Le texte que nous venons d’entendre est une splendeur de vie ordinaire. Les apôtres travaillent, ils lavent leurs filets, ils ont passé la nuit à la pêche. Rien de plus commun et la seule question qui se pose alors à nous, c’est de savoir en quoi je suis concerné(e). C’était il y a deux mille ans et si la Parole est de Dieu, alors c’est de moi qu’il s’agit.
Jésus descend non pas dans la barque de Pierre il y a deux mille ans, il descend dans ma barque.
Je vous ai invité à mettre votre prénom à la place des prénoms bibliques. Il descend dans ma barque : la barque – nous le savons depuis l’Arche de Noé – c’est mon intériorité.
Quand Noé est descendu dans l’Arche et qu’il a emmené tous ces animaux ( vous vous en souvenez), ce sont les énergies puissantes qui sont en nous, quand nous sommes dépendants de toutes nos passions ; il a fallu les dompter, se purifier, et étant purs, le Messie peut alors descendre en personne. Il respecte nos dépendances. Tant que nous avons d’autres dieux et que nous sommes idolâtres, Il nous respecte totalement.
Mais il y a une chose qui est sûre, c’est qu’Il ne vient pas en nombre avec tous ces dieux là, que nous alimentons, dans lesquels nous cherchons nos plaisirs et dont nous devenons finalement les esclaves. Il respecte cela totalement du moment que cela est notre chemin et notre petite volonté propre.
Mais pour un homme qui a traçé son intention, qui a une direction, qui a un chemin et donc une profondeur, Il y descend.
Le Christ m’habite, c’est le mouvement même de l’incarnation. Il est descendu dans mon intériorité, dans ma barque et je suis un être habité.
C’est sa croix et sa résurrection qui m’ont libéré, définitivement. Je suis purifié de tous les faux dieux. Il ne tient qu’à moi de faire le choix.
Et qu’est ce qui se passe quand le Christ est dans cette barque, quand Il est dans ma profondeur intérieure ?
Le texte dit : « Il prend le large face à la terre et il enseigne. »
Dès que nous sommes conscients de cette présence inouïe au fond de nous et que nous avons avec elle une relation vivante, alors nous percevons l’enseignement.
Je ne fais pas de métaphore, c’est une réalité, c’est révélé dans la Bible elle-même :
Dieu me parle, mais qui écoute ?
Il s’agit de percevoir cette présence et d’accueillir l’enseignement pour peu qu’on prenne la distance vis à vis du rivage où il y a la turbulence de la vie extérieure.
Et quel est cet enseignement que je perçois au fond de moi ?
Le Christ dit à Pierre, c’est-à-dire à toi, à moi :
« Avance en eaux profondes » c’est superbe !
Avancer, c’est quoi ? c’est quitter.
Cette parole qu’Il a déjà dite à Abraham
« Abraham , quitte la terre dans laquelle tu t’es installé indûment, qui est devenue ta propriété, ton dieu, quitte, avance (où ça ? ) en eaux profondes.
L’eau – nous le savons depuis toujours – elle est la matrice, c’est d’elle que toute vie est sortie. Elle a trois caractéristiques essentielles :
- c’est d’être source de vie
- moyen de purification (dans toutes les traditions)
- enfin centre de régénérescence
Ce sont les grands attributs du Messie et dans la profondeur de ces eaux, Il est là.
C’est le lieu du poisson, on ne pêche pas à la surface.
Le lieu du poisson et le poisson sont le symbole du Christ – ictus – ce sont les syllabes de Jésus Christ. Il est le poisson. Il est la profondeur habitée de moi-même et si je prête écoute, alors je suis constamment vivifié par sa source, je suis constamment purifié.
Je n’ai pas à faire l’ascèse des Stoïciens ; c’est Lui, sa présence, qui me purifie et je suis constamment restauré, ici et maintenant.
Et les eaux profondes, c’est la haute mer, c’est-à-dire qu’on quitte la surface agitée des choses, celle où au quotidien – comme dit Saint Pierre admirablement
« Seigneur, nous avons peiné toute la nuit et nous n’avons rien attrapé »
La surface extérieure, agitée, sans le Christ, c’est le vide. Il n’y a aucun fruit – on ne porte rien – c’est le néant et de surcroît, c’est la nuit.
On a beau peiner, il n’y a rien au bout et nous vivons cela souvent –
Combien nos travaux nous paraissent vides de sens parce que, hors de Lui (comme Il le dira ailleurs), « vous ne pouvez rien faire ».
Mais alors Pierre a une réponse de foi extraordinaire. Il dit :
« Sur Ta parole, je vais jeter les filets. »
Eux qui ont peiné toute la nuit, ce sont des hommes de métier, ils connaissent depuis des décennies le métier. Ils connaissent le lac par cœur. C’est leur milieu de vie et voilà que cet homme Jésus, qui est jeune, qui n’a jamais été pêcheur, qui ne connaît pas leur métier.
Il leur dit : « malgré cette longue nuit, jetez les filets »
Et Pierre qui va jeter les filets, ça veut dire que au lieu de construire, comme nous le faisons si souvent, sur nos réflexions psychiques, techniques mêmes, sur nos émotions ( parce que nous vivons selon nos émotions ), nous sommes ballotés par notre âme et ses états continuels – et bien, on peut construire sa vie sur la Parole – sur Ta parole, je vais jeter les filets – C’est inouï ! et ça c’est une trame de toute la Bible – depuis Abraham qui était un homme de la Parole jusqu’à Marie qui dira :
« Qu’il me soit fait, selon ta Parole » et je crois que la grande conversion de celui qui se dit chrétien et qui passe de la religion vide à la présence de Quelqu’un, c’est celui qui construit désormais sa vie sur la Parole.
Ca suppose qu’il la fréquente, qu’elle devienne sa nourriture quotidienne, qu’il en soit le familier pour qu’il puisse construire là dessus – ce dont notre esprit est habité et non plus les émotions de notre âme. Tout l’enjeu est là.
Et quand on construit sa vie sur la Parole de Dieu, on est en eaux profondes.
La haute mer ressemble au désert. C’est table rase de tout le reste. On ne voit plus que l’horizon, il n’y a plus rien d’autre. On ne peut s’attacher qu’à la profondeur et quand on a ses racines dans la profondeur, la surface porte ses fruits.
Les filets sont tellement remplis qu’ils n’arrivent même plus à sortir ; alors il faut faire appel aux autres, alors c’est la naissance de l’amour. C’est l’aide et le service de l’autre. C’est magnifique !
Donc cette attitude nous fait porter des fruits comme dira le Christ à cent pour un.
Et étant habités par cette réalité, nous serons comme Il dit « des pêcheurs d’hommes » c’est-à-dire « des vrais témoins », ces témoins vers lesquels le monde actuel en détresse crie, parce qu’ils manquent tellement – ces hommes rayonnant de présence – ces porteurs de paix, de joie et d’amour et c’est pour cela que nous quittons tout.
C’est la dernière phrase de l’Evangile.
Pour faire cela, nous quittons tout pour le suivre.
Cette admirable finale « Ils quittèrent tout pour le suivre »
Sans quitter notre maison ou notre travail, nos meubles qui nous entourent, nous nous détachons, comme on détache la barque du rivage pour jeter l’ancre dans ses profondeurs et alors, pour ne vivre que par Lui, pour Lui et en Lui, à cause de la Parole.
C’est une merveille que chacun peut commencer ici et maintenant.
Au Seigneur soit la Gloire, la Puissance aux siècles des siècles.
Amen
Père Alphonse Goettmann
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