« Le Seigneur m'a dit : tu es mon fils, aujourd'hui je t'engendre. »
Chers amis,
« Le Verbe s'est fait chair : Il a habité parmi nous ». L'Amour a pris un visage et ce visage est celui du Christ, visage qui transparaît dans chaque visage humain qui s'ouvre à l'Esprit. Oui « Dieu est amour » dit saint Jean, c'est son être. Nous sommes créés à son image pour devenir Amour. C'est un devenir qui implique que nous ne sommes pas devenus.
Dieu nous a donné l'intelligence, la volonté et le sentiment, c'est à dire cette capacité humaine à apprendre à aimer. Ce qui implique celle d'apprendre à haïr. Le sens du vrai implique forcément le sens du mensonge, comme le sens du beau implique le sens du laid, le sens du salut implique le sens du péché : nous vivons dans un monde d'oppositions et de contrastes. Nul ne peut vénérer s'il ne lui est pas donné la possibilité de mépriser. Nous marchons constamment sur une ligne de crête.
Le monde de l'âme est un monde très riche et très complexe, et en particulier le monde émotionnel. Pour certains, il semble encore quelquefois, que le monde émotionnel ne soit pas compatible avec une vie spirituelle faite de quiétude et de sommets contemplatifs à faire rêver saint Thérèse d'Avila elle-même ! Il faudrait donc, au nom de la vie spirituelle elle-même, supprimer l'émotion qui, comme la foule dans la chanson d'Edith Piaf, nous roule et nous emporte Dieu sait où !
Là encore il s'agit d'expérimenter. Peu à peu on se rend compte, en pratiquant la méditation en particulier, que l'état méditatif est au fond assez indépendant de la présence ou de l'absence d'un élément émotionnel. Je sais bien que le mot émotionnel a mauvaise presse quand l'émotion détermine la pensée, ou la crée en quelque sorte mais il arrive aussi que l'émotion souligne et précise une pensée juste. Cette émotion a alors un caractère numineux et ouvre l'espace intérieur.
Durant notre vie, cette expérience de l'émotion « numineuse » est loin d'être anodine. Elle exhale un parfum qui ne trompe pas. Elle peut aussi « renverser les tables des vendeurs et des marchands de colombes » de notre temple intérieur. La colère du Christ devant le commerce institué dans « une maison de prière », c'est-à-dire dans notre propre cœur, est un enseignement bien plus puissant que tous les discours théologiques sur le respect des lieux sacrés !
La colère du Christ démontre concrètement aux marchands l'étendue de leur faute, elle rend visible une dimension qui autrement serait restée confinée et anodine. Le fait, pour le Christ, d'agir avec colère, démontre une fois de plus que la « juste punition » ne traumatise personne mais a un effet « révélateur » qui apprend existentiellement quelque chose que l'on apprendrait pas si cette réaction n'avait pas lieu.
Aucun homme ne progresse sans épreuve. L'intuition que toute « résistance » est une occasion d'avancer, nous permet de traverser la vie sans être constamment accablé par le destin. Il va de soi aussi que l'émotion de l'homme spirituel est différente de celle de l'homme profane ; le terme même de « sainte colère » que l'on emploie en parlant du Christ, indique qu'il y a chez le premier un élément sanctifiant qui manque chez le second, à savoir une sérénité sous-jacente qui prolonge et révèle « l'homme intérieur » ou « l'être essentiel », qui ne saurait être perturbé par le monde de « l'homme extérieur » ou « moi existentiel. »
Tout le « travail » de la méditation consiste à vivre les émotions qui se présentent à partir de son être essentiel qui est synonyme d'impassibilité contemplative, et non contrairement à lui. L'homme profane s'enferme totalement dans sa colère et cela dans la mesure même où l'événement déclencheur lui semble injuste ou disproportionné. Peu à peu, cependant, par la pratique spirituelle, la prise de recul nécessaire devient possible et l'expérience qui en résulte nous délivre de la division intérieure qui dilapide notre énergie vitale.
Dans l'émotion de l'homme spirituel, le « centre immobile » demeure de plus en plus présent et accessible. L'esprit reste plus lucide. Oui, dans un chemin spirituel, il y a de l'émotionnel et de la vitalité. Le facteur psychique, donc subjectif, accompagne toujours la pensée aussi objective soit-elle, et ce facteur psychique qui peu à peu s'impose à nous est le reflet de l'intention créatrice qui nous détermine à devenir ce que nous sommes ; d'où l'importance du calme et de l'écoute : « Aujourd'hui je t'engendre. »
L'image de Dieu s'impose à notre conscience dans un murmure doux et subtil... Cette expérience opère en nous une dilatation : l'âme sensible se joint à l'esprit discernant pour des noces de la vérité et de l'amour dans le cœur de l'homme. La naissance du Christ ouvre totalement les portes de cet engendrement à la vie nouvelle, celle à laquelle toutes et tous aspirent du plus profond d'eux-mêmes.
« Ta naissance Ô Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de la connaissance (co-naissance) » (Tropaire de la Nativité)
Puisse la grâce de Noël remplir nos cœurs de cette paix que nous sommes et que le Christ nous offre par son incarnation maintenant et toujours et dans les siècles des siècles. Amen !
Je vous dis toute mon amitié en Christ !
Père Francis
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BETHANIE, Prieuré Notre-Dame et St-Thiébault, 57680 GORZE
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