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21 janvier 2021 4 21 /01 /janvier /2021 20:30

Résolution de nouvelle année : ne pas me cacher systématiquement derrière l’étymologie du mot que j’aurai choisi pour vous parler du monde, de nos défis et de la façon dont Dieu s’y mêle.

D’abord l’étymologie est parfois trompeuse. Connaître, par exemple, ce n’est pas « co-naître », ce n’est pas « naître-avec ». Ce serait vraiment beau.

Cela voudrait dire que le savant doit sympathiser avec l’objet de sa recherche, sous peine de passer à côté de lui. Connaître, ce serait naître au monde.

Trop beau pour être vrai. « Connaître » s’enracine dans nosco, et non dans nasci. Nosco qui, de son côté, et contrairement à ce que j’ai longtemps cru, n’a pas engendré, au moyen d’un « i » privatif, « innocence ».

L’innocence aurait été le dépouillement des savoirs qui nous encombrent : des mains pleines de tout ce que l’on ignore encore ou que l’on consent à ne jamais connaître.

L’innocence serait une docte ignorance, celle qui affilie « nativité » à « naïveté ». Or, plus trivialement, l’innocence est le fait de n’être pas nuisible : in-nocere.

Ce qu’il y a d’ennuyeux avec l’étymologie, ce n’est toutefois pas qu’elle soit parfois erronée. Voyager dans les mots, même quand c’est seulement pour y rêver, est toujours dépaysant. La racine d’un mot se justifie aussi par ce qu’elle nourrit, bien au-delà d’elle.

Ce qui est gênant, c’est au contraire quand elle est trop entendue.

Ainsi du mot « bénédiction ».

Bénir, tout le monde le sait, et tout prêcheur a un jour voulu épater la galerie en le rappelant, c’est dire du bien : bene-dicere.

Ça va certes mieux en le disant : il est toujours heureux qu’un mot soit rendu à son éclat premier. Il est heureux que derrière le mot, on entende le sacrement – et derrière le sacrement, l’acte tout simple de dire du bien.

Cela étant dit, que dire de plus ? Ceci, qui m’est apparu dans une sorte d’illumination philosophique.

Bénir, me suis-je dit, c’est convertir la contingence en nécessité.

Définition de philosophe, qui vous ferait presque regretter les poncifs étymologiques.

On nomme « contingent » ce qui aurait pu ne pas être. Vous et moi sommes contingents : votre père tombait malade le jour où il devait tomber amoureux de votre mère et jamais elle ne tombait enceinte de vous.

On dira « nécessaire », au contraire, ce qui ne peut pas ne pas être. Deux joints à deux ne peuvent pas ne pas faire quatre. Qu’est-ce, dès lors, que convertir la contingence en nécessité ?

C’est dire, d’une vie dont on sait qu’elle aurait pu ne pas être, qu’il est désormais impensable qu’elle ne soit pas.

Au début de la Genèse, Dieu, en le bénissant, rend nécessaire ce monde qu’Il posait librement dans l’être.

L’enfant, nous le savons, aurait pu ne pas être. Certains parents, acculés par la vie et ses conditions matérielles, se disent parfois qu’il aurait dû ne pas être.

Mais dès qu’une parole se penche sur le berceau et murmure que, à tout prendre, il est bon ce jour où il vit le jour, alors, sans que rien de nouveau n’ait lieu, tout a changé.

Car tout est confirmé. L’homme, conscient de sa contingence, mendie la confirmation amoureuse par laquelle il lui sera dispensé d’avoir sans cesse à justifier son existence.

À bien y regarder, d’ailleurs, la puissance de Dieu n’est pas de faire en sorte que n’arrive que ce qui lui agrée – mais de bénir même, et surtout, ce qu’Il n’avait pas prévu.

De bénir ces pécheurs qui l’importunent jusqu’à ce qu’Il fasse tomber sur leur vie Sa parole de vie.

Bénir, c’est redire avec Dieu : Que cela soit !

Martin Steffens 

Auteur de Marcher la nuit. Textes de patience et de résistance, Desclée de Brouwer, 320 p., 18,90 €.

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