Comme à l'accoutumée, l'ermite était arrivée, à la tombée de la nuit, sur le parking de la grande surface où elle faisait ses courses. Elle avait ouvert le hayon de sa fourgonnette pour en faire descendre son grand chien et lui faire faire la promenade. C'était souvent l'occasion d'un petit attroupement, tellement le molosse était beau à voir dans l'affection touchante qu'il lui manifestait.
Ce jour-là, avant qu'elle ait pu attacher la laisse au collier, le chien lui faussa compagnie. Inquiète, elle courut après lui en l'appelant : « Berger ! Berger! »
Mais, sans se retourner, il trotta, droit devant, jusqu'à une ombre assise sur le muret qui fermait le parking. En s'approchant, elle vit un homme grand, maigre, vêtu de gris sombre. Seule tâche de lumière, son visage d'icône, posé sur une écharpe qu'on distinguait à peine de la longue barbe qui la recouvrait.
Le chien, frétillant de bonheur, s'était assis et léchait les longues mains blanches de l'homme dont les yeux brillaient de tendresse. Les grands doigts le caressaient autour des yeux, puis allaient se glisser sous les oreilles. En réponse, de petits jappements de bonheur fêtaient l'inconnu.
Puis Berger s'installa face à la foule intriguée qui s'assemblait. Posé majestueusement sur son séant, il ressemblait au berger, à l'entrée des crèches de notre enfance, saluant de sa tête articulée ceux qui, par dévotion, mettaient quelque pièce dans le tronc.
Les gens s'animaient : « Alors ma petite dame, il ne vous obéit pas beaucoup votre Berger ! Etes-vous sûre que ce soit vous, la maitresse ? » Mais elle, n'avait plus d' yeux que pour l'homme. - « Vous aimez les bêtes... », lui dit-elle.
- « Oh Oui, madame ! Depuis que je suis enfant" Il avait parlé avec un fort accent qui semblait venir de Roumanie, ou d'un de ces vieux pays à la frontière du monde latin et de l'orthodoxie. Il se mit à tousser...
« Eh bien mon brave ! , risqua une voix au premier rang des badauds, gagnée par la beauté de la scène, ou la maigreur du visage, vous n 'avez pas l'air d'avoir chaud ! ». - On dirait qu'il n 'a pas mangé depuis trois jours », renchérit une deuxième. - Cela va faire aujourd'hui huit jours, madame » répondit l'homme, comme absorbé par une autre pensée. Le chien fit entendre un long gémissement...
C'est alors que se produisit le miracle. Les gens commencèrent à sortir de leur sac ou de leur poche, des pièces, puis des billets. Il les recevait dans sa main ouverte, tandis que l'autre caressait l'échine. Il ne fermait même pas la main, et les billets tombaient par terre : on eu dit qu'il recevait tout cet argent d'un autre, qu'il contemplait dans sa vision. Et c'est le chien qui disait merci.
L'ermite regardait ce visage et comprenait à présent pourquoi Berger avait voulu cette rencontre : c'était pour elle comme des retrouvailles. Dans un monde où elle était si seule, elle venait de retrouver un frère. C'était son plus beau cadeau de Noël !
Puis le chien se releva et se mit à lécher les joues de l'homme et à lui sécher les yeux. Après une dernière galipette, tout joyeux d'avoir joué ce bon tour à sa maitresse, il revint près d'elle et réclama sa promenade, comme si rien ne s'était passé. L'homme ramassa l'argent et debout il paraissait encore plus grand...
Me revint alors une parole d'Isaïe " Cieux, écoutez ; terre, prête l’oreille, car le Seigneur a parlé. J’ai fait grandir des enfants, je les ai élevés, mais ils se sont révoltés contre moi. Le bœuf connaît son propriétaire, et l’âne, la crèche de son maître. Israël ne le connaît pas, mon peuple ne comprend pas."
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