Une crise surmontée, c'est aussi une crise dont on doit tirer des enseignements. Une crise dont, une fois sorti, on peut se dire : cela, nous ne devrons plus le laisser faire ou le laisser dire. Ces égoïsmes, ces mécanismes de finance folle, ces emballements de la virtualité qui saccage le réel, ces paradis fiscaux qui sont des enfers du sens, ce primat donné à la finance sur l'industrie ou sur le commerce, cette idéologie du court terme qui abolit l'avenir, tout cela il ne faudra pas le laisser revenir. Ni tolérer qu'on nous rebatte demain les oreilles avec la « mondialisation heureuse ». Le monde aura pris, certes, conscience de son unité économique et financière. Mais il aura également connu les faiblesses de sa division politique, de la voracité des intérêts, des excès suicidaires de la sphère financière. La crise d'aujourd'hui prépare une révolution culturelle au sens d'une réévaluation des valeurs, d'une nouvelle hiérarchie des priorités, d'un reclassement des objectifs du « vivre ensemble ». Si tout cela devait se produire, elle n'aurait pas été entièrement négative, cette crise.
Et pendant ce temps, des enfants naissent partout sur terre. Dans la nuit, des étoiles brillent partout aussi. Il faut bien qu'il fasse nuit pour qu'on puisse voir briller les étoiles. La nuit est une crise, à sa manière. Une crise de la vision. Sentiment d'abandon. Sensation que rien ne vaut et que cela ne finira jamais. Que le silence est définitif. Nuit des malades, des souffrants, des éperdus d'anxiété. Et pourtant, depuis que le monde est monde, il y a toujours des nuits où s'affirment les étoiles, où naissent les enfants poussant leurs premiers cris. Des nuits où germent des espérances d'aubes qui font se redresser les volontés, les ardeurs et la joie.
Vive la nuit ! Vive l'aube incroyable qu'elle annonce !
Brunot Frappat
Panorama Décembre 2007