Le président, qui se targue d’avoir travaillé durant ses études avec Paul Ricœur, a annoncé récemment de telles platitudes sur ce qu’il dénomme la liberté qu’on se demande ce qu’il a retiré de la fréquentation du philosophe.
En effet, on a eu droit à « ma liberté s’arrête là où… » blablabla. Une liberté chétive et insipide, si terre à terre, qui se réduit à un permis de circuler en respectant les feux rouges et les passages (naguère) cloutés.
Il est vrai que le chef de l’Etat se trouve actuellement en vacances, au soleil de la Méditerranée, dans le très confortable Fort de Brégançon qui ne ressemble en rien au Fort Bastiani où se tenait, debout, ferme et vigilant, le jeune Drogo face au désert des Tartares. Il est vrai aussi que la twittomanie et l’instagramite aiguë ne favorise guère une réflexion sereine ni une pensée profonde. Mais, tout de même servir aux français des formules si éculées témoigne d’un relâchement certain, et estival, dans le maniement des concepts.
Je repense au portrait officiel, minutieusement mis en scène par l’impétrant, où le président posait, on s’en souvient, avec deux livres sur son bureau : d’un côté, les Mémoires de guerre du Général de Gaulle, de l’autre, les nourritures terrestres de Gide. Un « en même temps » plutôt stupéfiant. André Gide, certes prix Nobel de littérature, mais qu’on ne lit plus, et triste pédophile, invitant son Nathanaël aux voluptés charnelles, aux multiples plaisirs et richesses qu’offre le monde, sans souci du lendemain ni d’autrui. Un bien douteux épicurisme s’avérant égocentrique et cynique.
Et face à Gide un géant qui a marqué l’Histoire en y œuvrant avec grandeur et hardiesse ; qui a su rassembler des hommes et des femmes afin de défendre l’honneur et la liberté de la France et a, en effet, avec le soutien des Alliés libéré notre patrie de l’occupation nazie.
Pour de Gaulle, la liberté n’est pas un vain mot, elle est une valeur transcendante pour laquelle, à travers siècles, de nombreux hommes se sont battus et ont donné leur vie. En chaque être humain, le goût, l’amour de la liberté signe la dignité véritable de celui qui désire s’arracher à tous les déterminismes, aux limites de la condition mortelle, aux passions qui l’asservissent, aux lois iniques qui veulent l’écraser.
Pour Emmanuel Macron, ce qu’il nomme la liberté est à ce point dévalué (j’emploie à dessein un terme financier à l’usage de l’ex-employé de la Banque Rothschild, plutôt que l’adjectif « dévalorisé » qui eût convenu) qu’elle se réduit à une attestation de déplacement (dûment remplie), aux mirifiques « gestes barrières » (parce que ma liberté s’arrête, etc.), et que désormais, elle se voit garantie par un « pass sanitaire ».
Ici s’impose la puissante parole de Jésus, consignée dans l’évangile de Jean : « La vérité vous rendra libre. ». Mais, laïcisme oblige, entraînant le reniement des racines chrétiennes de la France, il faut effacer cette référence.
Je me tournerai donc vers St Exupéry (non, il n’est pas canonisé), affirmant dans Citadelle : « je ne connais qu’une liberté qui est exercice de l’âme.»
Dès lors, pour étoffer les arguments de notre président, je suggère quelques grands écrivains et philosophes, ainsi que diverses citations de haute tenue. Puisant dans Platon, Thucydide, Sénèque, Péguy, Bernanos, Malraux, ce bref florilège :
« Placez le bonheur dans la liberté, la liberté dans la vaillance » (c’est le grand Périclès qui s’adresse aux athéniens au Vème siècle avant J- C.)
« Ce n’est pas des richesses que vient la vertu, mais c’est de la vertu que viennent les richesses et tous les autres biens, pour les particuliers comme pour l’Etat » (Socrate)
« Le sage pense toujours à ce que vaut la vie et non à ce qu’elle dure. » (Sénèque et son ami Lucilius)
« Sommes-nous chargés d’être des vainqueurs, ou d’être des nobles. Et de maintenir dans le monde un certain niveau de noblesse » (inoubliable Note conjointe, laissée inachevée par la mort de Péguy, en 1914, aux champs d’honneur.)
« L’homme ne devient homme que dans la poursuite de sa part la plus haute » (Malraux)
« La pire menace pour la liberté n’est pas que l’on se la laisse prendre, c’est qu’on désapprenne à l’aimer, ou qu’on ne la comprenne plus. » (Bernanos, en janvier 1947)
Pour terminer, je rappellerai aux frénétiques usagers des réseaux sociaux le jeu de mot en latin, très prisé des Humanistes : le livre (liber) rend libre (liber). Car la vertu et la culture s’allient pour permettre en chacun l’essor de la liberté.
Jacqueline KELEN Ecrivain
Lundi 9 août 2021
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