Le corps, l'âme et l'esprit ont chacun leur manière particulière de connaître : le corps connaît par les cinq sens, l'âme par le raisonnement intellectuel, l'esprit par la conscience, par une perception mystique qui transcende les procédés ordinaires de la raison humaine.
En dehors de ces trois éléments: l'esprit, l'âme et le corps, il est un autre aspect de la nature humaine qui reste en dehors de cette classification tripartite: le coeur. Le terme «coeur» a une importance toute particulière dans la doctrine orthodoxe sur l'homme. Quand, en Occident, on parle du coeur, on entend généralement par là les émotions et les affections; mais dans la Bible, comme dans la plupart des livres ascétiques de l'Eglise orthodoxe, le coeur a une signification beaucoup plus riche: c'est l'organe principal de l'être humain, physique et spirituel, c'est le centre de la vie, le principe déterminant de toutes ses activités et de toutes ses aspirations. Le coeur inclut également les émotions et les affections, mais signifie bien davantage; il embrasse tout ce qui constitue ce que nous appelons une «personne ».
Les homélies de saint Macaire développent cette notion du coeur :
« Le coeur gouverne tout l'organisme corporel et règne sur lui, et quand la grâce possède le coeur, elle gouverne tous les membres et toutes les pensées, car c'est dans le coeur que se trouvent l'intellect et toutes les pensées de l'âme ainsi que ses désirs; par son intermédiaire, la grâce pénètre également tous les membres du corps.
« Le coeur est d'une profondeur insondable; il s'y trouve des salles de réception et des chambres à coucher, des portes et des portails, de nombreux offices et passages. On y trouve l'atelier de la justice comme celui de la méchanceté. La mort et la vie sont en lui... Le coeur est le palais du Christ; c'est là que le Christ, notre Roi, vient prendre son repos avec les anges et les esprits des saints; il y demeure, le parcourt et y établit son Royaume.
« Le coeur n'est qu'un petit vaisseau, et pourtant il s'y trouve des lions, des dragons et des créatures venimeuses, et tous les raffinements de la méchanceté; il s'y trouve des sentiers rugueux et raboteux et des gouffres béants. Mais Dieu s'y trouve également et aussi les anges, la Vie et le Royaume, la Lumière et les apôtres, la cité céleste et les trésors de la grâce. Tout est là. »
Ainsi compris, il est clair que le coeur ne se confond pas avec l'un des trois éléments constitutifs de l'homme, le corps, l'âme ou l'esprit, mais qu'il est lié à chacun des trois.
Introduction de Mgr Kallistos Ware
L'art de la prière
Higoumène Chariton de Valamo
Spiritualité orientale n°18
Abbaye de Bellefontaine