Chers amis,
Durant ce mois d'octobre, nous fêtons une grande sainte qui a joué un rôle important dans la création de Béthanie. Je veux parler de sainte Thérèse d'Avila. Certes, elle n'est pas cataloguée « orthodoxe », mais la sainteté dépasse les catégories ecclésiales. Le véritable œcuménisme n'est-il pas celui des saints ? Elle est la grande réformatrice de la tradition du Carmel.
Elle a retrouvé la tradition des pères du désert et cette tradition unit l'occident et l'orient, le premier et le second testament. Tout repose en fait chez sainte Thérèse sur un seul mot : Amour. Elle s'est entièrement donnée à « Sa Majesté », c'est ainsi qu'elle parlait de Dieu, et elle a redonné le sens de la véritable prière, cette intimité avec son Seigneur.
Dans le souffle et la vigilance, assise sur un petit banc, elle retrouve un art de méditer avec son corps, ré-enracinée dans la terre, du fait de la posture même. « Méditer, disait sainte Thérèse, c'est réunir Marthe et Marie en un seul être, et que l'amour soit partout présent et pas seulement dans le temps de Marie, mais aussi dans le temps de Marthe. »
Tout cela pour dire que l'amour est une pratique permanente et que celui qui s'exerce à aimer est un pratiquant. La valeur de nos actes ne se mesure pas à leur rendement ou à leur efficacité seulement, mais la valeur se mesure à l'amour qu'ils contiennent. Nous serons jugés seulement sur l'amour, et le jugement : c'est la croix, l'amour inconditionnel, l'Agapè.
A travers tout donc, il n'y a qu'une direction à tenir : aimer, c 'est à dire être présent, adhérer à la vie à l'instant. Accueillir cette vie, la mienne, ici et maintenant : « à bras le corps » comme le répétait souvent le père Alphonse. Quelle est la Vie de ta vie dans cette vie qui se déroule du matin au soir ? Comment mettre de « l'être » dans le « faire » ?
L'amour n'est pas seulement un sentiment, un trémolo au cœur. L'amour est une énergie qui se manifeste dans une qualité de présence...une attention bienveillante ! Dans la présence et le geste conscient, je célèbre une Présence qui m'habite et qui se révèle à moi essentiellement dans « un murmure subtil et doux », comme nous le précisent les écritures saintes : Silence, Paix, Joie qui ne sont pas de ce monde et qui se révèlent à celui qui s'ouvre à la Vie de sa vie.
Alors, nous dit sainte Thérèse, dans cette « intention » profonde, cette orientation de notre volonté unit à la volonté du Père qui habite dans tout mon être, je puis commencer à accepter ce qui arrive dans ma vie existentielle comme faisant partie du plan divin auquel je suis associé avec toute la création qui comme moi bien souvent « gémit » dans l'attente de La rencontre avec son Seigneur.
Cette rencontre, est-il besoin de le préciser, peut se faire et devrait se faire « ici et maintenant » C'est l'expérience du « numineux », expérience qui peut se faire au cœur de la nature (qui est une deuxième Bible disent les Pères.), dans la rencontre amoureuse également, puisqu'on peut aimer « à perdre la raison » (comme le dit si bien le poète Aragon), dans l'expression artistique ou encore dans la participation à un rituel sacré comme la liturgie.
Si je m'exerce à recevoir de plus en plus toute chose comme venant de l'Amour, et même les plus inattendues, alors peut naître en moi ce désir de laisser monter du fond de mon cœur cette prière de sainte Thérèse : « A tout, je dis oui ! » L'exercice du « oui », du « amen » à la volonté de Dieu, s'exprime aussi bien quand je suis Marthe que lorsque je suis Marie. Il n'y a pas de moments particuliers pour s'exercer, car la pratique, c'est « l'intensité de la vigilance permanente. » A chaque instant, je suis « en travail » !
Il ne s'agit pas de résignation, comme on pourrait quelquefois le penser, mais bien au contraire d'une synergie d'action qui est, comme dit saint Paul : « Le bon combat. » Cet engagement dans la bataille de la vigilance est rempli de souffrances, de déceptions et de chutes, (je cite ici Graf Dürckheim), mais il est aussi rempli de victoires, si petites soient-elles, et qui à chaque instant peuvent nous remettre en selle, comme le boxeur assis sur son banc, et qui récupère entre deux rounds !
La vigilance, l'attention bienveillante, sont des activités à risque car elles nous obligent à sortir de notre zone de confort. Cette zone de confort s'appelle : « la vie ordinaire » où tout est aplati sur l'horizontalité existentielle. « Nos inquiétudes, nos souffrances, viennent de ce que nous ne nous comprenons plus nous-même » dit Thérèse : Nous ne savons plus qui nous sommes, et pourquoi nous sommes là. « Oh, Seigneur ! Prenez en compte tout ce que nous endurons sur ce chemin, par manque de connaissance ! » ajoute-t-elle.
La connaissance, dont il est question ici, n'est pas le savoir, mais une communion qui se réalise dans le silence de l'oraison, silence de l'esprit en nous, le noûs, même si, au demeurant, notre âme est agitée par de multiples pensées et émotions en tout genre. « De même que nous ne pouvons pas arrêter le mouvement du ciel qui file à toute allure », dit Thérèse, « nous ne pouvons pas davantage fixer notre pensée ... nous nous croyons perdues et pensons mal employer le temps que nous passons en présence de Dieu.
Or, peut-être que l'esprit est tout uni à Lui, présent dans les demeures toutes proches, tandis que notre pensée, restée aux abords du château, souffre au milieu de mille bêtes féroces et venimeuses, et progresse grâce à ce qu'elle endure. Voilà qui ne doit pas nous troubler, ni nous inciter à abandonner car c'est ce à quoi nous pousse le démon. La plupart du temps, toutes nos inquiétudes et nos peines viennent de ce que nous ne nous comprenons pas nous-même. » Le Château intérieur, quatrièmes demeures.
La première « invitation » ou le premier appel lancé par Dieu à l'homme concerne l'écoute : « Shema Israël. » ... Entends Israël ! ... La perception précède la compréhension. Je ne peux pas comprendre qui je suis, je ne peux que le sentir ! Le grand drame de notre monde est que l'homme devient de plus en plus sourd et aveugle à tout ce qui ne tombe pas sous ses sens ordinaires. Ses facultés de compréhension de la vie intérieure sont mises à mal par le surdéveloppement de l'intelligence rationnelle.
Il en résulte une sorte de durcissement du point de vue profane, on dirait aujourd'hui un « formatage », et un éloignement des évidences spirituelles intérieures. Notre conscience profonde, essentielle, est en veilleuse. Elle étouffe dans la dispersion généralisée de notre société de consommation. Consommer pour maintenir la croissance n'est pas un but dans la vie particulièrement exaltant !
Béatitude ! Royauté ! Gloire ! Voilà ce à quoi nous sommes invités dans la vie en Christ. Béatitude dans la jouissance de Sa présence, Royauté dans l'intégrité de l'homme uni à Dieu et Gloire dans le rayonnement de Sa présence en tout temps et en tout lieu. La conquête de cette triade nécessite de mener « le bon combat ». Le projet de Dieu, c'est l'homme accompli.
Chasteté ! Obéissance ! Pauvreté !… trois vertus d'abnégation qui rétablissent l'équilibre spirituel dans le cœur de l'homme… A première vue, ça ne motive pas vraiment ! Notre égo bien aimé recherche avant tout l'immédiateté de la jouissance, de la possession et de la puissance !
La première attitude est de se placer en silence face à Dieu, et de voir en vérité où nous en sommes, car c'est Lui qui nous guide et qui nous éclaire.
Vous me direz sans doute, que vous ne pouvez pas passer votre journée en silence face à Dieu ! Vous avez tout à fait raison : il y a Marthe et Marie...
Sainte Thérèse le précise avec force dans ses lettres : « Point n'est besoin de beaucoup de temps au début : », mais ces quelques minutes (disons cinq minutes pour le débutant ! ) , si elles sont prises au sérieux, comme les cinq minutes essentielles de ma journée, peuvent mettre le feu aux épines qui étouffent notre cœur. Une étincelle suffit pour « allumer le feu ! ».....
Je vous dis toute mon amitié en Christ !
Père Francis
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