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19 juillet 2019 5 19 /07 /juillet /2019 22:55
Dieu a-t-il un genre?
Trois textes intéressants sur le sujet

... dans la Trinité, aucune des trois personnes n’existe pour elle-même. Au contraire, chacune n’existe que dans le mouvement par lequel elle va vers les autres. Ainsi, le Père n’existe qu’à engendrer le Fils, c’est-à-dire à se donner entièrement à lui. Mais inversement, le Fils n’est rien d’autre que l’image du Père. Il n’existe que pour montrer le Père, lui rendre témoignage.

C’est d’ailleurs bien pour cela qu’on peut donner à Dieu le nom de Père, parce qu’on le désigne par la relation qu’il entretient au Fils, et non pour ce qu’il est en lui-même et qui reste insaisissable. Et c’est pour cela aussi qu’il nous est connu au masculin, parce que son image, le Fils incarné, nous a été plutôt connue au masculin.

En lui-même, « Dieu le Père » est assurément au-delà du genre, mais que pourrions-nous bien dire de Dieu en lui-même et de ses profondeurs infinies, indépendamment de son image en Jésus-Christ ? Tel est le raisonnement de la théologie trinitaire. Et comment connaît-on le Fils ? Directement ?

Certainement pas, il suffit de voir combien de controverses la figure historique de Jésus a pu alimenter. Ses contemporains l’auraient-ils mieux connu que nous, qui n’avons que la science historique pour y accéder ? Peut-être, mais ce n’est pas ce que racontent les Évangiles : Jésus est souvent méconnu, mal compris, et finalement rejeté et même exécuté comme un criminel. Même ressuscité, il n’est pas tout de suite reconnu par ses propres disciples.

Il faut donc un.e troisième pour le reconnaître : l’Esprit saint. L’Esprit Saint est donné par le Fils (qui ne fait rien sinon par le Père dont il est l’image) : il est Dieu soi-même tout autant que les deux autres, mais Dieu en tant qu’il se fait connaître, en tant qu’il est en nous pour nous permettre de le voir, image du Fils comme le Fils est l’image du Père, parce qu’il montre le Fils comme le Fils montre le Père.

On connaît donc le Père par le Fils, et le Fils par l’Esprit. Le Fils donne l’image du Père, et l’Esprit donne l’image du Fils. « Les personnes divines ne s’affirment guère par elles-mêmes, mais l’une rend témoignage à l’autre », explique le théologien Vladimir Lossky.

En d’autres termes, l’identité du Père est donnée par le Fils, et celle du Fils par l’Esprit. Il n’y a donc personne, en Dieu, pour donner à l’esprit son identité, être son image. C’est pourquoi l’Esprit saint est la figure la plus abstraite de la Trinité (dans le Nouveau Testament, elle est une colombe aussi bien que des langues de feu).

C’est, d’ailleurs, cette indétermination qui permet à chacun.e de la recevoir. Or d’après Lossky, c’est justement de celles et ceux qui le reçoivent qu’en retour on verra affirmée l’identité de l’Esprit : « La multitude des saints sera son image ». Ce sont en effet ces saint.e.s qui en témoigneront, comme il.elle témoigne du Fils, et comme le Fils témoigne du Père. Autrement dit, l’Esprit saint se dira au genre de l’Église achevée (non pas l’une des institutions ecclésiale que l’on connaît, mais l’humanité en communion).

Quel sera ce genre ? Il n’est pas permis de trancher, si l’on ose dire, même si la figure par excellence de la sainteté et de l’Église a toujours été une femme, Marie. En tout cas, il n’est pas permis d’affirmer non plus qu’il.elle soit masculin, et il serait trop facile de s’en tenir au neutre.

Pourquoi faudrait-il un seul genre ? Il.Elle sera personnifié.e par la multiplicité des identités réelles, c’est-à-dire notamment les identités de genre, dans la mesure où elles contribuent à définir les personnes réelles que nous sommes.

Il y a donc bien place, dans le christianisme le plus orthodoxe, pour Dieu inclusif.ve, pour Dieu masculin.e et féminin.e (avec toutes les variations possibles entre ces pôles).

L’Esprit, dont l’image est la multitude des saint.e.s, est le lieu théologique de cette inclusivité. Or, image de l’image du Père, il.elle révèle aussi qu’il y a en Jésus-Christ, et jusqu’en son Père, non pas seulement de l’humain, mais tout ce qui fait l’humain, féminin compris, et toutes les nuances de genre.

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Dʼun point de vue linguistique, la terminologie théiste masculine est clairement dominante dans les Écritures. Les deux Testaments emploient des pronoms masculins pour faire réference à Dieu. Les noms qui lui sont attribués (par ex. Yahwé, Élohim, Adonaï, Kyrios, Theos, etc.) sont tous masculins. Il nʼest jamais désigné par un nom ou un pronom féminin.

Les références au Saint-Esprit dans tout le Nouveau Testament sont également masculines, alors que le terme employé pour « esprit » (pneuma) est lui-même neutre. Le terme hébreu pour « esprit » (ruach) est féminin en Genèse 1.2, mais le genre dʼun mot en grec ou en hébreu nʼa rien à voir avec le genre qu’il possède effectivement.

Dʼun point de vue théologique, puisque le Saint-Esprit est Dieu, on peut déduire certaines de ses caractéristiques de celles de Dieu. Dieu est esprit, par opposition au monde physique ou matériel. Il est invisible et spirituel (cʼest-à-dire quʼil nʼa pas de corps, voir Jean 4.24, Luc 24.39, Romains 1.20, Colossiens 1.15, 1 Timothée 1.17), dʼoù lʼinterdiction de se servir dʼun objet matériel pour le représenter (Exode 20.4).

Si le genre est un attribut du corps, alors un esprit nʼen a pas. Dieu nʼa donc par définition pas de genre.

Le genre attribué à Dieu dans la Bible varie. On pense souvent à tort que le texte biblique le présente exclusivement sous une forme masculine, mais ce nʼest pas le cas : le livre de Job parle de Dieu qui donne naissance et Ésaïe le décrit comme une mère. Jésus, en Luc 15, compare le Père à une femme partie à la recherche dʼune pièce perdue (et se compare lui-même à une « poule » en Matthieu 23.37).

En Genèse 1.26-27, Dieu dit : « Faisons lʼhomme à notre image, à notre ressemblance ! », puis : « Dieu créa lʼhomme à son image, il le créa à lʼimage de Dieu. Il créa lʼhomme et la femme. »

On voit donc que lʼimage de Dieu est à la fois masculine et féminine, plutôt que tout simplement lʼun ou lʼautre, comme le confirme encore Genèse 5.2, quʼon pourrait traduire littéralement : « Il les créa homme et femme ; quand ils furent créés, il les bénit et les appela Adam. » Le terme hébreu « adam » signifie « homme » et cʼest le contexte qui indique sʼil sʼagit de lʼhomme (par opposition à la femme) ou de lʼhumanité (au sens collectif). Le genre nʼa donc pas dʼeffet sur lʼhumanité créée à lʼimage de Dieu.

Les images masculines ne sont cependant pas dénuées de tout sens. Dieu est également décrit par une image physique en Jean 14, quand les disciples de Jésus lui demandent de leur montrer le Père et quʼil répond au verset 9 : « Celui qui mʼa vu a vu le Père. » Paul dit clairement que Jésus est lʼimage exacte de Dieu en Colossiens 1.15 en lʼappelant « lʼimage du Dieu invisible. »

Ce verset figure dans un passage qui manifeste la supériorité de Christ sur toute la création. La plupart des religions antiques croyaient en un panthéon de dieux et déesses dignes dʼadoration, mais le judéo-christianisme se distingue notamment par la croyance en un Créateur suprême.

Un vocabulaire masculin décrit mieux cette relation entre le Créateur et la création : comme lʼhomme pénètre la femme depuis lʼextérieur pour la rendre enceinte, Dieu a créé lʼunivers de lʼextérieur plutôt que de lui donner naissance de lʼintérieur.

Comme une femme ne peut sʼinséminer elle-même, lʼunivers nʼa pas pu se créer lui-même. Paul fait écho à cette idée en 1 Timothée 2.12-14, où il décrit lʼordre créationnel comme un modèle de lʼÉglise.

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Rappellons-nous que l’Evangile, nous offre l’image de la colombe pour figurer l’Esprit Saint: “L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »” (Luc 3, 22).

Tout est exprimé dans ce verset d’Evangile, la bienveillance du Père, son Esprit plane, déploie ses ailes au-dessus de Jésus et ses paroles nous disent qu’il est le bien-aimé, en lui est toute la joie du Père.

Et Jésus de même, évoquant l’attitude du Père envers son peuple, osera même dire, s’adressant à Jérusalem: “Combien de fois ai-je voulu rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses poussins sous ses ailes” (Luc 13, 34).

Cette affection véritable – qui ne voit que la beauté de ses petits – est bien féminine, comme celle de la mère qui ne se séparera jamais de son propre enfant, même si aux yeux de la société c’est un criminel. Pour elle, même adulte et coupable, il reste le fruit des ses entrailles, l’enfant bien-aimé.

Nous avons plus haut le commentaire de Rachi à propos de l’attitude de l’aigle qui approche du nid: il les a conduits avec miséricorde (רַחֲמִים raḫmim) et compassion (חֶמְלָה ḥemlah), comme un aigle qui est plein de miséricorde pour ses enfants (רַחֲמָנִי עַל בָּנָיו raḥmany al banayw).

Il emploie aussi les mots bibliques (רַחֲמִים raḥmim) et compassion (חֶמְלָה ḥemlah) qui nous disent l’attachement d’une mère qui porte ses enfants. Le mot raḥmim vient de reḥem, le ventre maternel, l’utérus et le mot ḥemlah de la racine ḥamal porter, qui, en arabe, sert aussi à dire la femme enceinte, qui porte, et se trouve dans la Bible pour dire la compassion.

Alors nous ne nous étonnerons pas si la Bible, à côté de l’autorité paternelle, introduit tout de suite en Dieu son affection maternelle.

Et nous retrouverons bien d’autres passages bibliques, comme celui du livre d’Isaïe ch.49, verset 15: “Une femme peut-elle oublier son nourrisson, ne plus avoir de tendresse (מֵרַחֵם meraḥem) pour le fils de ses entrailles ? Même si elle l’oubliait, moi, je ne t’oublierai pas” ou du psaume 27, verset 9: “Mon père et ma mère m’abandonnent; le Seigneur me reçoit.”

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commentaires

A
Les esprits n'ont point sexe, et Dieu est un pur esprit , la question ne se pose même pas, ce n'est que depuis ce vent de folie de transgenre de genré que tout devient sujet à interrogation . Il me semble que catholique ou autre religion ne devraient pas s'embarquer dans cet esprit du monde qui on le sait l'esprit du monde n'est pas celui de Dieu mais celui de satan..
Répondre
M
Vous avez raison mais dans le christianisme il y a néanmoins la notion de Père qui peut aujourd'hui interroger certains qui appréhendent Dieu avec le filtre psychologique de leurs sentiments sur le genre.