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28 septembre 2021 2 28 /09 /septembre /2021 19:30

Quel étrange destin a connu cette icône unique…

Peinte il y a cinq siècles par un moine russe vivant dans un pays déchiré, en l’honneur d’un autre moine, grand saint fondateur fasciné par ce mystère de l’Unité des Trois (Serge de Radonège), qui effectivement sera à l’origine de l’unification de son pays…

Et aujourd’hui, cette image extraordinaire se diffuse dans notre monde occidental, rongé par l’individualisme et d’exclusion. Elle nous redit que l’un n’est pas l’opposé du multiple, puisque notre Dieu est relation, relation d’amour infinie.

Que personne ne peut vivre pour soi-même. Que l’autre n’est jamais un concurrent à éliminer, mais une richesse extraordinaire, qui me permet d’être ce que je suis au plus profond de moi. 

Elle nous rappelle aussi que nous sommes invités à vivre de la vie divine, qui n’est qu’un éternel échange d’amour. 
 
Trois anges, à la fois très semblables et pourtant chacun unique.

Leurs visages sont semblables, chacun porte une couleur « commune » (le bleu, symbole de la divinité), et une couleur « personnelle ». Ils sont assis autour d’une petite table, et  se regardent. Ils portent des sandales aux pieds et tiennent un bâton à la main. Ce sont des voyageurs.

Image issue d’une longue interprétation de l’hospitalité d’Abraham (Gn 18), ces trois anges furent assez vite compris comme une image symbolique de la Trinité.

Le génie d’André Roublev a été d’identifier les trois personnes divines, en les différenciant.

Mais il l’a fait en s’appuyant sur la longue Tradition de l’Eglise,  transmise tant par l’iconographie que la  liturgie. 

Parce qu’une icône n’est pas, elle non plus,  une œuvre « individuelle ». Elle est le fruit certes unique de la contemplation et du talent personnel du peintre, mais elle est aussi enracinée dans l’expérience de l’Eglise toute entière, dont l’iconographe est nourri, et en retour donnée pour elle, en témoignage du salut proclamé à la face du monde. 

C’est la raison pour laquelle,  on ne peut interpréter cette icône de n’importe quelle façon, mais que l’on se doit de la « lire », comme toute icône d’ailleurs, à la lumière de la Tradition.

Dans une première approche, au-delà de l’unité que forment manifestement ces trois anges, on peut distinguer une sorte de « hiérarchie », que l’on peut percevoir tant par leurs postures que par leurs regards.

L’ange de gauche se tient droit et la place qu’il occupe est traditionnellement la place d’honneur : à droite de la table (là où est assis le Christ sur l’icône de la Cène).

Vers lui se tournent les deux autres anges et convergent leurs regards. Les éléments qui les accompagnent accentuent cet effet : la maison (droite) fait face à l’arbre et au rocher inclinés vers elle.

De même, le bâton que tient cet ange est vertical, alors que ceux des autres anges sont de plus en plus penchés. Il y a un mouvement qui est ainsi amorcé de la gauche vers la droite.   

Cet ange de gauche porte néanmoins les vêtements dont les couleurs sont les plus discrètes (couleurs d’aurore…), et bénit tout aussi discrètement, la main droite posée sur son genou.

Comme l’ange de droite, il n’est présenté que de trois-quarts.

L’ange de gauche donne ainsi une certaine impression d’effacement, surtout vis à vis de l’ange central, dont le bras droit à la manche gonflée, épouse l’espace en «creux » formé par la silhouette du premier. 

Autorité et effacement en même temps. Le Père, origine et source de tout, qui se donne éternellement, « en se retirant », au Fils comme à l’Esprit. 

La maison au-dessus de lui pourrait être une référence au Temple, ou mieux, à « la maison du Père, qui compte de nombreuses demeures » (cf Jn 14,2).  

L’ange de droite,  porte un manteau vert sur sa tunique bleue (le vert, couleur de la vie, de la renaissance ; en Occident, couleur du temps  « ordinaire », qui est le prolongement de la Pentecôte).

Il est incliné vers l’ange de gauche dans un mouvement plein de grâce et de simplicité (le même que celui de la Vierge de l’Annonciation sur de nombreuses icônes), mouvement accentué par la forme du rocher qui le surplombe (rocher, montagne : lieu privilégié de toutes les théophanies…).

L’Esprit qui donne vie, qui « couve » pour faire grandir toute vie.

A eux deux, ils « doublent » la forme du calice posé sur la table en entourant l’ange central. 

Ce dernier porte une tunique rouge à clavus jaune, sous un manteau bleu : ce sont les couleurs traditionnelles du Christ.

Il est assis quasiment de face derrière la table-autel. Il a la tête tournée vers l’ange de gauche, tout en ayant le buste légèrement orienté vers celui de droite. Le Fils «qui est tourné vers le sein du Père, lui qui l’a fait connaître  » (cf Jn 1,18) .

C’est lui dont les couleurs sont les plus intenses, et qui occupe le plus d’espace sur l’icône. Comme dans les « symboles » des Apôtres ou de Nicée, dont l’icône reprend d’ailleurs l’ordre de présentation, de gauche à droite: le Père, le Fils et l’Esprit.

Le Fils est celui des trois qui s’est « montré » aux hommes, celui que l’on « connaît » le mieux. La couleur bleue est du reste celle de son manteau, alors que dans le cas des deux autres anges, le bleu est la couleur de leur tunique. 

 Il bénit la coupe contenant la tête d’un taureau (dernier rappel du « veau gras » de l’hospitalité d’Abraham), mais le mouvement de son bras et de sa main semble aussi désigner l’ange de droite.

En bénissant la coupe, il atteste qu’il est lui-même le sacrifice offert pour le salut du monde. Par son abaissement et sa mort sur la croix, ce nouvel arbre de la vie devant lequel il se détache, il peut envoyer l’Esprit consolateur qui  « achève toute sanctification » (cf  Jn 16,7-15).

C’est pourquoi l’icône de la Trinité est une image de la Pentecôte : envoi de l’Esprit-Saint et révélation définitive de la Trinité, au moment de la descente de la troisième Personne divine.

Le Père est donc à l’origine du mouvement qui vient vers nous et nous relève ; le Fils, par sa mort et sa Résurrection nous ouvre le Royaume, qui est participation à la vie de Dieu dans l’Esprit-Saint : 

« A ceci nous connaissons que nous demeurons en lui et lui en nous : il nous a donné de son Esprit. Et nous, nous avons contemplé et nous attestons que le Père a envoyé son Fils comme Sauveur du monde. » (Jn 4, 13-14)  

Gloire au Père et au Fils et au Saint-Esprit
Maintenant et pour les siècles des siècles, amen !

Agnès Glichitch

Iconographe

Un autre texte sur l'icône de Roublev à télécharger

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