Actuellement l'argent, même en chiffres rassurants, nous piège par le souci parce qu'il nous soûle d'achats.
C'est fou ce que nous accumulons. Des vêtements, des souliers, des livres qu'on ne lira pas, des cassettes qu'on n'écoutera pas, le dernier gadget électrique pour découper le rôti, le stylo-montre.
L'argent moderne, à manipulation si facile (une signature!) risque de faire de nous des drogués de l'achat. Une drogue constamment proposée par la publicité, les vitrines et les magasins à grande surface. C'est là qu'il faut lire l'Evangile !
Dernière victoire de l'argent-achats : l'obsession du confort à la maison, avec sa double progression vers l'avachissement et l'égoïsme. Inutile de bluffer : plus on achète, moins on donne. Vérité de La Palisse ? C'est bien plus grave pour un cœur chrétien : plus on achète, moins on a envie de donner.
L'explication est simple, mais on n'aime pas s'attarder aux choses simples quand on pressent ce qu'elles vont exiger de nous. Osons pourtant analyser le durcissement du cœur par l'achat : on y développe à l'extrême la préoccupation de soi, on glisse insensiblement de la nécessité au confort, puis à une inutilité tellement égoïste que les derniers réflexes de générosité y meurent.
C'est, avec la condamnation du souci, le deuxième regard évangélique sur l'argent : nous tient-il sous sa coupe au point que nous hésitons à partager ? Il y a une manière de compter qui est terriblement païenne. Non par peur de manquer, cette fois, mais par égoïsme : ce que je donnerai ne sera plus pour moi. Là, l'argent nous tient.
Je mesure cet esclavage quand je me surprends à acheter quelque chose de pas vraiment utile ou le plus cher. Je regarde ensuite l'enveloppe prête pour un don et je me mets à hésiter : « Et si j'en ai besoin ?» Y a-t-il plus anti-évangélique que ce mélange de prodigalité pour soi et d'avarice pour les autres ?
Je vois pourtant que c'est fréquent chez les chrétiens. Il y a bien des prodigues généreux, mais la plupart (y compris les religieux !) comptent et recomptent quand il s'agit de donner, refusant pratiquement le partage.
Je dis « pratiquement », car ils en rêvent ! Et ils en parlent. Mais devant le geste à faire des montagnes de bonnes raisons se dressent. «Je ne suis pas avare, me disait une "excellente" chrétienne dont le mari gagne gros, mais j'hésite. » Personne ne se reconnaît avare, seulement un peu hésitant.
Et trop raisonnable ! La pratique évangélique de l'argent est toujours folle.
Faire totalement confiance à Dieu dans ce domaine, c'est fou ; donner largement, c'est fou. Mais à ce grain de folie on reconnaît le bon usage de n'importe quelle richesse. Aucune ne doit commander notre vie au point de nous rendre moins confiants en Dieu et moins fraternels.
Quelle que soit ta situation, aisée ou un peu juste, si ton esprit est en paix et si tu partages beaucoup, tu as trouvé ta réponse à «Bienheureux les pauvres ».
André Sève
Le goût de la vie
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