les affamés » (cf. Lc 1, 49-53), les plus pauvres sont une priorité ; elle se sent de leur famille.
Est-ce la raison pour laquelle le regard de Marie reste tourné vers le parvis ? Au moment où tant d’énergies et de moyens sont déployés pour redonner un toit à la cathédrale, elle nous invite sans doute à ne pas oublier ceux qui n’en ont pas.
Car il y a aussi des personnes démunies qui attendent nos yeux bienveillants et nos mains tendues pour se reconstruire.
Dominique Pierre
La Croix
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