Elle s'appelle Soeur Marie Bernard. Sa jolie tête est maintenue dans une sorte de bonnet blanc moulant, augmenté d'une collerette. Le tout forme une guimpe mais dans une version fort simple, qu'elle a copiée sur une copine bénédictine il y a plus de quarante ans. À l'annulaire, son alliance signifie que le Christ est son époux.
Depuis les années 1970, Sœur Marie Bernard vit seule, ce qu’on fait de plus seule, à l’écart du village de Torgny, aux confins de la Belgique, de la France et du Luxembourg. Elle ne vit point cloîtrée, comme d’autres sœurs, mais dans une petite chapelle de neuf mètres carrés, au milieu des chats qui, dit-elle, la “squattent”. Son lit est à côté d’une grande cheminée et d’un poêle à bois.
Le gaz, j’ai essayé, mais c’est trop coûteux… Le bois c’est magnifique, hein. Surtout qu’on me le fournit ici, c’est tout à fait et local.
Originaire de Liège, Marie-Bernard est issue d’une famille modeste et très religieuse : son père, dit-elle, “a fait des miracles.” Elle est la dernière d’une fratrie de huit enfants.
Je suis la seule qui n’a pas fait d’études dans la famille, parce que je ne voulais pas dire que je voulais entrer au couvent. Je me vantais de dire que je voulais me marier très tôt. Alors, un jour, mon père m’a dit : “écoute, si tu veux te marier jeune, est-ce qu’avant tu ne peux pas aider tes frères pour travailler ?”
Dès l’âge de 16 ans, la future dominicaine travaille dans le secteur des assurances et du bâtiment. Redoutant la réaction de ses parents, elle demande à l’abbé de l’aider dans l’annonce de son vœu religieux. D'abord réticent, son père accepte finalement. Alors, en 1942, la jeune femme entre au couvent :
Si ça avait été à cette époque [2014], je leur aurais dit : “au revoir !” et je serais partie ! [rires]
Sœur Marie Bernard commence sa carrière religieuse en tant que missionnaire. Elle a notamment voyagé en Afrique pendant quinze ans, notamment dans le service médical. Comme elle le dit avec ironie : “j’ai fait le bouche-trous”. Dans les années 1960, elle explore ainsi le monde, apprend à conduire, et visite les villages de lépreux au volant de sa Jeep.
Elle revient en Belgique en 1973-1974 avant de s’installer dans sa petite chapelle. Si elle vit seule, la dominicaine n’est jamais cloîtrée : elle reçoit notamment Olivier, qui vient régulièrement la visiter.
Les ermites sont les héritiers du Pères du désert. Quand on reçoit, on sort ce qu’on a de mieux. Donc n’essayez pas d’avoir plus, c’est ce qu’il y a de mieux !
J’avais envie de vivre seule avec Dieu. Cela m’a pris longtemps pour me libérer. J’avais 53 ans quand je suis arrivée. Mais j’ai eu ce désir depuis mes 7 ou 8 ans. Comme je me suis un peu entêtée, j’ai réussi. Mais ce n’était pas évident : les lois de l’Eglise à l’époque (et encore aujourd’hui) ont été faites par des hommes, c’est-à-dire qu’une femme n’était pas capable de vivre toute seule…
Vivre en ermite, ce n'est pas mener une vie plate. Chaque soir, la sœur prend une cuillère de cognac pour bien digérer. Elle raconte, par ailleurs, ce qu’on pourrait appeler sa “première cuite”. C’était un 1er juillet, quand la chaleur sévissait :
On s’est installé, et cette bière était fraîche… Je me la suis enfilée d’un coup ! Qu’elle était bonne ! Heureusement, j’étais assise. Alors, je ne bois pas beaucoup… Mais elle était bonne, c’est vrai ! Ce n’était pas mon unique expérience avec l’alcool, mais je suis prudente !
Depuis les débuts de son érémitisme, la sœur a appris à tisser et lire. Depuis les années 1960, elle lit et relit son livre fétiche, la “charpente de sa vie spirituelle” : le livre de Job. Dans un autre registre, elle est aussi friande de BD, à condition qu’elles soient intelligentes :
Je lis Tintin, Black & Mortimer, des histoires comme ça, quoi. Des gens biens !
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