Aborder ce mot avec un esprit d’escalier, voilà qui fait sourire et invite à la légèreté, pourquoi pas ! Il y a toutes sortes d’escalier, les somptueux et les bancales, comme les humains en somme.
Pas de grandes demeures, celles d’autrefois, châteaux ou édifices de pouvoir sans escaliers larges aux volutes élégantes. Monter l’escalier rapprochait du prince, impressionnait les petits et rehaussait les courtisans.
Escaliers royaux, escaliers républicains, grand escalier de l’Opéra avec ses gardes républicains en tenue de soldats de plomb, armée d’opérette ravie de siéger à l’Opéra, promotion réjouissante.
Escaliers de marbre, brillants comme l’ivoire trop longtemps caressé, escaliers des fastes de l’histoire que ses acteurs n’ont pu user.
Escaliers de pierre, plus tendres, aux marches incurvées par un nombre incalculables de pas, souvent théâtres de duels sans paroles où ne résonnait que le cliquetis des épées.
L’avantage revenait à celui qui se trouvait sur plus haute marche que l’adversaire, domination précaire. Marches profondes en pentes douces, montées sans efforts par les dames relevant délicatement crinoline fleurie.
Escaliers en colimaçon des tours à portes secrètes, ou encore des échafauds pour dernière ascension.
Mais quittons les escaliers à aristocratiques souvenirs, pour ceux des faux semblants, ceux du théâtre. Là on ne monte pas, on descend. L’ai-je bien descendu, clamait Mistinguett en années folles, revêtue de strass et de falbalas emplumés. Escalier décor, face au tombeau qui s’ouvre pour Don Juan refusé du ciel auquel il n‘a pas droit.
Escaliers de service pour le petit peuple au service des grands. Rengaine des pas lourds, il faut monter, descendre, en lente routine, esprit ailleurs. On s’est fâché avec l’escalier moderne des grands ensembles, alors le génie humain a inventé l’ascenseur pour lui faire la nique.
Escalier de la cave, celui-là est plus intime, en bois brut dans les demeures campagnardes, penché comme s’il allait tomber sous le poids des ans, mais ne rompant jamais, fidèle aux aïeux, à leurs héritiers et aux enfants menacés d’y descendre s’ils n’étaient pas sages.
Il est aussi l’escalier gourmand des grands-parents, où se rangeaient les pommes de terre et celles des pommiers, en tas bien alignés pour survivre tout l’hiver.
Il menait à la réserve de bois et de briquettes pour que chaleur dure pendant les frimas. Signe d’aisance, les bonnes bouteilles couvertes de poussière attendaient de revenir à la surface les jours de fête carillonnées.
Avec l’esprit d’escalier, le passé et le présent se racontent ainsi dans le désordre, au gré des souvenirs et des caprices de chacun. Mais notre vie n’est-elle pas aussi une sorte d’escalier ?
Ses marches se gravissent de l’enfance jusqu’à l’âge avancé. Escalier parfois muni de rambardes rassurantes, parfois à nu pouvant donner vertige dangereux.
Il se monte avec plus ou moins de fougue ou de peine mais ne permet pas de retour. A chacun son escalier. Heureusement, il y a des passerelles pour en changer et s’élever sur d’autres envolées avec larges vues sur l’horizon.
Tout escalier peut ainsi devenir échelle de Jacob.
Hélène Lenattier
Nancy - Vocation tardive. Sur les bancs de la fac, à 60 ans
Elle aurait dû être mère au foyer, comme la plupart des femmes de sa génération. Nantie de son bac, obtenu en 1947, Hélène Sicard-Lenattier a intégré l'entreprise familiale de pièces pour...
https://www.estrepublicain.fr/edition-de-nancy-ville/2018/09/03/sur-les-bancs-de-la-fac-a-60-ans
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