Le Carême est un temps dédié à l’affinement et à la purification des sens spirituels et à l’identification des habitudes ou des schémas qui les polluent. Nous effectuons ce travail au moyen des exercices propres à cette période. Ce n’est pas un temps d’autopunition ou de refoulement. Spécialement de nos jours, la psyché humaine est trop fragile pour un tel traitement. Mais quand un ami prend son courage à deux mains pour nous dire quelque chose que nous préférerions ne pas entendre, pour attirer notre attention sur une faute ou une malhonnêteté dont nous nous sommes rendus coupables, ne somme-nous pas reconnaissants, au fond, de ce témoignage d’amour et d’intérêt pour notre personne ? Ce qui est efficace pour accélérer le cheminement spirituel, ce n’est pas la condamnation mais la « repentance ». Se repentir ne signifie pas se sentir coupable – ce qui est une perte de temps et d’esprit – mais être suffisamment honnête, lucide et courageux pour changer de direction.
Avant de changer de direction, il vaut mieux marquer une pause. Le Carême est avant tout une période où l’on consacre plus de temps que d’habitude aux mécanismes de la vie spirituelle. Il ne s’agit pas uniquement de renoncer mais de faire quelque chose en plus ou en moins. Parfois, les deux s’équilibrent harmonieusement – moins de temps passé devant la télévision et plus de temps consacré à la lecture, se coucher plus tôt et se lever plus tôt pour méditer, n’écouter les informations qu’une fois par jour et prier les offices des heures plus souvent, manger moins et mieux, vivre et communiquer plus sainement.
Les bonnes intentions ont plus de chance, naturellement, d’être mises en pratique si elles sont réalistes. Il vaut mieux ralentir progressivement avant de changer de direction sinon on risque de faire un tête-à-queue. Le but de la discipline du Carême est d’inverser la tendance réelle ou implicite au rejet de soi afin que puisse émerger l’expérience de se savoir aimé et de laisser cette expérience nous envelopper. Cette connaissance (quelle que soit la manière dont elle vient à nous) n’est autre que la « connaissance de Dieu ». Le changement de vitesse est l’immobilité. C’est pourquoi :
Arrête et sache que je suis Dieu (Ps 45)
Laurence Freeman osb, extrait de l’enseignement pour l’entrée dans le Carême 2008.