Et si nos insomnies étaient des prières qui s'ignorent ?
Si Balzac disait qu'une nuit d'amour, c'est un livre perdu, je dirais qu'une nuit d'insomnie est un livre, sinon gagné, du moins mûri. Mûri en silence.
L'insomnie est comme une prière.
On veille sur la maison qui dort.
On veille les morts qu'on n'a pas su pleurer.
On contemple ces fenêtres lointaines, allumées elles aussi, parce qu'on n'est jamais seuls à se sentir si seuls.
La confrérie des insomniaques garde un œil ouvert.
Telle une Communion des Saints, version laïque. Les heures qu'on égrène font d'invisibles chapelets.
Comme si cette impossibilité de dormir cachait un rendez-vous.
Il s'en passe des choses à trois heures du matin, les mains jointes au-dessus d'un café.
Cette pensée que nos insomnies sont des prières qui s'ignorent me donne parfois assez de paix pour me détendre.
Le sommeil, peu à peu, revient.
Mais l'heure a tourné. J'entends le chant des premiers oiseaux.
La journée promet d'être longue.
Mais elle nous a, dans ce temps volé au jour, promis bien d'autres choses encore."
Martin Steffens, philosophe délicieux, dans Marcher la nuit.Textes de patience et de résistance.