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13 décembre 2020 7 13 /12 /décembre /2020 20:30

Si Dieu est mort, notre mort conduisant au néant ne peut être qu’un échec. Ainsi devient-elle l’ennemi public numéro un et doit-elle être combattue « quoi qu’il en coûte ».

Cette mort nue ne va-t-elle pas vider notre vie de tout sens ? Par ailleurs, sommes-nous, en notre for intérieur, bien certains du bien-fondé de notre définition de la vie pour vouloir la préserver, la sauver quel qu’en soit le prix à payer ?

Cette interrogation s’est invitée dans notre débat national ces dernières semaines : la sécurité sanitaire jusqu’où ?

Avons-nous aussi pris toute la mesure des réflexions faites à l’occasion des révisions des lois de bioéthique, ou des débats de drames surmédiatisés de fin de vie ?

Ces différentes lois veulent lutter contre cet « acharnement thérapeutique » qui fait fi de la complexité d’une vie.

À l’instar de « l’acharnement thérapeutique », ne pourrions-nous pas aussi parler « d’acharnement préventif » ? Mais où positionner le curseur pour éviter cette dérive précautionneuse ?

Portée par cette ambiance « scientiste » affirmant « l’avenir radieux » de la toute-puissance « économico-techno-scientifique » de l’homme libéré de Dieu, l’OMS a pu proposer en 1946 une définition de la santé globalisante comme un « état complet de bien-être » dans toutes ses dimensions.

Ainsi, par un autre chemin, nous arrivons à la sacralisation de la santé. Graal absolu, notre bonne santé n’est-elle pas devenue notre ligne d’horizon sociétale ?

Notre vie est réduite à sa biologie pour la sauver par des normes en excès, des traitements protocolisés rejetant plus loin le soin, entendez le prendre-soin.

Ainsi la santé surnormée a été vidée de sa dimension existentielle, spirituelle.

Pour soigner cette vie nue, pour une santé augmentée, la médecine peut ne plus s’embarrasser de son socle anthropologique, seule suffit la science pour justification.

Les « soins palliatifs » ne sont pas exempts de cette dérive ambiante.

Ils doivent être extrêmement vigilants pour éviter l’écueil de tout raisonnement normé ne pouvant aboutir qu’à des soins protocolisés.

Ils doivent garantir cet espace ultime d’humanité, de liberté, donc de responsabilité. La dignité de notre société est à ce prix.

Nos élites politiques, administratives, financières, gestionnaires ou juridiques aspirent à se simplifier la tâche et, si possible, la rentabiliser.

Dans une « société liquide », jugée par le chiffre, la médecine, les soins produits ne peuvent être considérés que comme une industrie. Le non chiffrable est inutile.

Ainsi, la dimension anthropologique du soin n’est plus qu’une cerise sur le gâteau. Tous n’ont pas la même vie sacralisée. Nous sommes devant une sanctuarisation à géométrie variable. Toutes nos « santés » ne se valent pas. Nos dignités respectives ne tiennent pas le même rang ; il est fonction de nos potentiels.

Dans notre « société liquide », nos vies sont hiérarchisées par la puissance de notre « égoïsme rationnel » justifiant la mort silencieuse de l’inopportun, de « l’a-digne ».

Le cortège des « laissés-pour-compte » ne cesse de s’allonger pour notre consommation la plus joyeuse. Mais l’éternelle insatisfaction de notre « avoir » creuse la vacuité simpliste de notre « être ».

En conclusion, la question posée par T. S. Eliot : « Où est la vie que nous avons perdue en vivant ? »

Bertrand Galichon

Président du Centre catholique des médecins français, CCMF ; praticien hospitalier à l’hôpital Lariboisière

 
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