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1 juillet 2010 4 01 /07 /juillet /2010 22:27

Dire Dieu qu'est-ce que cela veut dire?


De tout temps, l'homme a cherché à traduire son expérience spirituelle avec ses pauvres mots. Mais comment dire le « souffle de cette brise légère » qu'entendit Élie à l'Horeb ? Comment évoquer la « reconnaissance » que firent de leur Seigneur les deux pèlerins d'Emmaüs ? Par quel langage rendre compte de la bienheureuse « chute » de Paul sur le chemin de Damas ?


Tant d'hommes et de femmes - de saint Augustin à saint Bernard, de Thérèse d'Avila à Thérèse de Lisieux - ont cherché à dire l'indicible, à traduire l'ineffable. Cela nous vaut des textes magnifiques, récits, poèmes, confessions. Mais à y regarder de plus près, ce qui fait la vraie qualité des écrits spirituels n'est peut-être pas tant la parole timidement proférée que le silence que ces mots ouvrent en nous. Comme si « parler Dieu », « parler à Dieu », « parler de Dieu » était le meilleur chemin pour, peu à peu, apprendre à se taire devant Lui.


« Dans le silence, on trouve Dieu. Mieux encore : dans le silence, c'est Dieu qui nous trouve. Le silence est sa langue... » écrivait julien Green.


Le risque est grand, en effet, de « trop en dire » sur Dieu, de l'enfermer dans nos définitions de catéchisme, de le réciter, d'affirmer plus que nous ne « savons ». Car, honnêtement, nous ne « savons » pas grand-chose de l'Éternel. La foi, avant d'être un « savoir », est une relation d'amour, un secret dialogue où l'Esprit, à certaines heures, nous chuchote à l'oreille de l'âme « les mots pour Le dire ». Toute parole sur Dieu vire au mensonge ou à l'idéologie lorsqu'elle ne naît pas de la prière, de l'intimité patiente avec celui qui est la Parole, Verbe de Dieu, source de nos balbutiements de croyants en chemin. « Au moment de nommer Dieu, les mots de la foi sont défaillants, et tout discours qu'on lui appliquera ne pourra le dire ni tel qu'il est ni grand comme il est » ose affirmer saint Hilaire de Poitiers.


Il nous faut cependant tenter de parler de Dieu, oser une marche d'approche vers la divine Présence. Certains et certaines le font par la théologie, d'autres par la littérature, la poésie, le théâtre; d'autres encore par l'art: peinture, sculpture, musique, danse... Alors, l'expérience spirituelle de l'un peut devenir sentier pour l'autre ; alors, en se disant, la parole creuse en nos coeurs son sillon ; alors, le langage patiemment forgé en commun devient lien fraternel, fondement de la communauté, ferment de l'Église.


Le croyant, le chercheur de Dieu toujours en exode, doit tenter de dire, faire siens les mots de ses frères et soeurs, paroles d'hier sédimentées par l'histoire, polies par la prière du temps, mots d'aujourd'hui à continuer d'inventer. Dire Dieu, tout en sachant qu'il nous est impossible d'en dire trop; dire Dieu avec nos mots fragiles comme des vases d'argile ; dire Dieu aussi, et peut-être d'abord, par nos gestes d'amitié, de fraternité et de solidarité. Dire Dieu, comme on aime !


Bertrand Révillion
Panorama 467 juillet-août 2010

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