Depuis quelques années, le Père Noël et même le sapin traditionnel sont en discussion – certains diront même en sursis. De quoi sont-ils donc accusés ? D’être des témoins gênants de ce christianisme originel européen, que nous ne saurions voir. Certaines écoles, comme celle du Grand Clos de Montargis, l’an dernier, ont décidé de ne plus célébrer la fête de Noël « pour respecter les croyances de tous ».
Autant on peut comprendre le recours entamé par des associations de libres-penseurs contre l’exposition de crèches de la nativité dans des locaux municipaux, comme c’est le cas à Melun, cette année, autant les attaques visant le Père Noël, le sapin et la fête des enfants témoignent d’une profonde méconnaissance de vieilles traditions européennes - qui ont bien peu à voir avec le christianisme.
Celui-ci, comme souvent, a détourné le sens d’une vieille fête païenne, qu’il ne parvenait pas à éradiquer, en lui donnant un sens nouveau. La fête de Noël nous vient de l’empire romain ; c’est la fête du solstice d’hiver, fixée par erreur par un astronome d’Alexandrie, le 25 décembre, dans le calendrier romain, réformé à l’initiative de Jules César. Elle ponctuait les saturnales qui, comme on sait, n’étaient pas précisément en accord avec la morale chrétienne…
Dans l’empire tardif, cette fête fut baptisée « du soleil invaincu » et elle marquait le moment où les jours commencent à rallonger. Mais déjà, cette fête entrait en concurrence avec la Nativité, qui vient se greffer sur la première. Le solstice marquant la victoire de la lumière sur les ténèbres, la joie de savoir que les jours vont dorénavant rallonger, il a paru judicieux de le faire coïncider avec la naissance du Sauveur du monde. Mais l’Eglise reconnaît que la fixation de la naissance de Jésus le 25 décembre de l’an 0 remonte en réalité au sixième siècle. Elle serait due à l’initiative d’un moine romain, Denys le Petit.
Pourtant, cette fête chrétienne étant attestée, dans l’empire romain d’Orient dès le IV° siècle, certains historiens estiment qu’elle bien pourrait trouver également son origine dans la fête juive d’Hanouka, qui se déroule également entre la fin novembre et le mois de décembre. De là viendrait peut-être aussi l’usage de distribuer des cadeaux aux enfants, puisqu’on distribue des pièces de chocolat aux enfants pour Hanouka.
Quant au sapin de Noël, c’est une vieille coutume germanique contre laquelle l’Eglise catholique a longtemps bataillé, avant de s’incliner, tout comme le Père Noël, dont vous rappelez, Martyne Perrot qu’il fut vilipendé par l’Eglise jusque dans les années 50.
Mais vous vous êtes attachée (1)à décrire les origines de notre fête de Noël actuelle. Vous montrez en particulier comment la famille victorienne, au milieu du XIX° siècle a fait triompher la privacy, l’intimité, sur les réjouissances publiques. Comment la famille se recompose autour des enfants, de leur imaginaire. On aurait pu imaginer que la crise mettrait un bémol à l’habitude de dépenser, ces jours-là, sans compter. Mais il est question cette année, comme les années précédentes, d’une « grande purge annuelle financière ».
"La consommation est une religion dégradée, la croyance dans la résurrection infinie des choses dont le supermarché forme l'Eglise et la publicité les Evangiles", écrit Pascal Bruckner, dans La Tentation de l'innocence
Est-ce la tyrannie de « l’enfant-roi », qui nous pousse à sacrifier ainsi rituellement aux dieux païens de la consommation ?
France Culture
Chronique de Brice Couturier du 19 décembre 2013
(1) Ethnologue et anthropologue spécialiste de Noël, Martyne Perrot, qui a publié aux éditions autrement « Le cadeau de Noël, histoire d’une invention ».
Noël : la seule fête qui résiste à la crise ?
http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-noel-la-seule-fete-qui-resiste-a-la-crise-2013-12-19
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