La situation de l'âme dans la contemplation ressemble à celle d'Adam et d'Eve dans le Paradis. Tout vous appartient, mais à une condition infiniment importante : que tout vous soit donné.
Il n'y a rien que vous puissiez réclamer, rien que vous puissiez exiger, rien que vous puissiez prendre. Et, dés que vous essayez de prendre quelque chose comme si cela vous appartenait - vous perdez votre Eden.
La seule différence est que vous ne vous rendez pas compte tout de suite de ce que vous avez perdu. C'est pourquoi, seule, la plus grande humilité peut vous donner la sensibilité et la prudence instinctives qui vous empêcheront de rechercher les plaisirs et les satisfactions que vous pouvez comprendre et savourer dans cette obscurité. A l'instant où nous demandons quelque chose pour nous-mêmes, où nous comptons sur quelque acte personnel de notre part pour obtenir une intensification plus profonde de ce pur et serein repos en Dieu, nous ternissons et faisons évanouir le don parfait qu'Il désire nous faire en union avec Lui, dans le silence et l'inaction de nos facultés.
S'il y a une chose que nous devons faire c'est de nous pénétrer jusqu'au plus profond de notre être de cette vérité que c'est un pur don de Dieu, qu'aucun désir, aucun effort, aucun héroïsme de notre part ne peut rien faire pour mériter ou obtenir.
Notre activité personnelle est, pour la plus grande part, un obstacle à la pénétration de cette paisible et pacifiante lumière, sauf que Dieu peut exiger de nous, pour la charité ou l'obéissance, certains actes et certaines oeuvres, et nous maintenir dans une union profonde et réelle avec Lui par l'intermédiaire de ces actes ou de ces oeuvres, à son bon plaisir et non pas en raison de notre fidélité.
Thomas Merton
Semences de contemplation
Ed. du Seuil