BERTRAND REVILLION : D'où vous est venu ce désir de bâtir un spectacle autour de Mère Teresa de Calcutta?
MAURICE BEJART : Cette femme me fascine. Ce qui me touche, c'est à la fois sa profonde chrétienté et son ouverture à toutes les religions. Le premier texte d'elle, que l'on entend en début de spectacle, affirme cette chose merveilleuse : « Il faut travailler à ce qu'un musulman soit un bon musulman, un hindou, un bon hindou, et un chrétien, un bon chrétien... » Je suis touché qu'une femme comme elle, totalement inscrite dans sa tradition chrétienne, totalement fidèle à l'enseignement de son Église, ait cette liberté de cœur et d'esprit vis-à-vis des autres religions, des autres voies culturelles, mystiques, religieuses, qui mènent, elles aussi,à Dieu...
Ce questionnement spirituel, l'avez-vous toujours eu?
J'ai été élevé dans un pensionnat catholique, le Sacré-Cœur, à Marseille. J'y suis entré à quatre ans et j'en suis sorti après mon bac ! J'ai donc effectivement baigné fortement dans une culture chrétienne qui a nourri premiers regards sur l'existence. Mon père, le philosophe Gaston Berger, se passionnait pour les questions spirituelles. J'ai donc bénéficié d'une double influence : le catholicisme classique transmis à l'école (j’allais à la messe presque tous les matins et j'étais même enfant de chœur!) et cette fenêtre ouverte par mon père sur les autres religions et les spiritualités orientales. J'ai su, très tôt, qu'il y a plusieurs chemins qui mènent à Dieu...
Qu'avez-vous trouvé dans le soufisme ?
Le soufisme, nourri de la tradition de l'islam, est aussi ouvert à toutes les religions. C'est tout le contraire d'une religion fermée, sectaire, violente... C'est une tradition mystique. Lorsque je l'ai rencontré, je me suis retrouvé comme chez moi car, depuis l'adolescence, j'étais un fervent lecteur de Jean de la Croix, le grand mystique chrétien espagnol.
Avez-vous des temps de prière quotidiens ?
Oui. Il y a, bien sûr, des moments dans la journée réservés à la prière et à la méditation. J'ai absolument besoin de silence et de solitude. Mais attention à ne pas voir, dans cette attitude, une sorte de dichotomie entre ces moments de prière et le reste de la journée. La Présence est constante...
L'unité, c'est pour vous le maître mot ?
S'unifier, c'est se donner les moyens de se trouver... Le chemin spirituel authentique est, je crois, celui qui nous fait passer de la dispersion à l'unité. Il nous faut sortir de Babel et des eaux du Déluge pour retrouver le Paradis, c'est-à-dire l'unité perdue avec Dieu..
S'il faut un mot pour essayer d'approcher Dieu...
Ce mot, c'est évidemment le mot « amour ». C'est le seul, je crois, qui ne travestit pas l'image de Dieu. Mère Teresa savait, elle, ce que ce mot veut dire ! «Si tu veux être libre, soit captif de l'amour», dit une sentence soufie...
Panorama
Janvier 2008