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16 mai 2020 6 16 /05 /mai /2020 22:55

« Tout est signe. Certains événements ne semblent survenir que pour réveiller les cœurs endormis. Et comment ne pas rapprocher Notre-Dame de Paris, dont Viollet-le-Duc disait que si ses piliers “avaient une voix ils raconteraient toute l’histoire de France, de la Pucelle grâce à qui cette histoire avait pu s’écrire ? », souligne Pauline de Préval dans son beau livre consacré à la sainte (1).

Oui, tout est signe : que les deux aient été brûlées sans que leur cœur/chœur ne périsse.

Qu’on célèbre le centenaire de la canonisation de la Pucelle au moment où, enfin, l’espace public est rendu aux hommes…

Qu’on ait en France autant besoin d’Espoir qu’on en eût besoin il y a six siècles exactement, au temps de Jeanne.

Pauline de Préval a raison : Jeanne d’Arc se manifeste pour nous rappeler que « l’ardeur est le remède ». La formule est d’André Suarès. C’était en 1942.

L’écrivain évoquait la sainte et son oriflamme en des temps d’occupation d’un autre genre, porteuse d’une peste tout aussi contagieuse. L’écrivain priait alors que « nos cœurs soient de feu pour entretenir cette flamme immortelle ».

Aujourd’hui, notre ennemi est d’une tout autre nature, mais aussi déterminé à s’installer pour cent ans.

Dès lors, la tentation est grande de se résigner, d’afficher les couleurs du Grand Triste que déplorait, il y a six cents ans, Christine de Pizan, la poétesse qui fut la première à s’éjouir qu’une petite paysanne toute simple jugeât urgent de bouter l’envahisseur hors du royaume de France.

Que la Pucelle soit parvenue, déjà, à convaincre le roi relevait du prodige. Qu’elle ait animé les troupes au point qu’elles infligent leur première défaite aux Anglais depuis Azincourt surpassait l’exploit.

Mais qu’elle nous parle encore avec la même fraîcheur, comme de la pièce d’à côté, et qui fait son miracle, cela a un nom : la sainteté. Jeanne était sainte.

Entendons transparente, joyeuse et fidèle à sa vocation dictée du Ciel, faiseuse d’inespéré. « La lumière du sens humain, la santé, la gaieté, la prudence s’allient avec tant de force aux certitudes de la grâce dans cette pastourelle à cotte rouge qui ne sait ni a ni b, sinon, par don naturel, l’art militaire, que les croquants, le prince, les seigneurs, les femmes mêmes suivent l’étendard enchanté. » (Roger Judrin).

Ils n’ont jamais cessé : ses suiveurs se succèdent dans le temps, et bien au-delà des frontières. Giuseppe Verdi, parce qu’il était sensible au bruit des chaînes et au martyre des humiliés, a consacré un opéra à Jeanne d’Arc. 

« Mon meilleur opéra », ripostera-t-il quand la critique lui renverra la copie, ainsi que le rappelle Sylvain Fort dans la riche biographie (2) qu’il consacre au musicien italien : « Verdi est un compositeur pour notre temps », comme Jeanne est une sainte pour notre époque.

Des suiveurs encore : René Char, le poète-combattant du Maquis qui dira : « J’aurais bataillé avec cette jeune fille près d’elle, pour elle, car, en son temps, son action insurgée et mystique était totalement justifiée. » 

Et puis Péguy, Tchaïkovski, Honegger et jusqu’à Gérard Manset ou Christophe, le chanteur de tant de jeunesses qu’on pleura il y a peu. C’est lui qui compose et interprète la musique de Jeanne, le film de Bruno Dumont.

Sainte sans faillir : jusqu’au martyre, Jeanne portera sa vision d’un Royaume de Dieu possible sur cette terre, un royaume où s’exerceraient la Paix et la Justice du Christ, et vers quoi elle s’était élancée de toute son innocence, et pour lequel elle avait accepté de mourir. 

« Alouette » pour Anouilh, « Libellule de jardin » pour Bloy, « Jeanne qu’on brûla verte » pour René Char, elle est celle qui aujourd’hui, à son tour, nous fait entendre sa voix depuis le ciel, et elle sonne comme un cuivre clair et puissant.

Qu’importe que les Césars cherchent à la voler à Dieu, pour se draper d’elle ? « Ce qui importe, écrit encore Pauline de Préval, ce n’est pas ce qu’on en a fait, ni ce qu’elle a fait, mais ce qu’elle fait de nous. »

Sa voix nous intime de la suivre, elle, son exemple, son insolence et son si violent enthousiasme qu’il renversa le cours de l’histoire – il suffit d’écouter les réponses de son procès (« des chefs-d’œuvre », dira Jean Cocteau) pour s’en convaincre.

Rien d’extravagant dans cet appel : Des milliers de femmes, en France et dans le monde, ont déjà ressaisi l’étendard qu’elle avait brodé en lettres de soie : « Notre Seigneur Premier Servi. » 

Bergères, caissières, infirmières, enseignantes, « invisibles » et toujours, au cœur, les mères – chacune avec son courage, chacune à sa place, attentives à autrui et à ses fragilités.

Des hommes aussi, bien sûr, peut-être étonnés de découvrir que la plus redoutable, la plus efficace des armes dans ce combat, ne sera plus ni l’épée, ni l’atome, mais l’attention scrupuleuse à autrui, la volonté joyeuse, et la foi.

Christiane Rancé

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