Se débarrasser de la tentation. La question nous revient sans cesse, posée sous cent formes, vœux, souhaits, promesses, prières.
Les désirs humains sont ce qu’ils sont, tenaces, impitoyables, les bons comme les moins bons, et ce sont les pires, toujours, qui posent problème. Si l’on pouvait y voir plus clair avec eux…
Voici justement un tableau dont c’est le sujet. L’Apparition, de Gustave Moreau, le plus grand peintre symboliste français.
On en reconnaît vite la scène. Salomé, presque nue, couverte seulement de pierreries, danse dans un palais, le bras gauche levé en direction de la tête sanglante de Jean Baptiste, qui la regarde d’un œil calme au-delà de la mort.
Le mythe est extrait d’un épisode biblique, lui-même tiré d’un fondement historique bien connu que retracent les Évangiles de saint Matthieu et saint Marc.
L’œuvre représente Salomé qui envoûta par sa danse le gouverneur Hérode Antipas, l’époux de sa mère, Hérodiade.
Elle obtint ensuite en récompense la tête de Jean Baptiste.
Moreau illustre-t-il dans cette aquarelle la fin de la danse de Salomé ? La tête lui apparaît alors comme l’image même de son terrifiant désir.
Ou alors, est-ce plutôt une vision postérieure à la décapitation, une image du remords ?
Huysmans a fait une longue description du tableau dans son roman À rebours (1884), dont le héros est fasciné par l’image de la femme fatale effrayée par son acte : « D’un geste d’épouvante, Salomé repousse la terrifiante vision qui la cloue, immobile, sur les pointes ; ses yeux se dilatent, sa main étreint convulsivement sa gorge ».
L’image nous parle du désir et du mal.
Dans cet Orient rêvé et somptueux, il se dégage du tableau de la volupté et de la cruauté, du sublime et de l’horreur.
On perçoit le combat entre la femme et l’homme, entre le trivial et le sacré, entre la chair et l’esprit.
Qui est vainqueur ?
La réponse est dans la tête du saint, réplique de celle du Christ : mêmes cheveux longs, même barbe.
Le sacrifice de Jean Baptiste annonce la mort et la gloire du Christ, une ascension après le sacrifice.
Salomé symboliserait alors ici le monde païen vaincu. Nos démons terrassés.
Pascal DethurensProfesseur de littérature comparée à l’université de Strasbourg.
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