« Ce sont les violents qui s'emparent du Royaume »
En face de Dieu, le patriarche Jacob ne fut-il pas un de ces violents dont parle le Christ ?
Lutteur intrépide, il se montra « fort contre Dieu et l’emporta » (Gn 32.29) comme l’atteste l’Ecriture. Il lutta avec Dieu jusqu’au matin ; il retint avec force et obstination celui qui lui demandait de le lâcher : « Je 11e te lâcherai pas, dit-il, que tu ne m’aies béni ! » (Gn 32.26) .
J’affirme qu’il lutta avec Dieu, car Dieu se trouvait dans l’ange avec lequel il luttait.
Autrement, l’ange lui aurait-il dit :
« Pourquoi me demander mon nom ? Il est mystérieux ! » Et Jacob, de lui-même, aurait-il déclaré : « J’ ai vu le Seigneur face-à-face » (Gn 32.30) ?
Salutaire violence qui extorqua la bénédiction ! Heureuse lutte où Dieu plia devant l’homme, où le vaincu fit don à son vainqueur de la grâce d’une bénédiction et l’honora d’un nom plus saint !
Qu’importe si, en lui touchant la cuisse, il en a desséché le nerf ? Qu’importe s’il a rendu boiteux son adversaire ? Préjudice corporel qu’on supporte facilement, dommage dont on se console aisément, quand il est compensé par un si grand bienfait !
Frère, n’as-tu pas l’impression de lutter avec l’ange ou, pour mieux
dire, de lutter avec Dieu lui-même, lorsque chaque jour, il se met en travers de tes désirs les plus fougueux ?
Tu cries vers lui et il ne t’écoute pas ! Tu veux t’approcher de lui, et il te repousse ! Tu décides quelque chose, et il fait arriver le contraire ! Ainsi, sur presque tous les plans, d’une main rude il te combat.
O Seigneur, clémence déguisée, qui simules la dureté, avec quelle tendresse tu combats ceux pour qui tu combats ! Tu as beau « le cacher dans ton cœur » (Jb 10.13) , « je sais bien que tu aimes ceux qui t’aiment. » (Pr 8.17) Sans limites est « l’abondance de la bonté que tu tiens en réserve pour ceux qui te craignent. » ( Ps 31.20)
Alors, frère, ne désespère pas ; agis courageusement, toi qui as entrepris de lutter avec Dieu !
A vrai dire, il apprécie que tu lui fasses violence ; il désire que tu l’emportes sur lui . Même quand il est irrité et qu’il étend le bras pour frapper, il cherche, comme il l’avoue lui-même, un homme semblable à Moïse qui sache lui résister.
S'il n'en trouve pas, il se plaint et dit : « Il n’y a personne pour se dresser et me retenir ! » (Es 64.6 Vulgate)
Pas de danger pour vous, frères. Pas de danger qu’il se montre fort contre vous, lui qui, pour vous, a voulu se rendre faible jusqu’à en mourir !
Guérric d'Igny
in Deuxième sermon pour la naissance de Saint Jean Baptiste, n° l-3, Sources
Chrétiennes 166, Cerf, Paris, 1970.
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