Adam, avant de rencontrer Eve, se dit Adam et la somme de ses lettres en hébreu correspond au mot "quoi" ; après sa rencontre avec Eve, son nom devient Aadam, et la somme des lettres donne "qui". Comme si, pour passer de l'état d'objet à celui de sujet, il fallait passer par la relation avec l'autre.
A ce moment-là, comme dans l'évangile de Philippe, le mot amour devient le mot alliance. Une alliance entre deux libertés, entre deux sujets qui s'inclinent l'un devant l'autre. On n'est plus dans le registre de la complémentarité. L'autre n'est pas là pour combler le manque. Ce sont deux sujets. Et dans la relation entre ces deux libertés se révèle quelque chose de divin. Ce n'est pas un amour de dépendance, ni un amour de séduction, c'est une alliance qui porte du fruit. Le fruit peut-être un enfant, mais aussi une oeuvre - ou bien le plaisir !-, mais dans tous les cas c'est une façon de mettre Dieu au monde. Au coeur de la relation elle-même se révèle quelque chose de l'être de Dieu.
Si vous voulez aller plus loin, cet "être de Dieu" se révèle comme trinité. La trinité veut dire que Dieu est relation d'amour : ce n'est pas le un, ce n'est pas le deux, c'est le trois, le chiffre de l'alliance, la révélation de ce que peut être Dieu. C'est pour cela que les grands monothéistes, tels Hallaj ou Rûmî, disent : "Dieu est un, comme l'Amour, l'Amant et l'Aimé sont un." La relation elle-même est un dévoilement du Dieu-un, qui est à la fois un et trine. Le Dieu-relation. C'est la révélation de celui qui est entre les deux. Du troisième ...
Jean-Yves Leloup
extrait de l'article "Le saint des saints, c'est la chambre nuptiale"
Nouvelles Clés N°58 juin-juillet-août 2008