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26 mai 2020 2 26 /05 /mai /2020 22:56
Comment le chrétien peut-il approfondir année après année sa vie intérieure ? La croissance spirituelle, du concours d’obstacles au chemin d’épanouissement.

« Qui n’avance pas recule », dit l’adage. Mais alors, dans la vie spirituelle, il nous faut croître si l’on ne veut pas régresser. Les sept demeures de la croissance spirituelle décrites par Thérèse d’Avila donnent le vertige… Faut-il, à la force du poignet, conquérir chaque étape qui nous rapproche de Dieu ?

Si croître spirituellement constitue un engagement de tout l’être, cette progression n’a pourtant rien à voir avec une performance. Et quand bien même nous serions lancés sur un chemin de sainteté, le pape François en donne une humble définition dans son exhortation apostolique Gaudete et exsultate (2018) : « Et parmi (les saints), il peut y avoir notre propre mère, une grand-mère ou d’autres personnes proches. Peut-être leur vie n’a-t-elle pas toujours été parfaite, mais, malgré des imperfections et des chutes, ils sont allés de l’avant et ils ont plu au Seigneur. »

« Il n’y a pas un chemin type, confirme le père Bruno Régent, jésuite, il y a mon chemin de vie. De là où je suis, quel est le pas que je peux faire aujourd’hui ? » Pas à pas, il est possible de progresser. Mais il n’y a guère d’étapes définitivement franchies. Plutôt que d’échelons à gravir, Bruno Régent préfère l’image de la spirale : « Je reviens au même endroit, mais avec un peu plus de profondeur. »

La croissance spirituelle, ce n’est pas réussir un examen de passage une fois pour toutes, mais avancer au jour le jour : « En dépit des épreuves de tous les jours, comment je fais pour être un vivant ? », insiste Bruno Régent. Autrement dit, comment se mettre à l’écoute de l’Esprit Saint qui nous libère de nos inquiétudes, de notre image, de la peur.

« La vie n’est pas une image mais un film, elle est mouvement, explique le père Michel Bacq. Croître spirituellement, c’est être en mouvement. » Certes, il y a des obstacles : « Nous ne maîtrisons pas nos pensées, poursuit le jésuite belge. Mais nous sommes libres de chasser les obstacles. Quelle est la voie qui va vers plus de vie ? » Et tout comme le sportif s’entraîne, nous pouvons nous exercer à accueillir la vie en nous : « Rappelons-nous le baptême de Jésus. Dieu nous dit aussi : ”Tu es mon fils, ma fille bien-aimé(e).” Nous avons des ressources humaines, spirituelles et divines auxquelles nous pouvons puiser mais nous n’osons pas trop y croire. »

« Pour qu’il y ait croissance, il faut se fixer un but, et ce but, c’est l’union à Dieu », estime le père René-Luc. Avec Mgr Pierre-Marie Carré, archevêque de Montpellier, le prêtre conférencier a fondé CapMissio en 2015, une maison qui accueille pendant un an dix jeunes en quête de sens : « Il s’agit de rencontrer Jésus, de l’aimer et le faire aimer. »

Mais le chemin est ardu : on n’attaque pas cette « ascension spirituelle » tout seul. « On n’invente pas le topoguide, d’autres nous ont précédés, comme les saints », explique le père René-Luc. L’accompagnement est comme la corde, solide et souple, pour que chaque jeune puisse progresser en toute sécurité. « Sans oublier de s’attacher aux pitons qui balisent la montée : la Bible, la prière, la messe, la confession, le souci des autres… »

Loin d’aspirer aux sommets, Geneviève Comeau décrit « la croissance spirituelle comme le passage progressif de l’idéal au réel ». Un véritable chemin pascal : « L’image que j’ai de moi-même, des autres, de l’Église, va tomber pour me permettre de consentir au réel. » Non pas pour « faire plaisir au bon Dieu » ou gagner des bons points, mais pour dégager en nous la source. « Consentir, c’est être sauvé », disait déjà saint Bernard de Clairvaux. C’est au prix de nos idéaux délaissés que nous pouvons accéder à la liberté intérieure, et ce n’est jamais tout à fait gagné : « Accepter nos pauvretés se demande dans la prière et nous demande aussi d’être vigilant », explique la religieuse xavière.

La croissance spirituelle se joue au plus intime de chaque être : il n’y a pas de modèle. « Croître, ce n’est certainement pas devenir un autre », insiste le père Raphaël Buyse qui rappelle cet échange entre Rilke et un jeune poète : « Est-ce que ce que j’écris est bon ? », s’inquiète Franz Kappus. « C’est une fausse question, répond Rilke, demandez-vous plutôt si vous pouvez vivre sans écrire. »

Pour le prêtre du diocèse de Lille, il en est de même dans la vie spirituelle : « La croissance spirituelle, c’est permettre à la personne de rejoindre son cœur le plus profond, ce sans quoi elle ne serait pas elle-même. » Le seul désir de Dieu, c’est que nous devenions ce que nous désirons être… Ce n’est pas si simple : « Il y a de la vase dans nos profondeurs, des tourbillons, des envies de surface qui gênent le forage vers notre désir intime… »

Loin d’être un chemin paisible, croître spirituellement vient décaper les couches superficielles pour accéder au cœur de l’homme. Cela passe par l’abandon de ses attaches, et c’est même une des toutes premières invitations de Dieu dans la Bible, quand il s’adresse à Abraham : « Va vers toi-même », selon la traduction d’André Chouraqui, au plus près du texte originel (Gn 12, 1). « Grandir spirituellement, c’est s’ajuster à soi-même et à Dieu en soi », résume le père Philippe Dautais, prêtre orthodoxe (lire ci-contre). Et c’est aussi vrai dans les épreuves, à l’image du combat de Jacob, qui se rend compte, au petit matin, que Dieu était présent. « C’est toujours émouvant quand une personne découvre la vie qui passe dans sa vie », confie Raphaël Buyse qui est aussi accompagnateur spirituel.

En fait, nous n’échappons pas au mouvement de vie : « C’est Dieu qui fait croître », souligne Dom Jean-Marc. Et l’ancien père abbé de l’abbaye trappiste d’Acey (Jura) fait remarquer que c’est une loi de la nature, « la croissance est un dynamisme à instaurer dans nos vies spirituelles ».

Mais attention : ce n’est pas l’accumulation mais davantage de dépouillement qui fait avancer : « Il nous faut nous défaire d’un certain nombre d’attaches pour permettre que la vie du Christ se déploie en nous. C’est un lent travail d’affinage, de purification. »

Paradoxalement, insiste le moine, « plus le Christ vit en nous, plus nous devenons nous-mêmes ». Comment le savoir ? Il n’y a pas de baromètre de la croissance spirituelle, pas de signe extérieur pour authentifier cette progression. Si ce n’est l’hymne à l’amour que saint Paul adresse aux Corinthiens : « Si je n’ai pas l’amour, je ne suis rien… » (1 Co 13).

Christophe Henning

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