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9 juin 2020 2 09 /06 /juin /2020 22:56
Mère Agnès de l'Eglise d'Antioche et l'iconographie byzantine
Mère Agnès Mariam est iconographe. Elle a appris les techniques anciennes de la peinture byzantine dans le monastère du Carmel de Harissa au Liban où elle a vécu pendant 21 ans. Dans cet article nous vous présentons comment elle a fait connaissance avec l'Église d'Antioche - l'Eglise mère des icônes arabes. Dans la deuxième partie de l'article, nous vous expliquerons l'origine de l'icône arabe, son style et sa signification.

La découverte de Mère Agnès de l'Eglise d'AntiochMère Agnès Mariam: "En 1983, un moine libanais visitait notre monastère [1]. Il portait une grande icône de la Vierge Marie (Notre-Dame d’Ilige - représenté ici sur la gauche), qui avait beaucoup souffert durant la guerre. Il nous a demandé de la restaurer. En travaillant l’icône, je remarquais qu’elle avait cinq couches sous-jacentes. Ces couches (la plus ancienne datant du 10ème siècle) étaient comme un résumé de toute l'histoire des chrétiens maronites du Moyen-Orient. Quand j'ai commencé à étudier les couches j’ai fait une découverte qui m'a choqué et qui a déterminé le restant de ma vie: la découverte de l'Eglise d'Antioche, ma propre Eglise dont j'ignorais l'importance! [2] C’est comme si quelqu'un parlait à un catholique au sujet de l'Eglise de Rome et qu’il répondrait: "Quoi, où est-ce? » J'ai été  bouleversée, comment était-ce possible que j’avais tout quitté pour le Christ en entrant au Carmel et que je ne connaissais pas ma propre Eglise? 

Je me suis rendue compte que les Chrétiens de cette région - le Liban, la Syrie, la Palestine, l’Irak et la Jordanie - sont appelés à une grande mission, mais la plupart l’ont oubliée. Les persécutions et l’attitude hostile envers les Chrétiens les ont plongés dans une fatigue. Aujourd’hui ils voient la vie dans le pays de leurs ancêtres plutôt comme une survie – à voir, une survie matérielle.

Tout commence avec l’identité culturelle pour un Chrétien. Lors de la Pentecôte l’Esprit Saint a confirmé cette identité. Les Apôtres, sur qui étaient descendues les langues de feu, ont commencé à proclamer les miracles de Dieu. Tous les présents entendaient le message du Salut dans leur propre langue! Cela démontre l’importance que le Saint-Esprit accorde à l’identité de chaque personne et de tous les peuples". 

Les icônes arabes

Ainsi, à travers l'iconographie, Mère Agnès-Mariam a découvert sa propre Eglise et l'importance de l'identité culturelle pour le Chrétien. C'est dans cette foulé qu'elle s'intéressa de plus en plus pour l'iconographie locale: les icônes melkites, appelées aussi arabo-chrétiennes ou tout simplement arabes. Elle organisa plusieurs expositions d'icônes arabes en Europe. En octobre 2002, s'ouvrit au Musée d'icônes de Frankfort l'exposition La splendeur de l'Orient chrétien qui connut un grand succès. en mai 2003, les mêmes icônes et objets liturgiques, augmentés d'une trentaine de manuscrits arabes, syriaques et karshouni (l'arabe écrit en lettres syriaques), furent produits dans les salles prestigieuses de l'Institut du monde arabe à Paris, sous le titre Icônes arabes, art chrétien du Levant. En octobre 2004, un nombre réduit de ces mêmes icônes mais complétées par d'autres productions du même style et des œuvres coptes, faisait l'objet  d'une nouvelle exposition, sous le titre Des mains de votre servante, au musée de Frankfort à l'occasion de la Foire internationale du livre, dédiée à la civilisation arabe.

Vu l'intérêt pour les icônes arabes en occident Mère Agnès-Mariam a écrit un livre illustré avec des exemples des plus prestigieux icônes melkites, sous le titre : Icônes arabes - mystères d'Orient. Dans ce qui suit nous vous partageons quelques aperçues de l'introduction.

Itinéraire de l'art chrétien primitif

C'est en Orient que naît l'icône. là où nait la lumière. Son parcours est celui de la Révélation judéo-chrétienne qui affirme que Dieu est Lumière et qu'Il a été vu parmi les hommes. Le judéo-christianisme n'a pas craint d'emprunter aux civilisations voisines, les enrichant de sa vision du sacré. 

Les premières représentations chrétiennes datant des persécutions (IIème-IIIème siècles), nous touchent par la céleste onction dans laquelle elles baignent: les figures du Bon Pasteur ou de la Mère de Dieu.  Il faudra attendre l'édit de Milan (313) avec la liberté de culte octroyée par l'empereur Constantin pour que l'Eglise et, avec elle, l'art sacré figuratif, se manifestent au grand jour. Grâce aux magnificences de l'Empereur et de sa mère, sainte Hélène, des basiliques sont construites à Rome, en Palestine et dans toute la chrétienté. Des mosaïques étincelantes ornent l'intérieur des monuments sacrés. Ethérie s'écrira dans son Journal de voyage: "Et que dire de la décoration des édifices que Constantin, sous la surveillance dès sa mère, employant toutes les ressources de son empire, o ornés d'or, de mosaïques, de marbres précieux" [3]

Cet art "royal" s'avéra être d'une étonnante maturité. C'est à cette époque que sont fixées la plupart des fêtes principales du calendrier liturgique avec les compositions iconographiques qui leur correspondent. On se limita pas, en effet, à contempler les magnifiques mosaïques dans les basiliques et les églises, on chercha à les vénérer dans l'espace domestique. C'est ainsi que l'icône portative est venue combler le désir de l'homme de transporter et de garder chez lui la représentation du divin, à l'instar des autels domestiques érigés en l'honneur de l'Empereur dans les dernières années de Rome. Les différentes écoles d'iconographie se développèrent suivant la propagation de l'Evangile dans les différentes cultures mais aussi suivant les vicissitudes historiques. 

Fondements traditionnels de l'iconographie

L'art sacré monothéiste trouva dans le christianisme l'humus qui le fera fructifier avec les justificatifs nécessaires à son existence. Si toute figuration était prohibée dans l'Ancien Testament, la réalité de l'Incarnation divine rendit l'expression iconographique non seulement légitime mais nécessaire, car voulue par Dieu. 

Lorsque l'iconographe veut peindre une icône, il est d'usage qu'il récite une prière [4] où il mentionne deux événements primordiaux rapportés par la tradition et qui sont comme les éléments fondateurs de l'iconographie chrétienne: l'histoire de la première icône du Christ "non faite de main d'homme" - le mandylion - et celle de la Mère de Dieu, peinte par l'apôtre saint Luc.

 

[1] Le monastère carmélite de Harissa à Beyrouth (Liban) où elle résidait.

 

[2] Mère Agnès-Mariam était Carmélite dans le Carmel du Théotokos de Harissa, Beyrouth. Ce monastère a adopté le rite byzantin par amour pour l'unité tout en gardant sa propre tradition latine carmélite. Ainsi Mère Agnès-Mariam ignorait en grande partie l'importance du patriarcat d'Antioche et son histoire.

 

[3] Journal de voyage, sources chrétiennes, p. 205

 

[4] "Seigneur Jésus-Christ qui êtes infini dans votre divinité, qui dans la plénitude du temps avez bien voulu naître de la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, revêtant ainsi la nature humaine d'une manière qui dépasse tout entendement. Vous qui avez imprimé les traits de votre visage sur le saint suaire et avez apporté ainsi au roi Abgar la guérison. Vous qui, par votre très Saint Esprit, avez illuminé votre saint apôtre et Evangéliste Luc afin qu'il puisse reproduire la beauté de votre Mère vous portant enfant entre ses bras. Maître sain de l'univers, illuminez, éclairez, fortifiez l'âme, le cœur et l'esprit de votre serviteur, dirigez sa main afin que pour votre gloire et la magnificence de votre sainte Eglise, il puisse représenter de manière digne et parfaite votre image sainte, celles de votre mère toute pure et de tous les saints. Faites qu'il soit à l'abri des tentations du démon par l'intercession de votre mère toute pure, du saint apôtre et Evangéliste Luc et de tous les saints."

 

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