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16 février 2020 7 16 /02 /février /2020 23:55
Le théologien Bernard Sesboüé propose une fine relecture de l’histoire et du sens de ce sacrement.

Les sociologues le répètent, enquête après enquête, la crise du christianisme se caractérise en France par une désaffection profonde et désormais installée pour la messe. Mais comment avoir goût pour ce que l’on peine à comprendre, voire ce que l’on ne comprend plus du tout ?

C’est avec ce paysage en toile de fond que Bernard Sesboüé, jésuite, théologien aguerri, a rassemblé dans cet essai une présentation du mystère de l’eucharistie en ce qu’il a d’essentiel.

Sans méconnaître le détail des rites auxquels il accorde une juste importance, Bernard Sesboüé ne verse pas dans un ritualisme formel, qui risque toujours d’enfermer dans l’accessoire.

Au contraire, il replace l’eucharistie à sa juste place, majeure, celle de nouer le destin de l’homme à celui de Dieu et de construire l’Église.

« Si l’Église fait l’Eucharistie, l’Eucharistie fait l’Église », a écrit le père Henri de Lubac. Il insistait sur le fait que chaque célébration eucharistique a pour but de faire de l’assemblée présente le corps de l’Église qui constitue aussi le corps glorieux du Christ.

«Sacrement du sacrifice unique de Jésus», « sommet des sacrements », «mémorial» : ces synonymes de l’Eucharistie sont tour à tour présentés par Bernard Sesboüé, qui s’emploie à déjouer les fausses interprétations. Comme, par exemple, l’affirmation que l’Eucharistie serait une « répétition » de la croix.

« L’Eucharistie n’est en rien la “répétition” de la croix, dont le “une fois pour toutes” ne peut être répété (…) L’Eucharistie par contre est bien la “répétition” de la Cène», précise-t-il.

Tout au long de l’ouvrage, l’auteur nous fait bénéficier de sa grande connaissance des Écritures, de la tradition, mais aussi de l’histoire des Églises chrétiennes et du dialogue œcuménique, dont les avancées ont été l’occasion d’approfondir le sens de ce sacrement.

C’est certainement dans le chapitre consacré à la délicate question de la « présence réelle » que s’expriment le mieux sa finesse et son discernement théologiques.

Bernard Sesboüé commence par souligner l’importance des paroles de Jésus « Ceci est mon corps ; ceci est la coupe de mon sang», attestées dans les quatre versions de l’institution de l’Eucharistie présentes dans le Nouveau Testament.

« L’Eucharistie n’est donc plus une nourriture simplement humaine, elle est confectionnée par la toute-puissance de la parole de Dieu et elle comporte donc un élément proprement divin », souligne le théologien.

Les Pères de l’Église ne s’étaient guère posé de questions sur le « comment » de cette présence, mais nous avons hérité du Moyen Âge tout un langage philosophique, celui de la substance, qui nous est devenu obscur.

Avec pédagogie, Bernard Sesboüé en redonne le sens. Contre les lectures matérialiste ou physiciste, il rappelle que chez saint Thomas d’Aquin «la substance n’est pas le substrat, mais la raison d’être d’une chose et son sens».

« La substance, en tant que telle, n’est pas visible pour l’œil corporel, ni n’est sujet pour aucun sens (…) En conséquence, à parler de façon propre, le corps du Christ n’est perceptible que par le seul intellect, dit œil spirituel », écrit Thomas d’Aquin.

Si la présence du Christ est réelle – et non symbolique –, elle n’est ni géographique, ni physique, ni locale.

« Autrement dit, le corps du Christ n’est pas présent dans le tabernacle de la même manière que le ciboire y est présent », insiste Bernard Sesboüé.

Il signale tout autant la force de cette présence spirituelle, invitant à la considérer comme « une présence infiniment plus intime que la présence courante qui passe par nos corps non glorifiés».

Par-delà ces précisions importantes, Bernard Sesboüé veut tourner nos regards vers l’essentiel : « La visée de l’Eucharistie n’est pas le changement du pain et du vin (…) mais l’accès de toute l’assemblée au statut de corps du Christ par le don de l’Esprit», résume-t-il.

Cet aspect a été quelque peu oublié pendant le second millénaire. Retrouver cette visée de communion serait aujourd’hui salutaire.

Élodie Maurot

Comprendre l’Eucharistie

de Bernard Sesboüé

Salvator, 186 p., 18 €

 
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