Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
28 novembre 2019 4 28 /11 /novembre /2019 23:55
Penser la mort pour vivre
Père Anselm Grün Moine et écrivain Le père Anselm Grün écrit depuis son abbaye en Bavière de petits livres qui aident des millions de lecteurs.

Ce week-end, nous célébrons la Toussaint, le 1er novembre, une fête catholique importante dont le sens est parfois oublié…

Anselm Grün : Nous ne sommes pas seuls, nous sommes portés par cette Église du ciel, nous rappelle la Toussaint. C’est vrai chaque jour, lorsque nous récitons le Notre Père : notre prière est enrichie par la vie des saints. Lorsque nous prions ces mots, nous prions comme des gens qui doutent, qui croient et qui sont regardés par Dieu. Et les saints se penchent vers nous, il y a un lien spirituel qui se crée. La prière des saints relie le ciel et la terre.

Et qui sont vos saints préférés ?

A. G. : Saint Benoît, bien sûr. Mais aussi Thérèse d’Avila, saint François, Edith Stein, saint Augustin…

Le lendemain de la Toussaint, l’Église nous invite à célébrer nos défunts. Est-ce l’occasion de réfléchir au sens de la vie, de la mort ?

A. G. : C’est essentiel. Penser à la mort nous rappelle que notre vie est limitée. C’est une invitation à vivre pleinement le moment présent. Je ne sais pas du tout combien de temps je vais vivre, mais je sais qu’aujourd’hui je suis vivant. Donc je vis, pleinement ! Si je considère ma mort, je peux vivre avec une grande liberté.

Mais cela fait peur de regarder la mort aujourd’hui…

A. G. : Dans les apophtegmes, ces petites histoires de sagesse que nous ont laissées les Pères du désert, un moine demande : « Pourquoi n’as-tu jamais peur ? » L’autre lui répond : « Parce que j’ai tous les joursla mort devant les yeux. » Aujourd’hui, il y a une tendance à vouloir tout contrôler, et la mort remet en question cette prétention. Il faut se poser la question : de quoi les hommes ont peur face à la mort ? Certains ont peur de perdre le contrôle de leur vie. D’autres, au soir de leur existence, ont peur de ne pas avoir eu une vie bonne, à l’image de ce qu’ils auraient aimé qu’elle soit. D’autres enfin ont peur de quitter leurs proches, et je comprends l’angoisse de la mère pour ses enfants… Il faut traverser ses peurs, parce que nous serons un jour confrontés à la mort.

Est-ce que l’ultime question serait ce qui nous attend « après la mort » ?

A. G. : Oui… (Silence.) Il faut croire ce que nous dit la Bible : nous serons auprès de Dieu, et toutes nos aspirations de plénitude seront comblées. Créés à l’image de Dieu, nous atteindrons alors l’être que nous devons devenir. Les artistes ont cherché à représenter la vie éternelle, ils montrent les défunts passant de l’autre côté du voile, plongeant dans l’amour divin. C’est notre espérance.

Est-ce plus facile pour les moines de croire ?

A. G. : Les moines aussi sont confrontés au doute ! Il ne faut pas en avoir peur : en doutant, j’avance dans ma quête… Croire, ce n’est pas savoir, c’est faire confiance. Le doute permet à la foi de rester vivante.

La vie monastique ne peut-elle pas se décliner d’une certaine manière dans la société d’aujourd’hui ?

A. G. : Les hommes et les femmes qui vivent dans le monde ne peuvent pas nous copier. Ils doivent trouver leur propre rythme. Nous avons tous besoin de rituel, par exemple prendre du temps pour soi.

Mais vous savez bien qu’il est difficile de s’arrêter : les sollicitations sont tellement nombreuses…

A. G. : Je connais aussi cela dans la vie monastique ! Il me faut faire les choses les unes après les autres, être là où je suis en ce moment, et pas ailleurs. C’est vrai pour les moines, pour les parents, les gens au travail, et même les enfants qui sont de plus en plus occupés. Il s’agit de vivre l’instant présent pour être acteur de ma vie.

Notre existence est parfois bousculée par le deuil, la maladie, l’épreuve…

A. G. : Mais la mort, la maladie font partie de la vie ! C’est vrai, il y a des choses que je ne peux pas décider, qui s’imposent à moi. Être en bonne santé est un cadeau, mais je ne peux pas le garantir. Que veut me dire la maladie ? Quel signe m’envoie-t-elle ? Je n’interroge pas le passé, mais la perspective, non pas la cause mais le but. Réfléchissant à ce qui m’arrive, je peux sentir une invitation à ralentir, à prendre du temps, peut-être transformer ma vie… Se transformer, ce n’est pas devenir un autre mais devenir de plus en plus moi-même. Face à cet événement qui survient et qui m’échappe, je reprends l’initiative : c’est à moi de décider.

Cette souffrance est souvent psychique, psychologique : c’est parfois une terrible épreuve.

A. G. : Beaucoup de personnes souffrent d’avoir trop d’attentes. Le stress, la dépression ont un sens. C’est souvent le désir de tout contrôler qui provoque le stress : or la vie est incontrôlable et imparfaite. Il y a effectivement des chrétiens qui prient Dieu en lui demandant d’être débarrassé rapidement de la peur, du mal-être. Dieu n’agit pas comme un prestidigitateur. Ma transformation viendra de la rencontre avec cette peur, cette dépression, et aussi de la rencontre avec Dieu dans la prière.

Vous nous invitez à vivre le temps présent : comment durer, dans la vie monastique mais aussi dans la vie affective, familiale, spirituelle ?

A. G. : La clôture du monastère est pour moi une protection. Quand je reviens à l’abbaye, je retrouve une vie bien rythmée. Si je répondais aux sollicitudes et aux demandes extérieures, je ne serais plus « aligné ».

Mais quels conseils pouvez-vous donner pour durer dans le monde ?

A. G. : Saint Benoît parle de stabilité, c’est même un des trois vœux bénédictins. Beaucoup de personnes aujourd’hui sont à la recherche de nouvelles expériences, en quête de quelque chose de nouveau, ils ne trouvent plus de vraie stabilité. Or, nous en avons besoin. Il faut qu’il y ait dans la vie des choses qui se répètent, et pendant ces activités banales, je peux réfléchir et finalement me ressourcer, me recentrer. J’ai été cellérier (économe du monastère) pendant trente-six ans durant lesquels j’ai fait la même chose chaque jour ! C’est aussi cela, durer : accepter de refaire ce que nous avons fait la veille.

Ces conseils, vous les présentez au travers vos très nombreux livres publiés depuis des années. Comment expliquez-vous votre succès ?

A. G. : J’utilise un langage simple, je ne moralise pas, je n’enseigne pas de haut en bas… En tout cas, c’est ce que j’essaie de faire : je décris la vie telle qu’elle est et formule quelques conseils. Les lecteurs sont en attente : je sens le désir de la foi et de la spiritualité dans l’humanité aujourd’hui. Et puis j’ai confiance dans mes lecteurs, je crois en eux. Ils ont en eux-mêmes cette nostalgie, ce désir de Dieu.

Recueilli par Christophe Henning
__________________________________
 

277163 234956736553388 1210667500 qSi vous souhaitez recevoir chaque jour un texte spirituel choisi par le diacre Marc abonnez-vous à son blog (et regardez votre dossier spam ou indésirable pour valider ensuite votre inscription envoyée par Feedburner) :

 

Enter your email address:

Delivered by FeedBurner

 

Partager cet article
Repost0

commentaires