PENSEES DU STARETS SUR LES PLANTES ET LES ANIMAUX
Le bienheureux Starets a été pour nous un grand don reçu d’en haut, une rencontre exceptionnelle. C’est l’image parfaite du véritable chrétien qui nous frappait surtout en lui ; on pouvait voir en lui l’union étonnamment harmonieuse de dispositions apparemment incompatibles.
Ainsi, on trouvait en lui, d’une part, une grande compassion pour tout être vivant, pour toute créature, trait peu commun chez des hommes aussi virils que lui. Cette compassion prenait de telles proportions qu’elle pouvait facilement être prise pour une sensibilité pathologique.
Mais, par ailleurs, d’autres aspects de sa vie démontraient aussitôt que cette compassion n'était nullement un phénomène pathologique, mais bien l’expression d’une grandeur d’âme proprement surnaturelle et d’une bonté produite par la grâce.
Le Starets avait une attitude pleine de douceur, même pour les plantes. Il considérait tout geste brutal leur causant du dommage comme contraire à l’enseignement de la grâce.
Je me souviens qu’une fois je marchais avec lui sur le chemin menant du Monastère à la «kalyba» où j’ai vécu pendant un an. Cette « kalyba » se trouvait à la distance d’un kilomètre du Monastère. Le Starets venait voir mon habitation.
Nous avions à la main des cannes, comme c’est l’habitude dans les endroits montagneux. De part et d’autre du sentier poussaient quelques rares touffes de hautes herbes sauvages.
Voulant empêcher que le sentier ne soit envahi par ces herbes, je frappai avec ma canne le haut d’une tige pour empêcher les graines de se former. Ce geste parut brutal au Starets, et il hocha légèrement la tête avec étonnement. Je compris ce que cela voulait dire et me sentis pris de honte.
Le Starets disait que l’Esprit de Dieu enseigne de compatir à toute créature, si bien que, «sans nécessité», on ne désire pas faire de mal même aux feuilles d’un arbre.
« La feuille était verte sur l’arbre et tu l’as arrachée sans nécessité. Il est vrai que cela n’est pas un péché, mais le cœur qui a appris aimer compatit à toute créature, même à une petite feuille. »
Cette pitié pour la feuille verte d’un arbre ou pour la fleur des champs foulée aux pieds s’unissait en lui à une attitude parfaitement réaliste envers toute chose existant dans le monde.
En tant que chrétien, il était conscient que tout a été créé pour servir l’homme ; aussi, quand c’est « nécessaire », l’homme peut-il user de tout. Lui-même, il fauchait l’herbe, abattait des arbres, se préparait une provision de bois pour l’hiver, mangeait du poisson.
En lisant les écrits du Starets, il convient de prêter attention à ses pensées et à ses sentiments concernant les animaux.
Ici on est vraiment frappé par sa compassion à l’égard de toute créature ; on peut s’en Faire une idée en lisant le récit dans lequel il raconte combien longtemps il déplora « sa cruauté envers les êtres créés », pour avoir « sans nécessité » tué une mouche ou pour avoir versé de l’eau bouillante sur une chauve-souris qui s’était installée sur le balcon de son dépôt, ou encore « de quelle compassion il fut pris pour toute créature et pour tout être qui souffre », quand il vit sur un chemin un serpent coupé en morceaux.
Mais, d’autre part, son ardent élan vers Dieu le détachait de toute créature.
Il pensait que les animaux sont de la « terre » et que l’esprit de l’homme ne devrait pas s’y attacher, car il faut aimer Dieu de toute son intelligence, de tout son cœur, de toute sa force, c’est-à-dire de tout notre être, et en oubliant la terre.
On observe souvent que des gens s’attachent à des animaux, allant parfois jusqu’à avoir une « amitié » avec eux.
Le Starets estimait que c’est une perversion de l’ordre établi par Dieu et contraire à la condition normale de l’homme (Gen. 2,20).
Caresser un chat en disant « minet, minet », ou bien jouer et parler avec un chien en oubliant Dieu, ou bien encore se soucier des animaux au point d’oublier la souffrance du prochain, ou bien, à cause d’eux, se disputer avec les gens, tout cela était pour le Starets une violation des commandements divins qui, si on les observe fidèlement, conduisent l’homme à la perfection.
Dans tout le Nouveau Testament, nous ne trouvons aucun passage où il est dit que le Seigneur aurait arrêté son attention sur toute la création.
Parvenir à cette humanité parfaite, à l’image du Christ-Homme, est notre vocation, conformément à notre nature créée à l’image de Dieu. Aussi le starets considérait-il un attachement intérieur et une passion pour les animaux comme un abaissement de la condition humaine.
Voici et qu’il écrit à ce sujet :
« Certains s’attachent aux animaux, mais cela offense le Créateur car l’homme est appelé à vivre éternellement avec le Seigneur, régner, avec lui et n’aimer que Dieu seul. Il ne faut pas avoir d’attachement pour les animaux, mais il faut seulement avoir un cœur bienveillant pour toute créature... »
Il disait que tout a été créé pour servir l’homme ; aussi, en cas de besoin, peut-on user de tout ce qui est créé. Mais, en même temps, l’homme a le devoir de prendre soin de toute créature ; c’est pourquoi tout mal causé sans nécessité à un animal ou même à une plante contredit la loi de la grâce.
Mais tout attachement passionnel pour des animaux est, lui aussi, contraire aux commandements de Dieu, parce qu’il diminue l’amour envers Dieu et le prochain.
Celui qui aime vraiment les hommes et, dans ses prières, pleure pour le monde entier, ne peut pas s’attacher à des animaux.
DE LA BEAUTE DU MONDE
La beauté du monde visible transportait de joie l’âme du Starets. Il ne manifestait cette admiration ni par des attitudes ni par des gestes ; elle ne transparaissait que dans l’expression de son visage et l’intonation de sa voix. Cette discrète réserve ne faisait que souligner davantage l’authenticité d’une profonde émotion.
Toujours concentré sur sa vie intérieure, il ne regardait pas beaucoup le monde extérieur, mais quand son regard se tournait vers la beauté visible du monde, il y trouvait une nouvelle occasion de contempler la gloire divine et de tourner à nouveau son cœur vers Dieu.
A cet égard, il était comme un enfant : tout l’émerveillait. Dans ses écrits, il observe, très justement que l’homme qui a perdu la grâce ne sait pas percevoir la beauté du monde et que rien ne l’étonne.
Toute l’inexprimable splendeur de la création de Dieu ne le touche pas. En revanche, quand la grâce de Dieu est avec l’homme, tout ce qui existe dans le monde apporte à son âme un inconcevable émerveille- , nient, et, en contemplant la beauté visible, l’âme prend conscience de l’admirable présence de Dieu en toutes choses.
Avec un sens aigu de la beauté, le Starets regardait les nuages, la mer, les montagnes, les bois, les prés, un arbre isolé... Il disait que la gloire du Créateur resplendit même dans ce monde visible, mais contempler la gloire du Seigneur dans le Saint-Esprit, ajoutait-il, est une vision qui dépasse infiniment toute pensée humaine.
Observant un jour le jeu des nuages sur le ciel intensément bleu de Grèce, il dit :
« Je pense : comme notre Seigneur est plein de majesté ! Quelle beauté il a créée pour sa gloire, pour le bien de son peuple, afin que les peuples glorifient dans la joie leur Créateur... O Reine des Cieux, rends ton peuple digne de voir la gloire du Seigneur. »
Ainsi, après s’être laissé aller pour un bref instant à la contemplation de la beauté visible et de la gloire de Dieu qui s’y manifeste, il revenait aussitôt à la prière pour le monde.
Vie et enseignement du Starets Silouane
Père Sophrony
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